(Paris) À quelques jours des vacances de Noël, le gouvernement doit dévoiler une réforme des retraites très contestée, que ses opposants se préparent à bloquer par tous les moyens, de la rue au Parlement.

Le cadeau ne fera pas beaucoup d’heureux. Après une courte concertation, Élisabeth Borne va enfin présenter jeudi les grandes lignes de la réforme des retraites, pierre angulaire du second quinquennat d’Emmanuel Macron.

L’exécutif a déjà commencé à préparer les esprits, multipliant les entretiens à la presse, les réunions de travail à Matignon et les dîners au sommet à l’Élysée. Mais les annonces de la première ministre sont courues d’avance, balisées par la promesse présidentielle de repousser l’âge légal de 62 à 64, voire 65 ans. Cette dernière borne tient la corde.

« C’est le seul levier que nous avons », affirme le chef de l’État, qui exclut depuis le départ d’augmenter les cotisations ou de réduire les pensions. Cette mesure, assortie ou non d’une hausse de la durée de cotisation, risque de reléguer au second plan d’éventuelles contreparties sur la pénibilité ou les petites pensions.

La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a toutefois assuré dimanche que « le jeu n’[était] pas fait » sur les 65 ans. « Cela pourra, je pense, bouger si l’Assemblée veut aller dans ce sens-là et que le gouvernement y est prêt », a déclaré la députée Renaissance à France Inter-franceinfo-Le Monde.

Génération 1961

Le gouvernement veut aller vite : un projet de loi en janvier, un vote au printemps, une entrée en vigueur à l’été, avec la « génération 1961 » pour essuyer les plâtres. Comme une urgence, justifiée par le retour durable de déficits massifs, qui dépasseraient 12 milliards en 2027.

Impossible pour M. Macron de laisser un tel héritage à son successeur, surtout après l’échec de son projet de « système universel de retraite », stoppé net par la COVID-19. Le temps lui est donc compté, avant les élections européennes de 2024 qui sonneront la mi-temps de son mandat.

Tenté de passer en force au début de l’automne via le budget de la Sécurité sociale, il s’est résolu à patienter trois mois de plus. À peine assez pour consulter les partenaires sociaux, jouer l’ouverture et constater les désaccords de fond.

Car aucun syndicat n’accepte cette réforme, pas même la Confédération française démocratique du travail (CFDT), qui a durci sa position sur le sujet lors de son dernier congrès en juin. Depuis, son leader Laurent Berger martèle son opposition à toute « mesure d’âge » et met en garde contre une « réforme dure » qui provoquerait une « réaction sociale tout aussi déterminée ».

Son homologue de la Confédération générale du travail (CGT), Philippe Martinez, enjoint aussi l’exécutif à « prendre ça au sérieux », mais sans se faire d’illusion : « Ils sont obstinés ». Ses troupes savent aussi se montrer coriaces, comme l’ont rappelé les récents blocages de raffineries.

Réunion dans la foulée

Sur fond d’inflation record et de revendications salariales, les coups de semonce ont également touché les industries électriques et gazières, ainsi que la Régie autonome des transports parisiens (RATP), dont les régimes spéciaux sont dans le collimateur du gouvernement.

De simples avertissements, qui réveillent le spectre du long conflit social de l’hiver 2019-2020, auquel s’étaient ralliés cheminots, routiers et débardeurs, entre autres. Mais les stratèges syndicaux attendent le bon moment pour en découdre.

Les huit centrales nationales ont prévu de se réunir dans la foulée des annonces de Mme Borne, pour caler leur riposte autour de la date de présentation du projet de loi en Conseil des ministres – peut-être le 11 janvier.

La suite se jouera autant dans la rue qu’à l’Assemblée, où le texte est promis à un chemin de croix. La cheffe des députés de La France insoumise, Mathilde Panot, jure de le « combattre pied à pied » avec une pluie d’amendements. À l’autre extrémité de l’hémicycle, Marine Le Pen a fait connaître son « opposition absolument totale sur le fond » de la réforme.

Les chefs des différents groupes parlementaires seront à nouveau reçus à Matignon entre lundi et jeudi matin. Mais à moins d’une improbable alliance avec le part de droite Les Républicains, le recours au 49.3 semble inéluctable. Une option que la majorité soutient d’avance, à l’instar de la patronne des députés macronistes de Renaissance, Aurore Bergé, qui juge que ce scénario « ne doit pas être tabou ».