(Moscou) Pertes « catastrophiques » : le président russe Vladimir Poutine a affirmé mardi que ses forces écrasaient la contre-offensive ukrainienne, au moment où Kyiv au contraire assure « avancer ».  

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • L’offensive militaire en Ukraine a mis en lumière un manque de munitions de haute précision et de drones dans l’arsenal de la Russie, a déclaré mardi Vladimir Poutine ;
  • La Russie aurait pu être « mieux préparée » aux attaques de drones et d’artillerie sur son territoire à partir de l’Ukraine, a-t-il admis ;
  • L’Ukraine s’est enquise auprès de l’Australie de l’état d’une quarantaine de chasseurs F-18 retirés du service et entreposés sur une base près de Sydney ;
  • Le ministre allemand de la Défense a prévenu qu’il ne pourrait remplacer tous les chars fournis par son pays à l’Ukraine et mis hors d’usage lors des combats ;
  • La Russie a porté mardi à 17 morts le bilan des victimes des inondations dans les zones qu’elle contrôle dans le sud de l’Ukraine ;
  • L’armée russe a affirmé avoir capturé pour la première fois sur le front en Ukraine des chars de fabrication allemande Leopard et des blindés de fabrication américaine Bradley.

C’est la deuxième fois depuis vendredi que le président russe affirme que son armée repousse l’assaut que l’Ukraine prépare depuis des mois, avec des approvisionnements en armes occidentales, pour chasser les troupes russes des territoires ukrainiens occupés.

« Les pertes [ukrainiennes] s’approchent d’un niveau qu’on peut qualifier de catastrophique », a assuré M. Poutine lors d’une rencontre télévisée avec des correspondants de guerre russes, affirmant que les pertes russes étaient « dix fois moindres ».

Selon lui, Kyiv a perdu « environ 25 % ou peut-être 30 % de l’équipement » fourni par les Occidentaux, avançant le chiffre de 160 chars et plus de 360 blindés. Côté russe, il a admis la perte de 54 chars, dont certains sont réparables. Ces données étaient invérifiables de sources indépendantes.  

Moscou a revendiqué pour la première fois mardi la prise de chars allemands Leopard et de blindés américains Bradley, des véhicules fournis par les Occidentaux.

Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a prévenu qu’il ne pourrait remplacer tous les chars fournis par son pays à l’Ukraine et mis hors service.

De leur côté, les États-Unis ont annoncé une aide supplémentaire de 325 millions de dollars à l’Ukraine, visant notamment à renforcer sa défense aérienne.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait admis lundi soir que l’offensive dans le sud et l’est pour libérer des territoires occupés par la Russie était « difficile », mais progressait avec la reprise, selon le ministère de la Défense, de sept villages dans le sud et des avancées aux alentours de Bakhmout (est), ville martyre ravagée par près d’un an de combats.  

PHOTO ANATOLII STEPANOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Région de Bakhmout, le 13 juin 2023

Mardi, le commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valéry Zaloujny, a encore fait état « d’avancées ». « De violents combats offensifs et défensifs se déroulent dans l’est et le sud de notre nation », a-t-il déclaré sur les réseaux, ajoutant : « nous avons des gains, nous appliquons notre plan, et nous avançons ».

Selon M. Poutine, l’Ukraine a lancé sa « contre-offensive à grande échelle » le 4 juin sur « plusieurs » secteurs du front, citant deux zones du sud et l’une dans l’est, sans mentionner Bakhmout.

 « L’ennemi n’a réussi dans aucune de ces zones », a affirmé Vladimir Poutine.

Selon des analystes militaires, l’Ukraine n’a pas encore lancé le gros de ses forces dans sa contre-offensive, testant la ligne de front en quête de points faibles. Actuellement, ces opérations semblent se concentrer sur trois axes principaux : Bakhmout, la zone de Vougledar (sud-est) et celle d’Orikhiv (sud).

