Un rapport accable l’ancien premier ministre britannique pour ses mensonges sur le partygate. Est-ce la fin politique de Boris Johnson ?

Quoi ? ! Le partygate ? Ce n’est pas fini, cette histoire ?

Pas tout à fait. Après le scandale, c’est le verdict. Jeudi, une commission d’enquête a reconnu Johnson, 59 ans, coupable d’avoir menti au Parlement, en affirmant à plusieurs reprises que toutes les restrictions avaient été respectées à sa résidence de Downing Street durant la COVID-19. « Il a induit la Chambre en erreur sur une question de la plus haute importance pour la Chambre et pour le public. Et il l’a fait à plusieurs reprises », conclut la commission.

PHOTO ALBERTO PEZZALI, REUTERS

Boris Johnson, alors premier ministre britannique, lors d’une conférence de presse sur des restrictions liées à la pandémie de COVID-19, à l’automne 2020

Rafraîchissez-nous la mémoire. Que s’était-il passé au juste ?

Johnson était accusé d’avoir tenu des fêtes à Downing Street en mai 2020, soit en plein confinement, et donc au mépris des règles sanitaires que son gouvernement avait lui-même édictées. Le rapport le blâme pour ses mensonges répétés dans cette affaire, qui lui a déjà valu une amende de la police et a largement contribué à sa démission comme premier ministre l’été dernier.

Comment a réagi Boris ?

Mal. Dans un long communiqué particulièrement agressif, il dit n’avoir rien fait de mal et dénonce le « mensonge » et les conclusions « de malade » de la commission. Il accuse cette dernière d’avoir voulu porter « le dernier coup de couteau d’un assassinat politique ». « C’est une journée sombre pour les députés et pour la démocratie. Cette décision signifie qu’aucun député n’est à l’abri d’une vendetta. » Auteur du livre Boris Johnson, un Européen contrarié, Tristan de Bourbon juge que l’ancien premier ministre n’a pas tout à fait tort. « Qu’il y ait une chasse aux sorcières contre lui, pour moi, c’est absolument indéniable. Il y a pas mal de médias, l’opposition, et même des gens dans son parti qui voulaient sa peau et le partygate leur en a donné l’occasion. Après, ce qui est scandaleux, c’est de remettre en cause le système démocratique… »

Un petit côté Trump, non ?

On a parfois comparé les deux, pour leur façon de tordre les faits et de jouer l’impunité. Johnson n’en est d’ailleurs pas à son premier mensonge. Jeune journaliste, il est viré du journal The Times pour avoir inventé des citations. En 2004, il est exclu de la direction du Parti conservateur pour avoir menti sur ses aventures extraconjugales. En 2016, il désinforme les Britanniques sur les coûts du Brexit. En 2021, il ment sur une histoire de papier peint dans sa résidence. La liste est longue…

Quelle est la punition requise cette fois-ci ?

La commission recommande 90 jours de suspension au Parlement. Mais Johnson avait déjà quitté son siège de député la semaine dernière après avoir été informé du rapport à venir. Le document, qui doit être débattu lundi par les députés puis soumis au vote, demande par ailleurs que lui soit retiré l’accès aux locaux du Parlement, dont disposent normalement les anciens premiers ministres. Une grosse baffe.

Une baffe aussi pour le Parti conservateur britannique ?

Les pauvres tories sont déjà mal en point. La formation au pouvoir, désormais dirigée par Rishi Sunak, essaie tant bien que mal de survivre jusqu’aux prochaines élections, prévues fin 2024. L’affaire Johnson n’a certainement pas aidé et le parti a beaucoup de linge sale sur la planche. Mais selon Tim Bale, professeur à l’Université Queen Mary de Londres, le scénario d’une guerre civile est hautement « fantaisiste », tant les soutiens de BoJo ont diminué à l’interne. Selon Tristan de Bourbon, le parti devra plutôt jouer l’unité s’il espère « ne pas perdre de sièges en 2024 ».

Boris Johnson est-il grillé politiquement ?

On le serait à moins. Mais spéculer sur la mort de BoJo est un véritable « jeu de truands », siffle Tim Bale, tant son don à rebondir est étonnant. Pour l’instant, l’ancien premier ministre n’a aucune raison de revenir dans l’arène. Ses conférences lui rapportent des millions de livres et il vient tout juste d’être embauché comme éditorialiste par le tabloïd conservateur The Daily Mail, un contrat de « plusieurs centaines de milliers d’euros par an », selon le magazine Politico, qui doit débuter dès cette semaine. Certains lui prédisent néanmoins un comeback en politique d’ici quelques années. « Peu crédible, tranche James Mitchell, professeur de sciences politiques à l’Université d’Édimbourg. Johnson est un grand survivant. Il s’est sorti de plusieurs bourbiers. Mais il sait qu’il est fini. La plupart des gens voient désormais clair en lui. Je ne pense pas que le parti voudra le ravoir comme chef, même s’il a toujours le soutien d’un petit groupe. On dit qu’il est comme un chat. Mais un chat n’a que neuf vies et je pense qu’il a épuisé toute sa banque… »

Avec l’Agence France-Presse, BBC, The Guardian