(Moscou) La Russie a annoncé mercredi qu’elle considèrerait comme une cible militaire tout navire se dirigeant vers les ports céréaliers ukrainiens de la mer Noire, au moment où Kyiv, qui accuse Moscou de bombarder ses terminaux céréaliers, réclame des escortes internationales pour ces cargos après l’expiration d’un accord crucial pour l’alimentation mondiale.

Ce qu’il faut savoir

  • Le ministère russe de la Défense a annoncé mercredi que « tous les navires naviguant dans les eaux de la mer Noire à destination des ports ukrainiens seront considérés comme des bateaux transportant potentiellement des cargaisons militaires » ;
  • Le président ukrainien a accusé les troupes russes de viser « délibérément les infrastructures de l’accord sur les céréales » après une deuxième nuit de frappes russes sur Odessa ;
  • La suppression du couloir pour les exportations céréalières ukrainiennes et l’intensification des attaques ont en tout cas déjà fait grimper les cours des céréales ;
  • Dans l’est de la Crimée, un incendie sur un terrain militaire faisait toujours rage mercredi ;
  • Sur le front, les combats se concentrent dans l’est de l’Ukraine où les deux armées se font face.

L’Ukraine, dont la contre-offensive peine pour l’instant à briser les lignes de défense construites par les Russes, a dans le même temps répété qu’il ne pouvait y avoir aucune négociation avec Moscou, et réclamé à ses alliés occidentaux des centaines de blindés supplémentaires et des avions de combat américains F-16 pour reprendre ses territoires.

« Pour ce qui est du moral, nous tenons bon. Nous voulons simplement que la victoire arrive le plus vite possible », a dit à l’AFP un jeune militaire ukrainien de 23 ans, sans donner son nom et en un lieu tenu secret sur le front près de Lyman (est).

Conséquence du blocage depuis lundi par la Russie du « corridor » sécurisé en mer Noire qui avait été négocié avec Moscou par l’intermédiaire de l’ONU et de la Turquie pour exporter par cargos les millions de tonnes de céréales ukrainiennes, le blé a clôturé à 253,75 euros la tonne sur le marché européen, en hausse de plus de 8 %.

Compte tenu des risques, « il n’y a plus aucun armateur prêt à aller là-bas », a relevé Frédéric Denefle, directeur général du groupement Garex, spécialiste de l’assurance des risques liés aux conflits.

Le ministère russe de la Défense a en effet annoncé mercredi que dorénavant « tous les navires naviguant dans les eaux de la mer Noire à destination des ports ukrainiens seront considérés comme des bateaux transportant potentiellement des cargaisons militaires ».

Selon Adam Hodge, porte-parole du Conseil de sécurité national américain, Moscou « pourrait élargir son ciblage […] pour inclure des attaques sur des bateaux civils » et ensuite « faire porter la responsabilité de ces attaques à l’Ukraine ».  

Ces accusations se fondent sur des éléments des renseignements qui viennent d’être déclassifiés, a-t-il précisé.

Kyiv de son côté demande désormais la mise en place de « patrouilles militaires » navales sous mandat de l’ONU et avec la participation notamment de la Turquie, a indiqué à l’AFP Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne. Il a exclu toute négociation avec Moscou, dont l’objectif est selon lui de « détruire » l’Ukraine.

Frappes sur Odessa

Le pays a connu une deuxième nuit consécutive de frappes russes sur Odessa, grand port de la mer Noire. Selon le ministère chargé de la reconstruction de l’Ukraine, « les terminaux céréaliers et les infrastructures portuaires » des ports d’Odessa et de Tchornomorsk ont été attaqués, et « les silos et les quais du port d’Odessa » ont notamment été endommagés.

L’attaque, menée avec des missiles de croisière et des drones explosifs de fabrication iranienne, a fait au moins 12 blessés, selon le gouverneur de la région d’Odessa Oleg Kiper.

« Tout le monde est concerné par la terreur russe », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky dans son adresse quotidienne, appelant à « traduire en justice la Russie pour cette terreur ».

PHOTO OLEKSANDR GIMANOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

En un an, l’accord a permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, contribuant à stabiliser les prix alimentaires mondiaux et à écarter les risques de pénurie.

Paris a accusé Moscou de faire peser « un risque irresponsable sur la sécurité alimentaire mondiale » et Berlin a relevé que les bombardements russes indirectement « frappent les plus pauvres du monde ».

L’armée russe a de son côté affirmé n’avoir visé que « des sites industriels militaires, des infrastructures pour le carburant et des dépôts de munitions de l’armée ukrainienne ».

Le Kremlin avait averti mardi de nouveaux « risques » en mer Noire après la fin de l’accord sur les céréales. Moscou a refusé de reconduire cet accord signé en juillet 2022 sous l’égide des Nations unies et de la Turquie, et prolongé depuis à plusieurs reprises, dénonçant des entraves au commerce de ses propres engrais et produits alimentaires.

Vladimir Poutine a assuré mercredi que la Russie était prête à revenir à l’accord si ses demandes étaient réalisées « dans leur totalité », et a accusé les Occidentaux de se servir de cette question comme outil de « chantage politique ».

En un an, l’accord avait permis de sortir près de 33 millions de tonnes de céréales des ports ukrainiens, contribuant à stabiliser les prix alimentaires mondiaux et à écarter les risques de pénurie.

Explosions en Crimée

Dans l’est de la Crimée, un incendie sur un terrain militaire, accompagné de détonations qui pourraient être celles de stocks de munitions selon des médias en ligne russes, faisait toujours rage mercredi et a nécessité l’évacuation de quatre localités adjacentes, soit plus de 2000 personnes.

L’Ukraine frappe régulièrement des garnisons ou des stocks de matériel russes en profondeur des lignes, jusque dans la péninsule de Crimée.  

Sur le front, les combats se concentrent dans l’est de l’Ukraine où les deux armées se font face. Près de Koupiansk, dans le nord-est, la Russie a assuré avoir avancé d’un kilomètre.

Selon le conseiller de la présidence Mykhailo Podoliak, l’Ukraine a besoin pour briser les lignes russes de « 200 à 300 véhicules blindés supplémentaires, avant tout des chars », de « 60 à 80 avions F-16 » et de « 5 à 10 systèmes supplémentaires de défense antiaérienne » américains Patriot ou leur équivalent français SAMP/T.

Le Pentagone a annoncé mercredi un nouveau plan d’aide militaire de 1,3 milliard de dollars comprenant notamment quatre systèmes de défense anti-aérienne, pour « repousser l’agression russe à moyen et long terme ».