Derrière cette inquiétude se cache un dispositif d’Apple détourné de sa mission première

(Paris) Depuis quelques jours, des Parisiennes disent avoir trouvé un traceur AirTag dans leur sac à main. Un dispositif qui serait utilisé par des hommes pour les suivre à distance.

Un cercle de 3 centimètres de diamètre et 11 grammes peut faire de la vie des femmes un cauchemar. Un bijou de technologie, détourné de son usage pour les agresser.

À Paris, une rumeur se propage : certains hommes placeraient des AirTag dans le sac à main de celles qu’ils croisent pour pouvoir les suivre à la trace. Ce dispositif de traçage développé par Apple en 2021 est censé être utilisé pour retrouver clé et portefeuille grâce à la géolocalisation et à la mise en réseau de tous les produits Apple. Mais son usage a été largement détourné.

L’alerte est née sur Twitter, le 12 juin. « Les Parisiennes, faites méga attention avec les Airtags, on m’en a mis un dessus dans le 16e [arrondissement] y a quelques jours, et là c’est ma pote qui vient d’en retrouver un sur elle en rentrant de la salle de sport », lit-on dans le gazouillis, qui a engrangé plus de 4 millions de vues en 10 jours.

Subtil et inquiétant

Si l’on connaissait à Paris, comme partout ailleurs, le harcèlement de rue, les remarques insistantes et la crainte de se faire littéralement suivre en rentrant chez soi, il semblerait que certains aient trouvé une manière plus subtile de garder la trace de celle qu’ils veulent atteindre.

Glissé dans un sac ou dans une poche, le disque permettrait de suivre une proie, de la laisser partir pour la retrouver, plus tard, ailleurs. Pourtant, sur la page web consacrée à cet accessoire vendu une quarantaine de dollars, Apple promet : « Avec un AirTag, personne ne peut vous suivre à votre insu. »

Les Parisiennes en doutent.

Pour le moment, impossible de savoir combien de personnes sont concernées par ces faits. Contacté, le parquet de Paris – qui regroupe les magistrats chargés de poursuivre les auteurs de crimes et de délits – indique simplement que « rien ne nous permet de dénombrer les plaintes portant sur des infractions qui auraient spécifiquement été commises par ce moyen ».

En droit français, le fait d’utiliser un moyen de localisation pour tracer quelqu’un sans son consentement constitue un délit pouvant entraîner un an de prison.

Mais dans l’esprit des Parisiennes, la loi n’est pas la priorité.

Aliénor Debonneville a entendu parler de cet usage de l’AirTag. « C’est inquiétant, mais je ne vois pas trop ce qu’on peut faire de plus, on est déjà vigilantes en permanence avec nos sacs, contre les pickpockets surtout. » Elle réfléchit aux endroits les plus à risque pour ce type d’agression – les transports en commun, les fêtes, les attroupements – et réalise que ce sont des situations dans lesquelles elle fait toujours attention à ses affaires.

« Ce n’est pas ça qui va me faire peur plus qu’autre chose », estime quant à elle Flora Boivin.

De toute façon, si les agresseurs veulent agresser, ils agressent.

Flora Boivin

L’année dernière, une autre hantise s’était installée dans l’esprit des Parisiennes, et des Françaises en règle générale. Nombre d’entre elles disaient s’être fait piquer à l’aide d’une seringue pendant des concerts, en boîte de nuit ou lors de grands rassemblements. Une manière de droguer les femmes plus insidieuse encore que de glisser quelque chose dans leur boisson. « On faisait déjà attention à nos verres en soirée, maintenant ce sera nos sacs », réagit Clara Pierre.

Le harcèlement, quotidien des jeunes Parisiennes

« On est déjà inquiètes pour d’autres choses. On se méfie même des hommes, tout court, en vrai. Chaque fois qu’on sort, on regarde bien à qui on parle, on surveille notre sac », renchérit Candice Rollet, qui ne compte pas s’empêcher de sortir pour éviter cette pose de traceurs dans ses affaires.

N’empêche, Candice Rollet s’étonne : « Mais Apple ne va rien faire pour lutter contre ça ? » La question est légitime. La firme américaine a lancé, en mai 2023, une initiative commune avec Google pour la « lutte contre le pistage indésirable ». Dans ce cahier des charges en cours de développement, la marque promet « des dispositifs de protection de l’AirTag » afin d’empêcher son utilisation pour suivre des gens sans leur consentement.

En attendant, il faut se reposer sur des applications qui détectent les traqueurs, à la fois sur iPhone et Android. Si on en détecte un qui ne nous appartient pas, la police et Apple préconisent de ne surtout pas ôter la pile de l’appareil. L’AirTag garde enregistré le dernier endroit dans lequel il a borné et envoie ces informations à son propriétaire. Noter le numéro de série et aller porter plainte sont les meilleures choses à faire. Les Parisiennes sont prévenues et préparées à cette éventualité.