(Sélestat) « Macron démission » : le chef de l’État a pu prendre la mesure de son impopularité mercredi, longuement hué en Alsace lors de son premier bain de foule depuis des semaines par des manifestants ulcérés par la promulgation de sa très contestée réforme des retraites.

« On est là, on est là », ont-ils scandé dans la petite ville alsacienne de Sélestat (Bas-Rhin) au milieu d’un concert de sifflets. « Vous avez un gouvernement corrompu », a lancé un homme aux cheveux gris, tandis qu’une jeune femme demandait « un signe d’apaisement ».

« On a fait des concessions […]  Nous allons continuer à améliorer les choses sur les conditions de travail », a répondu Emmanuel Macron.  

Tout au long de son déplacement en Alsace, le premier depuis des semaines et depuis la promulgation vendredi du report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite, le chef de l’État a été accueilli par des petits groupes d’opposants en colère.  

Avant même son arrivée dans la petite commune de Muttersholtz où il a visité l’entreprise Mathis, spécialisée dans la construction en bois, une petite centaine de manifestants, tambourinant sur des casseroles et scandant des messages hostiles, ont été repoussés par les forces de l’ordre. Ils ont ensuite été maintenus à distance.

« Les casseroles ne feront pas avancer la France », a réagi, devant des journalistes, Emmanuel Macron.

« Vous me reverrez toujours avec les gens […] je n’ai pas le droit de m’arrêter », a-t-il ajouté.

Puis en fin de journée : « Cette colère s’exprime, je ne m’attendais pas à autre chose, mais elle ne m’empêchera pas de continuer à me déplacer ». Ce sera chose faite dès jeudi avec une nouvelle visite de terrain, dans l’Hérault, sur le thème de l’éducation.

Dans l’usine Mathis, la CGT a revendiqué une coupure de courant qui n’a toutefois pas plongé les lieux dans l’obscurité.  

Sorties « possibles »

Emmanuel Macron est resté en retrait, à l’Élysée, pendant les trois mois de crise, à l’exception de deux visites en région, en Charente et près du lac de Serre-Ponçon, dans les Alpes. La dernière fois qu’il a échangée longuement avec des Français, c’était à Paris à la fin février, au salon de l’agriculture.

Aux grands défilés syndicaux contre la réforme des retraites se substituent désormais presque quotidiennement des rassemblements et des concerts de casseroles, signe d’une contestation qui s’installe dans la durée malgré la validation de la loi par le Conseil constitutionnel.

« Chacun d’entre nous a vocation à aller sur le terrain. Le président de la République est à l’évidence le meilleur ambassadeur de la politique conduite dans ce pays depuis six ans », a estimé mercredi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.  

Chantiers prioritaires

Lors de son adresse aux Français lundi soir à la télévision, le chef de l’État s’est donné cent jours pour relancer son second quinquennat.

Parmi les chantiers prioritaires qu’il veut faire avancer d’ici au 14-Juillet, celui d’un « nouveau pacte de la vie au travail » à négocier avec les partenaires sociaux, et celui des « progrès » dans les services publics comme l’éducation ou la santé.

Dans une interview aux journaux régionaux du groupe Ebra, Emmanuel Macron a assuré mercredi qu’il réinviterait les syndicats à l’Élysée « courant mai » et que les accords qui seraient trouvés avec le patronat seraient « retranscrits fidèlement » dans la loi. C’est « un engagement de méthode », a-t-il ajouté.

Jeudi dans l’Hérault, à Ganges, il échangera avec des enseignants, des élèves et des parents. Selon plusieurs sources macronistes, il pourrait à cette occasion faire des annonces sur la rémunération des enseignants.  

« Accélération » semble le maître-mot de la séquence que le président de la République veut désormais ouvrir.  

« La logique des jours, des semaines et des mois qui viennent est […] que cette colère puisse s’exprimer de manière légitime », mais aussi « qu’en apaisant on continue d’avancer », a-t-il affirmé mercredi.

Mais pour le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, le chef de l’État n’est plus en mesure de convaincre. « Ce qui pourrit sur pied c’est l’autorité du président et donc de tout pouvoir fondé sur lui », écrit-il sur son blogue.