(Kyiv) Les défenses antiaériennes ukrainiennes sont entrées en action mardi avant l’aube pour repousser une nouvelle attaque « complexe » de drones et de missiles sur Kyiv, au lendemain du retour annoncé dans la capitale du président Volodymyr Zelensky après sa tournée en Europe.

« L’ennemi a lancé une attaque complexe en provenance de plusieurs directions et simultanément, utilisant des drones, des missiles de croisière et probablement des missiles balistiques », a affirmé l’autorité militaire de Kyiv dans un communiqué publié sur son compte Telegram.

« C’était exceptionnel par sa densité, un nombre maximum de missiles dans un laps de temps très resserré. Selon les premières informations, la grande majorité des cibles ennemies dans le ciel de Kyiv ont été détectées et détruites ! », ajoute le communiqué.

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Peu auparavant, le maire de Kyiv Vitali Klitschko a rapporté sur son compte Telegram que les défenses antiaériennes de la ville étaient à l’œuvre et signalé l’épave d’un drone et les débris d’un missile dans le district de Darnytskyi, dans le sud de la ville.

« Trois personnes ont été blessées dans le district de Solomyansky », a-t-il ajouté.

Cette nouvelle attaque nocturne intervient au lendemain du retour annoncé à Kyiv de M. Zelensky après sa tournée européenne qui l’a conduite en Italie, Allemagne, France et au Royaume-Uni.

« De retour à la maison avec […] de nouvelles et puissantes armes pour le front », a annoncé M. Zelensky dans un message vidéo à ses concitoyens, après avoir terminé sa visite d’un jour au Royaume-Uni, où il a obtenu des missiles antiaériens et s’est dit optimiste concernant de futures livraisons d’avions de combat.

Avions de combat

Après Rome, Berlin et Paris, l’étape britannique de la tournée européenne de M. Zelensky est intervenue au moment où l’armée ukrainienne a revendiqué « le premier succès » de son assaut sur les flancs de Bakhmout, une ville de l’est épicentre des combats depuis plusieurs mois et aujourd’hui en majeure partie contrôlée par les Russes.  

Mais le moment d’une contre-offensive massive n’est pas encore venu, avait tempéré dans la journée Volodymyr Zelensky, répétant que Kyiv avait « besoin de plus de temps », alors qu’il était reçu par Rishi Sunak près de Londres.

Le gouvernement britannique a promis la livraison à Kyiv, « dans les prochains mois », de « centaines » de missiles antiaériens et de drones d’attaque de longue portée (200 kilomètres). Ces derniers s’ajouteront aux missiles de croisière Storm Shadow promis la semaine dernière par Londres, une première pour ce type d’armement que l’Ukraine réclamait depuis des mois pour atteindre des objectifs loin derrière la ligne de front.

L’armée russe a affirmé avoir déjà abattu un de ces engins.

Le renforcement de l’aide britannique provoquera « encore plus de destructions », mais n’aura « pas d’impact important sur le déroulement » du conflit, a assuré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

Mais le premier ministre britannique Rishi Sunak a souligné que l’aide britannique s’inscrivait sur le long terme, et que Londres jouerait un « rôle clé » dans la « coalition » que Kyiv veut réussir à former pour lui livrer des avions de combat.

« Je pense que cela va arriver très prochainement, vous allez être informés de décisions que je pense très importantes », a estimé Volodymyr Zelensky lundi, se disant « très optimiste ».

Aucun pays européen ne s’est jusqu’ici avancé à fournir des avions de combat à Kyiv à part la Slovaquie et la Pologne qui ont commencé à lui livrer fin mars et début avril respectivement des avions de chasse Mig-29 de conception soviétique.

Toutefois le Royaume-Uni va déjà former dès cet été des pilotes ukrainiens.

Emmanuel Macron a lui-même annoncé lundi soir avoir « ouvert la porte pour former des pilotes » ukrainiens « dès maintenant » et « avec plusieurs autres pays européens qui y sont prêts », lors d’une interview sur la chaîne TF1. Il a refusé en revanche d’évoquer la livraison d’avions de chasse à Kyiv autrement que comme « un débat théorique » à ce stade.

Émissaire chinois

Sur le plan diplomatique, les 46 États membres du Conseil de l’Europe se retrouvent mardi après-midi en sommet en Islande pour afficher leur unité contre Moscou.

Le sommet, le quatrième seulement de l’organisation paneuropéenne en près de 75 ans d’existence, vise à multiplier les moyens de rendre la Russie pénalement responsable des destructions et des crimes causés par son invasion de l’Ukraine.

Le président ukrainien, chef d’État d’un pays membre, est invité, mais on ignore s’il fera le déplacement à Reykjavik, dans la foulée de sa tournée européenne.

D’autant que l’émissaire chinois Li Hui, le représentant spécial pour les affaires eurasiatiques chargé de discuter du règlement de la situation en Ukraine, doit se rendre à Kyiv mardi et mercredi, selon un haut responsable gouvernemental ukrainien.

La Chine n’a jamais publiquement condamné l’intervention militaire de Moscou en Ukraine, au contraire de la majorité des grandes puissances mondiales.  

