(Créteil) À 19 ans, il était le plus âgé du groupe d’adolescents accusés d’avoir lancé des cocktails Molotov sur le commissariat de police de leur ville de banlieue.

Le juge a demandé à Riad, qui a été placé en garde à vue après avoir été identifié sur des images de vidéosurveillance du groupe datant du 29 juin, deuxième nuit de troubles nationaux après qu’un autre adolescent de banlieue a été abattu par la police en banlieue de Paris, « pourquoi ? ».

« Pour que justice soit rendue à Nahel », a répondu Riad. Affaissé et légèrement décoiffé après cinq nuits passées en prison, il a déclaré qu’il n’était pas au courant de la marche pacifique organisée par la famille de Nahel Merzouk. Il a expliqué que la photo de lui tenant un cocktail Molotov prise avec son téléphone portable était « destinée aux médias sociaux. Pour donner une image ».

Au total, plus de 3600 personnes ont été interpellées dans le cadre des troubles qui ont éclaté en France depuis la mort de Nahel le 27 juin, la moyenne d’âge étant de 17 ans, selon le ministère de l’Intérieur. Les violences, qui ont fait plus de 800 blessés parmi les forces de l’ordre, se sont largement apaisées ces derniers jours.

Les tribunaux français font des heures supplémentaires pour traiter les arrestations, notamment en ouvrant leurs portes tout au long du week-end, avec des audiences accélérées d’environ une heure et des condamnations prononcées le jour même.

Le procureur a noté que Riad avait appris à se procurer des engins incendiaires sur Snapchat, le réseau social que le gouvernement français a désigné, avec TikTok, comme étant à l’origine des troubles. L’avocat de Riad a souligné que son casier judiciaire était vierge et qu’il n’était responsable d’aucun dégât important ni d’aucun blessé.

À la fin de la journée de mardi, la peine de Riad a été fixée : trois ans, avec un minimum de 18 mois derrière les barreaux, avec interdiction de se rendre dans sa ville natale d’Alfortville pendant toute la durée de la peine.

Il s’est effondré à la barre : « Je ne suis pas prêt à aller en prison. Je ne suis vraiment pas prêt ». Il a lancé un baiser furtif à sa mère alors qu’on l’emmenait.

À l’extérieur de la salle d’audience bondée, deux jeunes filles ont demandé quelle peine il avait reçue. « Trois ans ? C’est de la folie ! », s’exclame l’une d’elles.

Mais le ton est sérieux en France après des troubles qui, selon les autorités, ont causé un milliard d’euros de dégâts. La mort de Nahel, 17 ans, est survenue le 27 juin lors d’un contrôle routier. La fusillade, qui a été filmée, a immédiatement ravivé les tensions qui couvaient depuis longtemps entre la police et les jeunes ― presque tous issus de minorités et pour la plupart nés en France ― vivant dans des cités et des banlieues défavorisées.

Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a publié vendredi un décret exigeant une réponse judiciaire « forte, ferme et systématique ». Les audiences ont commencé le lendemain, alors que les troubles se poursuivaient dans la nuit.

« Il ne s’agit pas d’une justice expéditive. Le message que je veux faire passer, c’est que la justice fonctionne normalement face à une situation exceptionnelle », a déclaré Peimane Ghaleh-Marzban, le président du tribunal de Bobigny.

« Vous avez beaucoup de primodélinquants, des gens qui ne sont pas dans la délinquance, beaucoup de mineurs scolarisés qui n’ont pas d’activité criminelle habituelle », a ajouté M. Ghaleh-Marzban.

Malgré cela, la tendance à condamner à une peine de prison semble prévaloir.

À Lyon, deuxième agglomération de France par sa population, le procureur a annoncé jeudi que sur les 26 adultes qui ont comparu devant les tribunaux à procédure accélérée jusqu’à présent, 22 ont été reconnus coupables et condamnés à une peine de prison, trois ont demandé plus de temps pour préparer leur défense, et un seul a été acquitté. Selon la chaîne de télévision BFM, 76 % des personnes ayant comparu devant les tribunaux d’exception ont été placées en détention.

Le bureau des droits de la personne de l’ONU a estimé que ces troubles montrent qu’il est temps pour la France de faire le point sur son histoire de racisme dans le maintien de l’ordre, plutôt que de se contenter de punir, et que le gouvernement devait veiller à ce que l’usage de la force « respecte toujours les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination, de précaution et d’obligation de rendre des comptes ».

De nombreux législateurs français réclament la peine maximale, et vite.

Olivier Marleix, un membre du parti conservateur Les Républicains, a demandé que toutes les affaires concernant les troubles soient traitées dans un délai de 100 jours.

Le policier accusé de la mort de Nahel, 17 ans, est quant à lui inculpé d’homicide volontaire, mais n’a pas encore comparu devant un tribunal ni même vu sa date d’audience fixée.

Rayan, un jeune homme de 18 ans détenu avec un groupe d’une trentaine de jeunes qui jetaient du carburant sur le poste de police de son quartier, a été accusé d’avoir filmé une vidéo de 14 secondes montrant des incendiaires lancés sur le bâtiment du Kremlin-Bicêtre.

C’est la première fois qu’il est arrêté. Il a été conduit à la prison de Fleury-Mérogis, la plus grande de l’Union européenne, et il a pleuré à la barre mardi. Les procureurs, qui l’accusent d’avoir fait trébucher un policier dans sa fuite, ont demandé une peine de 30 mois et une interdiction d’accès à sa ville natale.

« Je suis quelqu’un de bien. Je n’ai jamais eu de problème avec la police. J’ai une famille, je travaille, a-t-il déclaré en enfouissant son visage dans ses mains. Je ne sais même pas ce que je fais ici. »

Sa brève audience s’est terminée avec une peine suspendue de dix mois. Ses parents l’ont ramassé le soir même pour le ramener à la maison.