(Kyiv) L’armée ukrainienne a annoncé la libération du village de Robotyne après une bataille de plusieurs semaines sur le front Sud, Kyiv espérant que cela pourra donner une impulsion à sa difficile contre-offensive.

Cette zone du front est l’axe d’attaque en direction des villes de Tokmak puis de Melitopol afin de tenter de rompre l’unité territoriale des zones occupées par les Russes dans le sud et l’est avec la Crimée, annexée en 2014.

La Russie a quant à elle poursuivi ses bombardements, qui ont fait au moins trois morts dans un village du centre, dans la région de Poltava.

Moscou a également affirmé lundi avoir fait décoller deux avions de combat pour intercepter au-dessus de la mer Noire, près de la Crimée, deux drones américains de reconnaissance, un type d’incident qui est devenu fréquent ces derniers mois.

Depuis le déclenchement de leur contre-offensive en juin, les forces ukrainiennes n’avancent que lentement, car elles sont confrontées à des lignes de défense fortifiées extrêmement denses.

À Kyiv, on souligne que l’assaut relève d’une stratégie de longue haleine et que l’armée avance lentement mais sûrement.

Avec la prise de Robotyne, les militaires ukrainiens espèrent cependant être en position d’enfoncer un coin dans le front, même si devant eux se dressent toujours des tranchées, des fortifications antichars et des champs de mines.  

PHOTO FOURNIE PAR LE BATTALION D’ASSAUT SKALA VIA REUTERS

Vue sur le village de Robotyne

Pression russe dans le Nord-Est

L’Institute for the Study of War (ISW), un centre d’analyse pro-occidental, estime que la Russie a alloué des moyens importants pour défendre les positions qu’elle est en train de céder et s’interroge quant à sa capacité de faire de même pour les lignes de défense suivantes.   

« Les forces russes ont engagé une quantité considérable de matériel, d’efforts et d’hommes pour tenir des positions défensives dans lesquelles les forces ukrainiennes sont en train de pénétrer », relève l’ISW.

« Difficile de dire si les forces russes pourront conserver leur avantage [défensif] sans être en mesure d’engager autant de moyens et de personnel sur les couches défensives suivantes », poursuit cet institut.  

En tout cas, pour les autorités ukrainiennes, chaque village reconquis constitue un coup porté aux ambitions du président russe, un an et demi après le début de l’invasion de l’Ukraine.  

« Toute la légitimité de Poutine auprès de l’élite russe est qu’il n’a pas encore perdu la guerre. Plus la Russie perd le contrôle de territoires occupés, plus vite le soutien pour le régime déclinera », a estimé sur X Mikhaïlo Podoliak, un conseiller de la présidence ukrainienne.

En outre, l’Ukraine est à la lutte pour tenir face à une offensive russe dans le Nord-Est et au grignotage de terrain depuis des semaines qui en est la conséquence.

La crainte de Kyiv est de désormais voir la Russie lancer des dizaines de milliers d’hommes dans cette direction afin de percer le front et de forcer l’Ukraine à se détourner de ses axes d’attaques principaux dans le sud.

Ilia Ievlach, le porte-parole du commandement est de l’armée ukrainienne, a assuré dimanche que Moscou avait massé 45 000 soldats dans le secteur de Koupiansk et 48 000 autres dans celui de Lyman, un peu plus au sud.

Samedi soir, le ministère britannique de la Défense avait jugé dans un rapport quotidien que les gains territoriaux ukrainiens pourraient conduire la Russie à tenter de « reprendre l’initiative » en décuplant ses opérations offensives.

« Koupiansk-Lyman est une zone potentielle pour cela », selon cette source.

Nouvelles attaques de drones en Russie

Les forces russes ont déjoué de nouvelles attaques nocturnes de drones ukrainiens dans les régions de Toula et Belgorod (ouest), a affirmé Moscou mardi matin.

Deux « véhicules aériens sans pilote ont été détruits par la défense aérienne en service au-dessus du territoire de la région de Toula », située au sud de la région de Moscou dont elle est limitrophe, a fait savoir le ministère russe de la Défense sur Telegram.

Un autre appareil a par ailleurs été abattu dans la région russe de Belgorod, frontalière de l’Ukraine, lundi vers 23 h locales (16 h heure de l’Est), a indiqué la même source plus tôt mardi.

Le ministère n’a pas communiqué d’informations quant à d’éventuels blessés ou dégâts.

Erdogan « bientôt » en Russie

L’Ukraine s’efforce, pour sa part, de maintenir la pression sur la Russie en multipliant aussi les attaques de drones sur son territoire, certains volant jusqu’à sa capitale, et contre la Crimée, une base -arrière-clé pour l’approvisionnement des troupes russes.  

Enfin, en dépit de la guerre qui y fait rage, les Russes comptent organiser le 10 septembre des scrutins régionaux dans la partie des régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson qu’ils occupent et dont M. Poutine a revendiqué l’annexion en septembre dernier.  

PHOTO 36TH SEPARATE MARINE INFANTRY VIA REUTERS

Sur cette capture d’écran obtenue à partir d’une vidéo, on voit un panache de fumée s’élève vers le ciel près de Houliaïpole, dans la région de Zaporijjia.

La Commission électorale russe a fait savoir que le vote par anticipation y commencerait le 30 août.  

Pour l’Ukraine et l’essentiel de la communauté internationale, ces opérations électorales n’ont aucune légitimité.

Sur le front diplomatique, Ankara a annoncé que le président turc Recep Tayyip Erdogan se rendrait « bientôt » à Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie, pour discuter avec Vladimir Poutine de la reprise de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes.

PHOTO ADEM ALTAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président turc Recep Tayyip Erdogan

« Nous pensons que de nouveaux développements pourraient avoir lieu après cette visite », a déclaré un porte-parole de M. Erdogan.

La Russie avait mis fin en juillet à l’accord par lequel l’Ukraine pouvait exporter ses céréales et menace depuis d’attaquer des navires au départ des ports ukrainiens en mer Noire.

Lundi, le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a critiqué les États voisins de l’Ukraine pour leur intention de limiter les importations de céréales en provenance de son pays au-delà de l’interdiction imposée par l’Union européenne, Kyiv menaçant de « défendre farouchement » ses droits.

La Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Hongrie et la Bulgarie (qui n’est pas frontalière de l’Ukraine) ont menacé de prendre des mesures à l’échelle nationale si l’UE ne prolongeait pas les restrictions. La Commission européenne avait autorisé début juin leur prolongation jusqu’au 15 septembre pour bloquer sur le territoire des nations concernées la commercialisation de blé, maïs, colza et tournesol ukrainiens, qui selon elles provoque l’effondrement des prix sur les marchés locaux.

PHOTO SERGEI CHUZAVKOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov a montré des uniformes lors d’une conférence de presse à Kyiv, lundi.

En Ukraine, le ministre de la Défense, Oleksiï Reznikov, a rejeté lundi de nouvelles accusations de corruption concernant les fournitures de l’armée, des médias ayant dénoncé des achats d’uniformes à des prix gonflés, en pleine invasion russe.