La saga de l’Ocean Viking s’est terminée vendredi. Mais la tension reste vive entre la France et l’Italie, qui s’accusent mutuellement de tous les maux.

De quoi parlons-nous ?

C’est une autre histoire de migrants qui cause des frictions en Europe. En l’occurrence, celle de l’Ocean Viking. Après avoir secouru des migrants en péril sur la Méditerranée, ce navire-ambulance, affrété par l’organisation humanitaire SOS Méditerranée, a voulu accoster en Italie… qui lui a refusé l’accès au port, laissant ses 234 passagers, dont 57 enfants, errer pendant trois semaines au large de la Sicile. Une histoire qui n’est pas sans rappeler celle de l’Aquarius en 2018, à qui Malte et l’Italie avaient tourné le dos, suscitant une crise politique dans l’Union européenne.

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Migrants se préparant à débarquer de l’Ocean Viking, vendredi

Pourquoi des frictions ?

La France a finalement accepté d’accueillir l’Ocean Viking, qui a jeté l’ancre au port de Toulon vendredi et qui en est reparti samedi, « à titre exceptionnel » et en vertu d’un « devoir d’humanité », selon le ministre de l’Intérieur de la France, Gérald Darmanin. Ce dernier n’a toutefois pas manqué de fustiger le nouveau gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni, qualifiant l’Italie de « très inhumaine » et annonçant, dans la foulée, la suspension immédiate de l’accueil de 3500 migrants cantonnés en Italie, qui devaient être pris en charge par la France. La France « tirera toutes les conséquences de l’attitude italienne sur les autres aspects de sa relation bilatérale », a ajouté M. Darmanin. La première ministre d’Italie a rétorqué que la réaction française était « agressive, incompréhensible et injustifiée ».

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Le navire Ocean Viking approchant le port militaire de Toulon, dans le sud de la France, vendredi

Pourquoi l’Italie a-t-elle refusé l’accostage de l’Ocean Viking ?

Selon le droit maritime, les rescapés de la mer doivent être déposés dans l’un des ports les plus proches. Cette responsabilité échoit souvent à l’Italie, pour d’évidentes raisons géographiques, celle-ci n’étant qu’à 300 km des côtes libyennes, d’où partent la plupart des migrants qui tentent la traversée. Mais Giorgia Meloni, politicienne post-fasciste assumée, cherche manifestement à afficher ses couleurs anti-immigration, deux mois après son élection. Réagissant aux accusations de Paris, elle a rappelé jeudi que son pays avait accueilli cette année près de 90 000 migrants, alors que les pays européens qui s’étaient engagés à l’aider et à prendre en charge 8000 personnes n’en avaient finalement accueilli que 117.

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Giorgia Meloni, première ministre d’Italie

Quel avenir pour ces rescapés de la mer ?

Les 230 migrants, pour la plupart originaires du monde arabe ou d’Afrique subsaharienne, ont été placés en « zone d’attente », où auront lieu les examens de demandes d’asile. Selon les autorités françaises, 175 d’entre eux seront répartis dans 11 pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, la Croatie, la Roumanie, la Bulgarie, la Lituanie, Malte, le Portugal, le Luxembourg et l’Irlande, en vertu des dispositions prises par l’Union européenne. La France promet pour sa part qu’elle en acceptera le tiers. C’est déjà trop pour la cheffe du Rassemblement national, Marine Le Pen, qui accuse le gouvernement de « laxisme », deux semaines après qu’un de ses députés a lancé un « qu’ils retournent en Afrique ! » retentissant, en pleine Assemblée nationale.

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La majorité des migrants secourus par l’Ocean Viking ont été transférés temporairement dans la presqu’île de Giens, près de Toulon, où la Croix-Rouge leur a distribué des vêtements.

La crise migratoire n’est donc pas terminée ?

Il faudra sans doute s’y habituer. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, 88 000 migrants auraient atteint les côtes italiennes depuis le mois de janvier 2022, tandis que 1891 personnes auraient disparu en mer en tentant d’atteindre l’Europe, pendant la même période.

Rien n’indique que le flux s’arrêtera. Mais pour le président de SOS Méditerranée, François Thomas, il est clair que le bras de fer autour de l’Ocean Viking ne doit plus se reproduire. « Ce n’est pas normal de débarquer à cette distance des lieux de sauvetage », a-t-il estimé vendredi, lors d’une conférence de presse à Marseille.

Le directeur des opérations, Xavier Lauth, a déclaré de son côté que l’ONG allait « repartir en mer » au plus vite. « Pourquoi ? Parce qu’il y a déjà plus de 1300 morts cette année en mer Méditerranée centrale, parce qu’il y a eu plus de 20 000 morts depuis 2014 dans la mer Méditerranée et qu’on n’accepte pas que cette mer devienne un cimetière… »

Sources : Agence France-Presse, France Inter, Le Parisien, Le Monde, BBC, Organisation internationale pour les migrations