(Belfast) L’Irlande du Nord devrait prochainement avoir des élections anticipées, après l’échec jeudi d’une réunion de la dernière chance des élus nord-irlandais qui n’a pas permis de sortir de l’impasse politique causée par le statut post-Brexit de la province.  

Les élus avaient jusqu’à jeudi soir minuit pour s’entendre après des mois de blocage politique. Mais cette échéance a été dépassée sans trouver d’accord. L’Irlande du Nord devrait donc bientôt connaître des élections anticipées. Des médias britanniques ont indiqué qu’elles pourraient se tenir mi-décembre.  

Le blocage politique est dû au fait que le parti unioniste DUP, opposé aux dispositions post-Brexit, refuse de participer à l’assemblée locale, empêchant la formation d’un exécutif qui doit être partagé avec les républicains du Sinn Fein, victorieux des élections locales en mai.

Les espoirs d’un compromis à l’assemblée, qui s’est réunie jeudi à la mi-journée, ont été douchés avant même le début de la séance par le dirigeant du DUP Jeffrey Donaldson.

« Nous ne considérons pas qu’il y ait eu suffisamment de progrès », a-t-il affirmé.

Il a rappelé que la position du DUP « restait la même » que depuis mai, à savoir que le parti « ne participerait pas à un exécutif tant qu’aucune action décisive n’ait été prise concernant le protocole ».

Casse-tête de la frontière

Les unionistes, attachés à l’appartenance de l’Irlande du Nord au Royaume-Uni, réclament l’abrogation de cet accord négocié entre Londres et Bruxelles au moment du Brexit, qui instaure un statut douanier particulier à la province pour éviter le retour d’une frontière physique avec la République d’Irlande voisine.

Selon eux, le protocole porte atteinte à l’intégrité du Royaume-Uni, car il crée une frontière douanière de fait entre l’Irlande du Nord et le reste du pays.

Le boycottage du DUP bloque les institutions locales. Car même si c’est le Sinn Fein – favorable à une réunification de l’île d’Irlande – qui a remporté les élections dans la province en mai, l’accord de paix de 1998 qui mit fin à trois décennies de conflit stipule que l’exécutif doit être partagé entre unionistes, surtout protestants, et républicains en majorité catholiques.

« À une période où tant de travailleurs, de familles et d’entreprises souffrent de la crise du coût de la vie […] les gens ont besoin de savoir qu’ils peuvent compter sur nous », a affirmé devant les députés la dirigeante nord-irlandaise du Sinn Fein, Michelle O’Neill, qui aurait dû devenir première ministre de la province en mai.  

« Nous voilà dans cette Chambre aujourd’hui », a-t-elle ajouté. « Nous pourrions nommer un président, un premier ministre, un premier ministre adjoint et un nouvel exécutif qui pourraient immédiatement agir pour mettre de l’argent dans les poches des gens. Mais le DUP continue de nier le résultat de l’élection de mai. »

Faute de gouvernement, c’est Londres qui gère les affaires courantes, mais de nombreux dossiers sont gelés.

Solution « négociée »

« Le temps presse », avait affirmé dès mercredi soir le ministre britannique chargé de l’Irlande du Nord, Chris Heaton-Harris, répétant qu’il convoquerait une élection faute d’accord d’ici jeudi soir minuit. Il s’est déplacé mercredi à Belfast pour convaincre les différents partis de s’entendre. En vain.

« Nous pressons [le DUP] à retourner à l’assemblée, car le peuple d’Irlande du Nord mérite un exécutif local élu et opérationnel », a insisté Downing Street jeudi.

Londres veut renégocier l’accord avec Bruxelles qui n’accepte que des aménagements mineurs. Les précédents gouvernements britanniques ont présenté un projet de loi modifiant unilatéralement le protocole, s’attirant les foudres de Bruxelles.

Confronté à cette crise dès sa première semaine au pouvoir, le nouveau premier ministre britannique Rishi Sunak s’est entretenu du sujet avec son homologue irlandais Micheal Martin et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Il leur a assuré préférer une « solution négociée ».  

En attendant, le chef du DUP Jeffrey Donaldson s’est dit « prêt à se lancer dans la bataille » électorale, moins de six mois après le dernier scrutin. Il a même averti que la propagande électorale du parti avait déjà été approuvée.

La défaite de son parti aux dernières élections reflète une tendance de fond dans la province britannique, créée au départ pour les protestants unionistes : les catholiques y sont désormais plus nombreux, selon un récent recensement, ce qui est de nature à encourager les partisans d’une réunification avec la République d’Irlande.