(Londres) Accusé de harcèlement, le vice-premier ministre britannique Dominic Raab a démissionné vendredi, un coup dur pour le premier ministre Rishi Sunak dont il était un proche allié et qui avait promis un gouvernement intègre après les scandales de l’ère Johnson.

À deux semaines d’élections locales qui s’annoncent difficiles pour les conservateurs au pouvoir, un rapport indépendant a établi que Dominic Raab, également ministre de la Justice, avait eu des comportements s’apparentant au harcèlement moral envers des collaborateurs dans de précédentes fonctions ministérielles.

« J’avais demandé cette enquête et m’étais engagé à démissionner si elle établissait des faits de harcèlement, quels qu’ils soient. Je crois qu’il est important de respecter ma parole », écrit M. Raab dans une lettre adressée au premier ministre, rejetant de nouveau les mises en cause, critiquant la procédure et n’affichant aucun regret.

Dans sa réponse, du même ton, Rishi Sunak a exprimé sa « grande tristesse » d’accepter la démission de son allié qui avait joué un rôle clé dans sa campagne pour Downing Street l’été dernier, louant longuement son action sans remettre en cause son comportement.

Oliver Dowden, ministre à la tête du puissant Cabinet Office s’occupant des dossiers interministériels, est nommé vice-premier ministre tandis qu’Alex Chalk, député et ancien avocat, devient ministre de la Justice.

« Discréditer » et « humilier »

L’affaire tombe mal pour le gouvernement conservateur à l’approche de scrutins locaux, mais aussi au moment où Rishi Sunak, à Downing Street depuis octobre, semblait stabiliser son parti après des mois de scandales et de chute dans les sondages. Que savait-il des accusations contre son allié quand il l’a nommé comme numéro deux ? s’interroge l’opposition.  

Le chef de l’opposition travailliste Keir Starmer a par ailleurs taxé le premier ministre de « faiblesse » pour ne pas avoir démis M. Raab de ses fonctions, le laissant démissionner.

Cette enquête avait été lancée à la suite de huit plaintes concernant le comportement de Dominic Raab quand il était ministre des Affaires étrangères, ministre du Brexit ou encore lors d’un précédent passage au ministère de la Justice.

Le rapport, qui le disculpe de plusieurs accusations, a toutefois considéré qu’il avait agi de manière « intimidante » et « irraisonnablement agressive » durant une réunion de travail.

Ou encore qu’il avait commis un « abus ou un mauvais usage de (son) pouvoir » qui a eu pour conséquence « de discréditer et d’humilier » un collaborateur.

La presse britannique avait évoqué ces derniers mois une » culture de la peur « instaurée par l’ex-ministre, ou encore des tomates lancées dans un accès de colère en réunion, ce qu’avait à l’époque nié son porte-parole.

Reprenant un argument d’une partie des conservateurs très critique de l’administration, Dominic Raab, ceinture noire de karaté et réputé maniaque, s’est inquiété dans sa lettre de démission d’un » précédent dangereux « : » Les ministres devraient pouvoir critiquer directement « le travail des hauts fonctionnaires.

« Militants »

Allant plus loin sur la BBC, il s’est inquiété du » risque qu’une très faible majorité de fonctionnaires très militants […] qui n’aiment pas les réformes […] essayent de bloquer le gouvernement. « Ce n’est pas très démocratique », a ajouté Dominic Raab, qui avait déjà été rétrogradé du gouvernement en 2021 : alors chef de la diplomatie, il était resté en vacances pendant que les talibans prenaient le pouvoir à Kaboul.  

Il s’agit du troisième ministre à quitter le gouvernement de Rishi Sunak après diverses accusations, une nouvelle tache sur la promesse du premier ministre de montrer « intégrité, professionnalisme et responsabilité » au pouvoir après la succession de scandales sous Boris Johnson.

En novembre, Gavin Williamson, un ministre sans portefeuille, avait démissionné après des accusations de harcèlement.

Et en janvier, Rishi Sunak avait dû limoger le président du parti conservateur Nadhim Zahawi, qui siégeait à ce titre au conseil des ministres, pour des démêlés fiscaux.

PHOTO KIRSTY WIGGLESWORTH, ARCHIVES REUTERS

Il s’agit du troisième ministre à quitter le gouvernement de Rishi Sunak après diverses accusations.

Le très riche premier ministre se retrouve en outre de nouveau dans l’embarras pour sa fortune familiale, source de possibles conflits d’intérêts : une enquête parlementaire a été ouverte récemment sur de possibles manquements dans sa déclaration, son épouse détenant des actions dans une société de garde d’enfants susceptible de bénéficier de récentes aides gouvernementales.