(Londres) Les tensions entre le premier ministre britannique Rishi Sunak et son prédécesseur Boris Johnson ont tourné lundi au conflit ouvert après la fracassante démission du Parlement de l’ancien occupant de Downing Street, exposant les fractures au sein des conservateurs britanniques.  

L’année restant avant les législatives de 2024 s’annonce longue pour le parti au pouvoir depuis treize ans, déjà à la peine dans les sondages face au Labour.

Replongeant la majorité dans la tourmente, Boris Johnson, toujours député depuis son départ forcé de Downing Street l’été dernier, a annoncé vendredi sa démission du Parlement. Il a dénoncé une « chasse aux sorcières » alors qu’il faisait face à des sanctions pour avoir menti aux députés durant la pandémie de COVID-19.

Son départ de son siège de député est aussi intervenu après un psychodrame : l’ancien dirigeant venait de voir retoquer la liste de nominations à la chambre des Lords que proposent, selon la tradition, les premiers ministres à l’issue de leur mandat.

« Boris Johnson m’a demandé de faire quelque chose que je n’étais pas prêt à faire, parce que je ne pensais pas que c’était correct », s’est défendu lundi Rishi Sunak. « Je ne pensais pas que cela aurait été une bonne chose, et si certains n’aiment pas cela et bien tant pis ».

PHOTO IAN VOGLER, ASSOCIATED PRESS

Le premier ministre britannique Rishi Sunak

Il revient au premier ministre en exercice d’approuver ces nominations après avis de la commission des nominations de la chambre des Lords (Holac) et selon l’usage il ne fait aucune modification à la liste soumise.

« Rishi Sunak raconte n’importe quoi », a répliqué Boris Johnson dans un communiqué, assurant qu’obtenir le feu vert de l’Holac ne représentait qu’une « simple formalité ».

Selon des médias britanniques, Boris Johnson et Rishi Sunak ont parlé récemment de ces nominations et le premier pensait avoir obtenu satisfaction du second.

Mais au moment de la publication de la liste vendredi, certains noms évoqués à maintes reprises dans les médias étaient absents, comme par exemple le père de l’ex-premier ministre, Stanley, et d’anciens ministres.

La polémique a enflé, conduisant la commission à indiquer qu’elle n’avait pas soutenu la candidature de huit personnes proposées, non nommées.

En revanche, alliés politiques et anciens conseillers de Boris Johnson ont été récompensés de sièges à vie à la chambre des Lords (y compris une conseillère de 29 ans) ou de décorations diverses.

Promesse d’intégrité

« J’ai dit que j’allais faire les choses différemment parce que je veux changer la politique et c’est ce que je fais », a insisté Rishi Sunak qui a promis un gouvernement intègre et responsable après les scandales de l’ère Johnson et assure vouloir se concentrer sur la lutte contre l’inflation et l’immigration illégale.

Le tonitruant ex-maire de Londres n’a jamais pardonné à Rishi Sunak, alors ministre des Finances, d’avoir précipité sa chute en quittant le gouvernement après une série de scandales, entraînant une partie du gouvernement.

Depuis, des velléités de retour au pouvoir sont régulièrement prêtées à Boris Johnson, qui dispose d’alliés de poids dans la majorité et garde une aura considérable au sein de la base du Parti conservateur, pour qui il reste celui qui a réalisé le Brexit après avoir remporté une victoire électorale historique aux législatives de 2019.

L’ancien dirigeant, dont les trois ans à Downing Street ont été émaillés de scandales et d’accusations de favoritisme, a vivement attaqué le gouvernement actuel dans sa lettre de démission vendredi, l’accusant d’avoir renoncé à ses promesses de 2019.

La capacité de nuisance réelle de Boris Johnson reste cependant incertaine. Dans l’année écoulée, il a dû renoncer à une tentative de retour au pouvoir après la débâcle de l’éphémère Liz Truss à Downing Street, laissant la voie ouverte à Rishi Sunak, et n’a pas réussi à mener la fronde espérée contre un accord signé entre le gouvernement et Bruxelles sur l’Irlande du Nord.

Après sa démission vendredi, seuls deux autres députés l’ont imité, alors que certains craignaient un mouvement de masse susceptible de remettre en cause la majorité actuelle des conservateurs au Parlement.

Selon un sondage publié lundi par l’institut YouGov, seuls 25 % des Britanniques et 49 % des électeurs conservateurs voudraient le voir revenir au Parlement à l’avenir.