(Londres) Une rencontre au sommet entre Londres et Bruxelles est prévue lundi sur le protocole nord-irlandais, laissant espérer un règlement de ce contentieux post-Brexit objet de négociations depuis des années.  

Après d’intenses négociations ces dernières semaines, le premier ministre britannique Rishi Sunak doit rencontrer en milieu de journée près de Londres la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour des « discussions finales », a précisé dimanche soir Downing Street.

M. Sunak s’entretiendra ensuite avec ses principaux ministres dont le ministre d’Irlande du Nord pour les tenir au courant de ces discussions, et si elles permettent un accord, une conférence de presse réunissant M. Sunak et Mme von der Leyen est prévue en fin d’après-midi avant que le premier ministre britannique ne se rende à la Chambre des communes informer les députés.

Le protocole nord-irlandais, signé en janvier 2020, réglemente la circulation des biens entre le reste du Royaume-Uni et l’Irlande du Nord, qui dispose de la seule frontière terrestre avec l’Union européenne.

Il impose ainsi des contrôles douaniers entre cette province britannique et le reste du Royaume-Uni à l’arrivée des biens en Irlande du Nord.  

Ce protocole voulait éviter une frontière terrestre entre l’Irlande et l’Irlande du Nord qui risquerait de fragiliser la paix conclue en 1998 après trois décennies sanglantes.

Il a généré des tensions entre l’Union européenne et Londres mais est aussi devenu un problème interne pour Rishi Sunak, confronté à l’opposition des durs du Brexit et à celle des unionistes à Belfast. Ces derniers refusent toute application de facto du droit européen dans la province britannique et bloquent le fonctionnement de l’exécutif local depuis un an.

Quelques heures avant l’annonce de la réunion entre M. Sunak et Mme von der Leyen, un membre de l’aile eurosceptique du parti du premier ministre a prévenu que le Parlement ne devait pas se précipiter pour accepter un accord.

« Faire l’impasse sur le Parlement se termine généralement mal », a lancé Mark François, président du Groupe européen de la recherche, sur la chaîne Sky News.

« Nous devons nous débarrasser du droit européen en Irlande du Nord », a-t-il fait valoir.

L’arrivée en octobre à Downing Street de Rishi Sunak, pourtant Brexiter de la première heure, a apporté un apaisement. « Au cours des derniers mois, des centaines d’heures de discussions » ont eu lieu, selon Downing Street.

« Brexit inachevé »

Mercredi encore, Rishi Sunak expliquait « continuer à se battre » pour obtenir des concessions de l’UE.

Dans le journal Sunday Times, il a lancé dimanche un appel à son parti divisé, expliquant que l’accord en cours de discussion n’est pas une menace pour le Brexit mais vise à « s’assurer que le Brexit fonctionne dans chaque région du Royaume-Uni ». « Le travail sur le Brexit reste inachevé et je veux que le travail soit fait », a-t-il dit.  

Si Rishi Sunak parvient à s’entendre lundi avec Ursula von der Leyen, il devra encore affronter ses collègues. Sur ce dossier, il fait face à une forte opposition d’élus conservateurs, notamment son prédécesseur Boris Johnson, qui avait rejeté le protocole en 2022 deux ans après l’avoir signé.  

La rencontre entre Rishi Sunak et Ursula von der Leyen aura lieu dans le Berkshire où se trouve la ville de Windsor, à l’ouest de Londres.

Une des résidences du roi Charles III se trouve à Windsor. Des médias britanniques ont affirmé que M. Sunak a envisagé la possibilité d’appeler « accord de Windsor » tout texte modifiant l’application du protocole nord-irlandais.

Le premier ministre irlandais Leo Varadkar a indiqué sur Twitter avoir été en contact dimanche avec Ursula von der Leyen. « Nous devons reconnaître le niveau d’engagement entre le gouvernement britannique, la Commission européenne et les partis d’Irlande du Nord au cours des derniers mois », a-t-il écrit.  

Le protocole nord-irlandais en bref

PHOTO CLODAGH KILCOYNE, REUTERS

Le parlement nord-irlandais à Belfast

Qu’est-ce que ce protocole ?

Le protocole a été créé pour répondre à un double objectif : protéger l’intégrité du marché unique européen et éviter une frontière terrestre qui risquerait de fragiliser la paix conclue en 1998.

L’Irlande du Nord a en effet été meurtrie par trois décennies sanglantes opposant unionistes, principalement protestants, attachés au maintien de la province au sein du Royaume-Uni, et républicains, essentiellement catholiques, partisans d’une réunification avec la République d’Irlande.

Quel est son principe ?

Plutôt que d’effectuer les formalités au niveau de la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l’UE au risque de raviver les tensions, le protocole prévoit que les contrôles sur les marchandises en provenance de Grande-Bretagne, de l’autre côté de la mer d’Irlande, s’effectuent à leur arrivée en Irlande du Nord.

Le texte maintient de fait l’Irlande du Nord dans le marché commun et l’union douanière de l’Union européenne.

Quelles sont les difficultés ?

Le protocole nord-irlandais est tenu pour responsable de difficultés d’approvisionnement en Irlande du Nord et présenté côté britannique comme une menace pour l’accord de paix dit du Vendredi saint, notamment après les violences qui ont éclaté en avril 2021 à Belfast, faisant 88 blessés dans les rangs des policiers.

Certaines entreprises dénoncent des formalités trop lourdes, d’autres en revanche se félicitent de conserver un accès au gigantesque marché européen.

Il n’a toutefois jamais été mis complètement en œuvre car des périodes de grâce sur les contrôles ont été instaurées et prolongées pour des produits comme la viande non surgelée ou les médicaments.

Il a conduit à une paralysie des institutions en Irlande du Nord, les unionistes du parti unioniste démocrate (DUP) hostiles à cet accord refusant de rejoindre l’exécutif local avec les républicains du Sinn Fein – grand gagnant des élections locales de mai – en vertu du partage du pouvoir, tant que les contrôles ne sont pas abandonnés.