Les États-Unis ont de leur côté mis en garde lundi l’Iran et la Russie qui « sont en train d’amplifier leur coopération militaire sans précédent », selon John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale.

Il a cité en particulier la volonté de Moscou d’acquérir des drones iraniens plus sophistiqués que ceux jusqu’à présent fournis.

Il a ajouté que les États-Unis allaient annoncer de nouvelles sanctions « dans les prochains jours » contre des entités ou personnes impliquées dans ces transactions.

L’Afrique du Sud, accusée par les États-Unis d’avoir livré des armes à la Russie, a elle envoyé son commandant des forces terrestres Lawrence Mbatha à Moscou pour « une visite de bonne volonté ».

Des livraisons d’armes par l’Occident toujours plus lourdes

Les récentes livraisons à Kyiv de chars occidentaux et de roquettes longue portée illustrent la manière dont les Occidentaux s’adaptent aux besoins de l’Ukraine et aux évolutions du champ de bataille depuis l’invasion russe en février 2022.

Armes légères contre l’invasion russe

Le 24 février 2022, le président russe Vladimir Poutine lance l’invasion de l’Ukraine. Les troupes russes réalisent une progression éclair dans l’est et tentent d’encercler Kyiv.

Rapidement, les Ukrainiens bénéficient de premières livraisons d’armes par l’Occident. Entre février et mars, ils reçoivent plus de 40 000 armes légères, 17 000 manpads – systèmes portatifs de défense sol-air – ainsi que de l’équipement (25 000 casques, 30 000 gilets pare-balles), selon les données du Kiel Institute qui recense depuis le début de la guerre les armes promises et livrées à l’Ukraine.

Dans l’urgence, ces armes et équipements légers sont faciles à livrer, à prendre en main et à déplacer sur le champ de bataille.

Obusiers et lance-roquettes pour se recentrer sur le Donbass

Face à une farouche résistance à Kyiv et à Kharkiv, deuxième ville du pays, l’armée russe se retire fin mars pour concentrer ses efforts sur les territoires du Donbass et du sud.

Commencent alors en avril les livraisons d’artillerie (obusiers, lance-roquettes…), capables de frapper derrière les lignes ennemies pour atteindre les stocks de munitions et bloquer les chaînes logistiques russes.

Sont livrés jusqu’à l’automne 321 obusiers, dont 18 canons Caesar français, 120 véhicules d’infanterie, 49 lance-roquettes multiples, 24 hélicoptères de combat, plus de 1000 drones américains, ainsi que 280 chars de fabrication soviétique, envoyés principalement par la Pologne, que l’armée ukrainienne a l’habitude d’utiliser.

Défense sol-air contre les frappes

Malgré son repli, la Russie lance des vagues de frappes aériennes (missiles et drones kamikazes) sur les infrastructures énergétiques, les centres urbains, bien au-delà du front.

Pour aider les Ukrainiens à y faire face, les pays occidentaux livrent des systèmes de défense antimissiles, États-Unis, Royaume-Uni et Espagne en tête.

Washington finit par accepter de livrer son très réputé système de missiles sol-air moyenne portée Patriot.

Chars et roquettes longue portée pour sortir des tranchées

À partir de fin 2022, une guerre de tranchées s’installe dans l’est et l’Ukraine craint une offensive majeure russe avec l’arrivée des mobilisés. Dans ce contexte, Kyiv obtient des chars lourds et modernes occidentaux, longtemps réclamés pour prendre l’initiative et sortir de la guerre d’usure.

Plusieurs pays occidentaux promettent fin janvier d’en livrer : Washington annonce des chars Abrams (toutefois pas disponibles avant l’automne 2023), Londres des Challenger 2, Berlin des Leopard 2, réputés parmi les meilleurs du monde. Le feu vert allemand permet par ailleurs à d’autres pays de promettre des Leopard 2.

Jusqu’à présent, Kyiv ne disposait que de chars de fabrication soviétique, moins performants technologiquement, et en avait perdu beaucoup.

« Les Ukrainiens disposent des capacités dont ils ont besoin pour reprendre davantage de territoires », estime fin avril le chef de l’OTAN Jens Stoltenberg, selon qui 230 chars occidentaux ont déjà été livrés.

Des roquettes de longue portée GLSDB (150 km) ont également été fournies par les États-Unis, selon des affirmations russes non démenties par Kyiv. Le Royaume-Uni annonce le 11 mai des missiles Storm Shadow, qui peuvent frapper à 250 kilomètres. L’Ukraine juge ces munitions cruciales pour mener sa contre-offensive et menacer des positions russes loin derrière les lignes de front.

Et demain, des avions de combat ?

Alors que se dessine cette contre-offensive, le président ukrainien Volodymyr Zelensky étoffe son arsenal lors d’une tournée européenne : Londres, où il se trouve ce lundi, lui promet des centaines de missiles antiaériens et de drones d’attaque, Paris des véhicules blindés et des chars légers, et Berlin un nouveau plan d’aide militaire de 2,7 milliards d’euros.

Aucune capitale ne s’est toutefois avancée sur la livraison d’avions de combat modernes, demandés avec insistance par Kyiv pour défendre le ciel ukrainien.