(Paris) Le président français Emmanuel Macron a affirmé jeudi qu’il n’y avait « aucune limite » ni « ligne rouge » au soutien de la France à l’Ukraine, selon des chefs de partis politiques qu’il a reçus jeudi, réitérant ainsi une position jugée « irresponsable » par les oppositions et vertement dénoncée par la Russie.  

Le chef de l’État a expliqué qu’il « fallait soutenir l’Ukraine “quoiqu’il en coûte” », a affirmé le coordinateur du parti de la gauche radicale La France insoumise (LFI) Manuel Bompard, en faisant part de son « inquiétude ».

« Le président de la République est prêt à un soutien sans limites et semble-t-il, jusqu’au-boutiste à l’Ukraine », « il n’y a aucune limite et aucune ligne rouge », a aussi déploré Jordan Bardella, le président du parti d’extrême droite Rassemblement national.

Emmanuel Macron a placé l’Ukraine au centre du débat politique national depuis qu’il a affirmé, le 26 février, que l’envoi en Ukraine de troupes au sol ne devait pas « être exclu », au nom d’une « ambiguïté stratégique » et que tout serait fait pour que la Russie de Vladimir Poutine perde cette guerre.

Le président français « continue d’augmenter le niveau d’implication directe de la France » dans le conflit en Ukraine, a fustigé jeudi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dans une vidéo diffusée sur Telegram.

Les Européens et les Américains se sont jusqu’à présent largement démarqués de la position française, mais Emmanuel Macron, qui a organisé la semaine dernière une conférence internationale de soutien militaire à l’Ukraine, la juge nécessaire pour reprendre « l’initiative » face aux Russes. Une nouvelle réunion en visioconférence consacrée au soutien à l’Ukraine devait se tenir jeudi en présence d’une trentaine de pays.

Une position « en total accord avec ses convictions européennes et avec la tonalité d’un discours qu’il a toujours eu », résolument pro-européen et contre « ce qu’il a appelé le nationalisme belliqueux », estime le politologue Bruno Cautrès, chercheur au CNRS.

« Escalade guerrière »

En France même, les oppositions, de gauche et de droite, s’insurgent contre tout envoi de troupes. Beaucoup estimant que le président Macron a affaibli la position française et fait le jeu de Moscou en étalant les divisions européennes.

Le chef de l’État français a souhaité un débat au Parlement, suivi d’un vote non contraignant mardi à l’Assemblée nationale, puis mercredi au Sénat, qui porteront sur un accord bilatéral de sécurité signé le 16 février entre Paris et Kyiv.

Les discussions promettent d’être houleuses, alors que la réunion de jeudi est loin d’avoir apaisé les craintes.

Selon le patron des communistes Fabien Roussel, Emmanuel Macron a notamment esquissé, carte à l’appui, le scénario d’une avancée du front « vers Odessa ou vers Kyiv », « ce qui pourrait engager une intervention », car « il ne faudrait en aucune manière le laisser faire ». Il a décrit un président « prêt demain à s’engager dans une escalade guerrière qui peut être dangereuse ».

L’exécutif assume cependant sa position et la levée de boucliers qu’elle entraîne.  

« C’est un moment de vérité », fait valoir l’entourage du chef de l’État, en évoquant des fissures dans « l’unanimité » constatée encore l’été dernier, vis-à-vis du soutien à Kyiv.

En ligne de mire figure le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN), qui fait la course en tête des sondages pour les élections européennes du 9 juin, avec 28 à 30 % des intentions de vote.

L’exécutif français a tiré à boulets rouges ces derniers jours sur le RN, régulièrement accusé de complaisance vis-à-vis de Moscou.  

Le premier ministre Gabriel Attal a récemment estimé qu’il y avait lieu « de se demander si les troupes de Vladimir Poutine (n’étaient) pas déjà » en France, visant nommément Marine Le Pen, la cheffe du groupe RN à l’Assemblée, finaliste des élections présidentielles de 2017 et 2022 et qui se présente comme la « candidate naturelle » de son camp pour celle de 2027.

Le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a, lui, jugé la semaine dernière qu’« une grande partie » du Rassemblement national (RN) et du parti de la gauche radicale la France Insoumise (LFI) étaient des « proxys » – relais d’influence – de la Russie de Vladimir Poutine.

« Ne laissez pas entrer les nationalistes. Ils étaient déjà la guerre. Ils sont désormais la défaite face à la Russie », a enjoint Emmanuel Macron à ses ministres.