Trois morts et 13 blessés à Odessa

Trois personnes sont mortes et 13 ont été blessées dans une attaque aux missiles lancée par les forces russes sur le port d’Odessa, dans le sud de l’Ukraine, a annoncé mercredi un responsable militaire.

Les trois personnes mortes sont des employés d’un entrepôt commercial touché par un missile de croisière russe de type Kalibr, a indiqué sur Telegram Serhiï Bratchouk, porte-parole de l’administration militaire d’Odessa.

Sept autres employés ont été blessés et « il pourrait y avoir des gens sous les décombres », a-t-il ajouté. L’attaque a détruit 1000 m2 d’entrepôts et a provoqué un incendie sur 400 m2, selon lui.

Quatre missiles ont été lancés depuis un navire en mer Noire, a-t-il précisé. Outre les employés de l’entrepôt, six personnes ont été blessées dans d’autres endroits d’Odessa, où un centre d’affaires, un établissement d’éducation, un complexe résidentiel, des restaurants et des magasins ont été endommagés, selon M. Bratchouk.

Selon l’administration militaire, la défense anti-aérienne ukrainienne a abattu deux des missiles.

Moscou a intensifié ces dernières semaines ses attaques nocturnes sur les villes ukrainiennes, au moment où Kyiv a lancé une vaste contre-offensive pour tenter de récupérer les territoires occupés par les forces russes.

Onze morts

Tout en proclamant l’échec de la contre-offensive de Kyiv, M. Poutine a aussi admis que la Russie ne s’était pas suffisamment préparée aux attaques sur son sol depuis l’Ukraine.

 « Il était possible d’être mieux préparé à cela », a-t-il dit, alors que la Russie a dû évacuer des milliers de personnes après une incursion et des frappes massives depuis l’Ukraine.

 « Il est clairement apparu que plusieurs choses manquaient : des munitions de haute précision, des équipements de communication, des drones », a énuméré M. Poutine.

Sur le terrain, la Russie a une nouvelle fois lancé ses missiles en direction des villes ukrainiennes dans la nuit de lundi à mardi.

À Kryvyï Rig, ville natale de M. Zelensky dans le centre, ces bombardements ont fait au moins onze morts mardi avant l’aube, avec la destruction notamment d’un immeuble d’habitation et d’un entrepôt.

Menaces sur l’accord céréalier

Vladimir Poutine a également, à nouveau, menacé de quitter l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, conclu en juillet 2022 et qui avait permis de soulager la crise alimentaire mondiale provoquée par le conflit.

 « Nous réfléchissons maintenant à nous retirer de cet accord céréalier […] De nombreuses conditions qui devaient être appliquées n’ont pas été respectées », a déclaré mardi M. Poutine, accusant également Kyiv d’utiliser les couloirs maritimes prévus par cet accord pour attaquer la flotte russe avec des drones.

Lundi, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’était dit « inquiet » pour l’avenir de l’accord, conclu avec le parrainage des Nations unies et de la Turquie.

L’AIEA à Zaporijjia

Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi était lui à Kyiv mardi et devait inspecter mercredi la centrale nucléaire de Zaporijjia, occupée par la Russie, pour voir notamment si celle-ci a été mise en danger par la destruction du barrage de Kakhovka sur le fleuve Dniepr, dont l’eau est utilisée pour refroidir les six réacteurs.

Selon M. Grossi, il n’y a pas de « danger immédiat », mais le niveau d’eau dans le bassin de refroidissement l’inquiète : « Il y a un risque sérieux, car l’eau qui est là-bas est limitée ».

 « Je veux faire ma propre évaluation », a-t-il dit à la presse.  

La destruction du barrage a provoqué de graves inondations dans le sud, faisant 17 morts en zone occupée par la Russie et dix en zone sous contrôle ukrainien.

L’Ukraine accuse Moscou d’avoir démoli l’ouvrage pour gêner sa contre-offensive. La Russie dément et accuse Kyiv en retour.