(Moscou) L’Allemagne ne « s’opposera pas » à la volonté de la Pologne de livrer des chars Leopard à l’Ukraine, qui les réclame avec insistance, si Varsovie en demande l’autorisation, a déclaré dimanche la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock.

« Si on nous posait la question, nous ne nous y opposerions pas », a déclaré la ministre du parti des Verts, qui gouverne en coalition avec les sociaux-démocrates d’Olaf Scholz et les libéraux à propos de la livraison à Kyiv de ces chars de fabrication allemande.

« Pour l’instant, la question n’a pas été posée » par la Pologne, tenue de faire une demande officielle à Berlin, a précisé la ministre, interviewée à Paris sur la chaîne française LCI.

Dans un entretien à la télévision allemande ARD, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a affirmé de son côté quasiment au même moment que « la décision […] dépend de beaucoup de facteurs et est prise à la chancellerie ».

Pistorius, social-démocrate comme le chancelier Scholz, n’a pas été interrogé par la journaliste sur les déclarations de Mme Baerbock.

Le gouvernement allemand est sous pression croissante pour fournir à l’Ukraine des chars lourds Leopard, susceptibles d’avoir un impact significatif sur le champ de bataille, face aux troupes russes.

« J’ai bien compris à quel point ces chars sont importants, nous en sommes pleinement conscients », a ajouté Mme Baerbock.

La Pologne et la Finlande ont proposé de livrer des Leopards qu’ils possèdent, mais ont besoin de l’agrément officiel de Berlin en vue d’une réexportation.

Or Olaf Scholz a jusqu’à présent refusé de se prononcer sur la question de ces livraisons indirectes, tout comme sur celle de fournir directement des Leopard issus des stocks allemands.

De nouveau interrogé sur la question dimanche à Paris, lors d’une conférence de presse aux côtés d’Emmanuel Macron, le chancelier s’est montré évasif, répétant la nécessité d’agir en concertation avec les alliés de l’Ukraine sur les questions de livraison d’armes.

Ce n’est pas la première fois que les ministres Verts du gouvernement, en particulier Mme Baerbock, affichent une ligne plus volontariste que le chancelier sur le sujet du soutien militaire à l’Ukraine.

Plusieurs figures des écologistes ont réclamé avec insistance, ces dernières semaines, qu’Olaf Scholz approuve les livraisons de tanks à Kyiv.

Lors d’une réunion vendredi sur la base américaine de Ramstein en Allemagne, les alliés occidentaux de l’Ukraine ont repoussé toute décision sur ce sujet, suscitant l’irritation de Kyiv qui a critiqué leur « indécision ».

Moscou dit faire des progrès dans la région de Zaporijjia

« Le front est mobile, en particulier dans deux directions : Orikhiv et Gouliaïpolé », a déclaré Vladimir Rogov, un dirigeant de l’autorité régionale d’occupation installée par Moscou, cité par l’agence de presse russe Ria Novosti.

Ces deux villes, chacune d’environ 15 000 habitants avant la guerre, se trouvent respectivement à 65 km et 100 km au sud-est de Zaporijjia, capitale de la région éponyme, contrôlée par les troupes ukrainiennes.

Selon M. Rogov, « l’initiative est entre nos mains » et des combats sont en cours dans ces zones.

Le ministère russe de la Défense a, lui, assuré dimanche, dans son point quotidien, que « les unités du district militaire oriental occupaient des lignes et des positions plus avantageuses, lors d’opérations offensives dans la région de Zaporijjia », réitérant ses propos de la veille.

Dans son bulletin matinal, l’armée ukrainienne a, de son côté, seulement indiqué que, samedi, « plus de 15 localités avaient été visées par de l’artillerie » russe dans la région de Zaporijjia.

Samedi également, l’armée russe avait affirmé avoir mené des « opérations offensives » dans cette région, prenant au passage « des lignes et des positions avantageuses ».

Plus tôt cette semaine, Vladimir Rogov avait, pour sa part, indiqué que « l’intensité des hostilités » avait « fortement » augmenté « sur toute la ligne de front » dans cette région du sud de l’Ukraine.

La ligne de contact entre les armées ukrainienne et russe dans la région de Zaporijjia est stabilisée depuis plusieurs mois sans combat majeur à l’inverse des régions de Donetsk (Est) et Kherson (Sud).

Un haut responsable ministériel limogé

Un haut responsable ministériel ukrainien, soupçonné de détournement de fonds, a été limogé dimanche, tandis qu’un audit interne a été lancé au ministère de la Défense après des révélations de presse sur un présumé contrat signé à un prix gonflé.

« Le cabinet des ministres de l’Ukraine ordonne le limogeage de V. M. Lozynkiï comme ministre adjoint du Développement des communautés, des territoires et des infrastructures de l’Ukraine », a indiqué sur Telegram le premier ministre ukrainien Denys Chmygal.

Samedi, le Bureau national ukrainien de lutte contre la corruption (NABU) avait interpellé Vasyl Lozynkiï pour des soupçons de détournements de fonds.

M. Lozynkiï, en poste depuis mai 2020, « a reçu (400 000 dollars) pour faciliter la conclusion de contrats d’achat d’équipements et de générateurs à des prix gonflés », avait indiqué le NABU dans un communiqué.

Ce limogeage d’un responsable politique intervient alors que l’Ukraine fait face à des pénuries d’électricité à la suite de frappes russes sur ses installations énergétiques, en pleine période hivernale.

Les détournements de fonds restent fréquents en Ukraine, pays gangrené par la corruption depuis des dizaines d’années.

Dans une autre affaire de corruption présumée, le ministère ukrainien de la Défense a ordonné dimanche le lancement d’« un audit interne » et la tenue lundi d’une « réunion d’urgence » autour du ministre de la Défense, Oleksiï Reznikov, pour faire toute la lumière sur d’éventuels contrats gonflés par le ministère.

Samedi, des informations de presse dans les médias nationaux avaient accusé le ministère ukrainien d’avoir signé un contrat à un prix surévalué sur les produits alimentaires destinés à ses soldats.

Selon le site d’information ZN. UA., le contrat signé en question, pour 2023, serait de 13 milliards de hryvnias, soit un peu plus de 350 millions de dollars au taux actuel, avec des prix établis « deux à trois plus élevés » que les tarifs actuels en vigueur pour les produits alimentaires de base.

« En cas de détection de violations dans les activités des fonctionnaires du ministère de la Défense, ils seront responsables conformément à la loi en vigueur », a déclaré le ministère ukrainien dans un communiqué.

« Le ministère achète les produits pertinents conformément à la procédure établie par la loi », a toutefois souligné le ministère ukrainien de la Défense, jugeant « fausses » et « trompeuses » les informations sorties dans la presse.

« Celles-ci sont diffusées avec l’intention de manipuler de façon délibérée » et « nuisent aux intérêts de la défense pendant une période spéciale », a-t-il fustigé, rappelant encore que « des contrôles sont effectués » sur les contrats signés.