(Paris) Le compte à rebours est lancé : l’inflammable projet de réforme des retraites en France est arrivé lundi devant l’Assemblée nationale pour deux semaines à haut risque, sous la pression des opposants qui organisent deux nouvelles journées de mobilisation.

Un texte « d’équité et de progrès », « la réforme ou la faillite » : le gouvernement a tenté de défendre son projet, dans une ambiance très chahutée.

Les oppositions ont ferraillé sur des demandes de référendum sur le projet gouvernemental, qui prévoit un recul de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans.

C’est « une réforme d’équité et de progrès qui répartit l’effort de manière juste », a affirmé le ministre du Travail Olivier Dussopt, prêt à « aller plus loin » pour améliorer l’emploi des seniors ou les pensions des femmes. L’ancien socialiste a été chahuté par la gauche, qui l’a traité de « vendu ».

À sa suite, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal est monté au créneau contre les opposants au projet, les appelant à choisir entre « intérêt général » et « intérêt électoral ». « C’est la réforme ou la faillite » du système de retraites, a-t-il affirmé.

Les deux semaines prévues d’examen s’annoncent à haut risque sur cette réforme phare du second quinquennat d’Emmanuel Macron, qui ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée.

À l’approche de deux journées d’action, mardi et samedi à l’appel de l’intersyndicale, la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne a martelé qu’avec cet âge légal à 64 ans, « nous demandons un effort collectif aux Français », mais « notre objectif est d’assurer l’avenir de notre système de retraite par répartition ».

PHOTO GEOFFROY VAN DER HASSELT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La cheffe du gouvernement Élisabeth Borne

Dans une concession de dernière minute, Mme Borne a annoncé que les personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir à la retraite à 63 ans, une extension du dispositif carrières longues – une demande des députés LR (droite), dont les voix sont cruciales.

Ce geste sera-t-il suffisant ? Non, pour le député LR Aurélien Pradié notamment, qui demande d’aller plus loin pour ceux ayant commencé à cotiser tôt.

« Marchands de tapis »

La présidente du groupe d’extrême droite Rassemblement national, Marine Le Pen, a raillé lundi une « négociation de marchands de tapis » entre le gouvernement et LR sur la réforme des retraites.

Côté syndicats, l’effort de Mme Borne n’a pas convaincu : c’est une « rustine » qui « n’est pas la réponse » attendue « à la mobilisation massive constatée », a dénoncé Laurent Berger, le patron du syndicat CFDT.   

Déjà deux journées de grève et de manifestations, les 19 et 31 janvier, ont réuni chaque fois plus d’un million de manifestants selon la police, plus de deux millions selon les organisateurs.  

« On compte sur le fait qu’il y ait des mobilisations pour que les élus de la République prennent en compte l’avis des citoyens », a déclaré lundi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

Le trafic sera fortement perturbé mardi à la SNCF et la RATP, le réseau de transport parisien.

« Projet contre projet »

Les députés doivent s’atteler aux quelque 20 000 amendements déposés sur le projet de loi, dont 13 000 par La France insoumise (LFI, extrême gauche) –de « l’obstruction bête et méchante », étrille le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

« 20 000 amendements, c’est faire croire qu’on veut le débat et opposer la violence de l’obstruction », s’est agacé le ministre du Travail Olivier Dussopt. Mme Borne avait dit espérer « un vrai débat, projet contre projet », en lieu et place des « caricatures » jusqu’alors, selon elle.

Mais ce flux d’amendements « permet de gérer un peu le tempo, accélérer, ralentir », au lieu de se laisser dicter le rythme, oppose l’Insoumis François Ruffin.

Les macronistes, qui ne disposent que d’une majorité relative, ne sont pas à l’abri d’accidents de parcours lors de votes. Et si l’Assemblée ne vient pas à bout des amendements d’ici le 17 février minuit, le texte passera au Sénat, du fait du choix de l’exécutif de recourir à un budget rectificatif de la Sécurité sociale.  

Ce temps contraint est vivement critiqué par les oppositions, qui comptent néanmoins parvenir à discuter de l’article 7 consacré au report de l’âge de la retraite. Les autres points chauds du texte se concentrent autour de la situation des femmes, qui pourraient être perdantes avec le recul de l’âge de départ, la pénibilité ou encore l’emploi des seniors.