(Londres) L’ex-premier ministre britannique Boris Johnson a reconnu mardi avoir induit les députés en erreur en affirmant que les fêtes à Downing Street avaient respecté les règles du confinement, mais a plaidé la bonne foi, avant une audition télévisée mercredi où il pourrait jouer son avenir politique.

L’ancien chef de gouvernement conservateur, qui rejette la faute sur ses conseillers, sera entendu mercredi après-midi par la commission d’enquête parlementaire sur ces fêtes en pleine pandémie, une audition prévue pour durer plusieurs heures. Sa défense, sous forme de « preuves écrites » détaillées en 110 points sur 52 pages, a été publiée mardi.

« J’assume l’entière responsabilité de tout ce qui s’est passé sous ma surveillance », à Downing Street, écrit-il dans l’introduction.  

Poussé à la démission en juillet par une succession de scandales, au premier rang desquels le « partygate », Boris Johnson, 58 ans, est sous le coup d’une enquête qui, si elle conclut qu’il a menti au Parlement, risque de lui coûter son siège de député voire sa carrière politique.

L’enquête doit déterminer s’il a menti délibérément à la Chambre des communes, notamment lorsqu’il a affirmé devant les députés en décembre 2021 que « les règles ont tout le temps été respectées ».

« Depuis que ces accusations ont émergé, on m’a assuré à plusieurs reprises qu’il n’y a pas eu de fêtes et qu’aucune règle liée à la COVID-19 n’a été enfreinte », avait-il affirmé.  

Des révélations en cascade, pendant des mois, sur les fêtes arrosées à Downing Street en pleine pandémie alors que les Britanniques étaient soumis aux règles strictes des confinements, avaient provoqué la colère dans le pays, en particulier des proches de victimes de la maladie. Les Britanniques ont dénoncé un « deux poids, deux mesures ».

Selon des témoignages d’anciens fonctionnaires, Boris Johnson aurait plaisanté durant une fête organisée en novembre 2020, affirmant qu’elle était « la moins respectueuse de la distanciation sociale dans tout le Royaume-Uni ».

Élection partielle

Dans sa défense publiée mardi, il reconnaît que « plusieurs jours », « il y a eu des rassemblements » au 10 Downing Street.  

« Ils n’auraient jamais dû avoir lieu », poursuit-il en présentant ses excuses aux Britanniques.

« Il est bien sûr vrai que mes déclarations au Parlement selon lesquelles les règles avaient été suivies à tout moment ne se sont pas avérées exactes et je saisis cette occasion pour m’en excuser auprès du Parlement », écrit-il.

« Je reconnais que la Chambre des communes a été induite en erreur par mes déclarations », admet aussi Boris Johnson. « Mais lorsque ces déclarations ont été faites, elles l’ont été en toute bonne foi et sur la base de ce que je savais et croyais honnêtement à l’époque », ajoute-t-il, en expliquant qu’il s’était basé sur les assurances de ses principaux conseillers.

Les propos de Boris Johnson sous la loupe

La commission d’enquête qui entend mercredi Boris Johnson dans le scandale du « Partygate », ces fêtes illégales organisées à Downing Street durant la pandémie de COVID-19, va examiner toutes les déclarations de l’ancien premier ministre, pour déterminer s’il a sciemment menti au Parlement.

Si elle établit que Boris Johnson a menti devant les députés, il pourrait être suspendu ce qui menacerait sérieusement son avenir politique.

Voilà les principaux propos qui seront passés au crible.

1er décembre 2021

« Toutes les consignes ont été entièrement suivies au n° 10 (Downing Street) », affirme Johnson devant la Chambre des communes, sa première déclaration sur l’affaire, après la révélation de ses fêtes par le Daily Mirror la veille.

8 décembre 2021

« Depuis que ces accusations ont émergé, on m’a assuré à plusieurs reprises qu’il n’y a pas eu de fêtes et qu’aucune règle liée à la COVID-19 n’a été enfreinte », insiste-t-il encore, en réaction à la publication par la chaine ITV d’une vidéo accablante de son attachée de presse de l’époque, Allegra Stratton.

Dans cette vidéo, celle-ci est filmée en train de répéter des réponses à donner aux médias si elle était interrogée sur l’affaire, et rire des affirmations selon lesquelles du personnel de Downing Street aurait fait la fête durant le Noël précédent. Elle a par la suite démissionné.

Devant les députés, Boris Johnson s’est dit « furieux » du contenu de cette vidéo. Quelques jours plus tard, le premier ministre annonce la mise en place d’une d’enquête sur le scandale, qui sera menée par la haute fonctionnaire Sue Gray.

12 avril 2022

Boris Johnson et sa femme Carrie, ainsi que son ministre des Finances Rishi Sunak, écopent d’une amende pour avoir participé à une fête organisée à l’occasion de l’anniversaire de M. Johnson en juin 2020.

« Je dois dire en toute franchise, qu’à l’époque, il ne m’était pas venu à l’esprit que cela aurait pu être une violation des règles », se défend-il.

25 mai 2022

Le rapport de l’enquête menée par Sue Gray est publié, et décrit, sans occulter aucun détail, les fêtes organisées à Downing Street durant la pandémie.

Si Boris Johnson affirme « regretter amèrement » l’image donnée de ses équipes dans le rapport, il refuse de démissionner malgré les appels en ce sens de l’opposition.

« Il ne m’est pas venu à l’esprit que je faisais autre chose que ce que je pensais être mon devoir de premier ministre pendant une pandémie, et c’est pour cela que je l’ai fait », se défend-il pour justifier sa présence à des pots de départs de collègues.

« Lorsque je suis venu devant cette chambre et j’ai dit en toute sincérité que les règles et directives avaient été suivies tout le temps, c’était ce que je croyais être vrai. C’était certainement le cas lorsque j’assistais à des rassemblements pour dire au revoir à des fonctionnaires », affirme-t-il encore au Parlement.

Boris Johnson a finalement démissionné le 7 juillet 2022.

« Je n’ai pas intentionnellement trompé le parlement le 1er décembre 2021, le 8 décembre 2021 ou à toute autre date », écrit-il encore.

Si la commission d’enquête juge que Boris Johnson a délibérément menti, les députés voteront sur les sanctions qu’il pourrait encourir, y compris la suspension. Toute suspension de plus de 10 jours de séance pourrait déclencher une élection partielle dans sa circonscription, où il devrait défendre une faible majorité de 7210 voix.

Boris Johnson et sa femme Carrie ont déjà écopé d’une amende pour avoir participé à une fête surprise organisée à l’occasion de l’anniversaire du dirigeant en juin 2020. L’actuel premier ministre Rishi Sunak, qui était alors ministre des Finances, était aussi présent et avait également reçu une amende.  

S’il a démissionné en juillet après 3 ans au pouvoir, Boris Johnson a tenté un retour dès la fin octobre quand l’éphémère Liz Truss a quitté Downing Street. Malgré les scandales et les mensonges à répétition, ce héros du Brexit reste adoré par certains conservateurs.  

Mercredi, il montrera sans doute encore son talent oratoire.

Mais pour une organisation qui rassemble des familles qui ont perdu un proche à cause du coronavirus, « il est évident que Boris Johnson a délibérément trompé le parlement ». Le fait qu’il affirme avoir agi de bonne foi est « écœurant », a tweeté mardi COVID-19 Bereaved Families for Justice.