(Pamiers) Le mouvement de colère des agriculteurs se poursuit avec vigueur mardi soir en France, mais endeuillé par la mort d’une femme et de sa fille renversées par une voiture sur un barrage, alors que s’ouvre une réunion des ministres européens du secteur.

Les ministres de l’Agriculture des Vingt-Sept, réunis à Bruxelles, ont salué l’organisation jeudi d’une première séance du « dialogue stratégique » proposé par la Commission européenne, qui réunira organisations agricoles, secteur agro-alimentaire, ONG et experts.

Dans le sud-ouest de la France, le ministre français de l’Agriculture, Marc Fesneau, est arrivé dans la soirée sur les lieux où, à l’aube, un véhicule a foncé sur un barrage d’agriculteurs, sur une section de la RN20 Toulouse-Andorre, fermée à la circulation.

Il a confié être venu « témoigner de l’émotion de la nation ».

Une agricultrice de 35 ans avait été renversée vers 5 h 30 du matin (23 h 30 heure de l’Est) alors qu’elle se trouvait sur ce barrage à Pamiers, avec son conjoint de 40 ans et leur fille de 12 ans, tous deux grièvement blessés.

Hospitalisée dans un état « critique », l’adolescente « est décédée des suites de ses blessures peu après 19 h », a annoncé le procureur de Foix Olivier Mouysset dans un communiqué.

Le président Emmanuel Macron a regretté un « drame qui nous bouleverse tous ».

Les trois occupants de la voiture en cause (un homme et deux femmes de nationalité arménienne, selon le préfet du département) ont été placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête ouverte pour homicide involontaire aggravé et blessures aggravées, selon le parquet.

Ils étaient sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), après avoir été déboutés de leur demande d’asile, selon une source proche de l’enquête à l’AFP.

« Les faits en cause ne paraissent pas revêtir un caractère intentionnel », a souligné le parquet, mettant en avant la très faible luminosité sur place « en pleine nuit, sans éclairage public ».

« Dans le moment particulier que vit l’agriculture, ce genre de drame est difficile à vivre », a réagi le président du premier syndicat agricole français, la FNSEA, Arnaud Rousseau.

« L’ampleur de ce qui est en train de se préparer ne sera pas modifiée par ce drame », a-t-il souligné ensuite, ajoutant : « les combats continuent ».

Minute de silence

Parti du sud-ouest jeudi dernier, le mouvement de contestation y reste le plus actif, avec des barrages et perturbations autour de Toulouse, de Pau, de Bayonne, ou encore d’Agen, où des agriculteurs ont observé une minute de silence en hommage à l’agricultrice décédée.

Entre 120 et 150 ont aussi bloqué mardi une plateforme logistique du groupe de grande distribution français Leclerc à Castelnaudary.

Mais les blocages s’étendent peu à peu à d’autres régions de France, y compris dans la partie nord du pays.

Ainsi dans la Somme (nord), selon la préfecture, 55 tracteurs, 32 véhicules légers et environ 110 personnes tiennent depuis mardi après-midi un barrage filtrant sur l’autoroute A29, près d’Amiens.  

Et un tronçon de l’A16 à hauteur de Beauvais est coupé à la circulation par des dizaines de tracteurs, selon des journalistes de l’AFP sur place.

Dans le centre-est, depuis 4 h du matin, une trentaine de tracteurs ont bloqué la circulation sur l’A7 dans les deux sens, entre Lyon et Valence (sud-est).

« On est parti pour la journée, pour la nuit… tant que des mesures concrètes ne sont pas annoncées », a déclaré à l’AFP Thierry Sénéclauze, agriculteur.

Le gouvernement est « à l’œuvre […] pour apporter des réponses dont j’entends qu’elles soient concrètes. Et rapides », a déclaré Marc Fesneau.  

« Solutions concrètes »

Des « solutions concrètes aux difficultés » de la profession, c’est également ce que le président Emmanuel Macron a demandé au gouvernement du premier ministre Gabriel Attal.

Après avoir reçu le FNSEA, premier syndicat agricole français, M. Attal a reçu mardi soir la Coordination rurale et verra mercredi matin la Confédération paysanne.  

Les représentants de la Coordination rurale ont jugé « constructif » leur entretien mais n’ont pas appelé à lever leurs blocages, attendant des mesures « concrètes » et « rapides ».  

Ces dernières années, la FNSEA a remporté de nombreux arbitrages, comme sur les taxes sur l’eau ou les pesticides, mais les agriculteurs continuent de se plaindre de crouler sous les normes et de ne pas gagner assez bien leur vie.

Parmi les revendications entendues sur le terrain : des simplifications administratives, pas de nouvelle interdiction de pesticides, arrêter d’augmenter le prix du gazole pour les tracteurs, être indemnisé plus vite après des calamités ou encore la pleine application de la loi censée obliger les industriels et les grandes surfaces à mieux payer les agriculteurs.

Le gouvernement craint un embrasement. Des Pays-Bas à la Roumanie en passant par la Pologne ou l’Allemagne, les agriculteurs multiplient les actions contre les hausses des taxes et le « Pacte vert » européen.