(Londres) Elle fut un temps la femme la plus détestée du Royaume-Uni. La rivale honnie. La « marâtre » de Harry et William. Elle avait volé le prince à la princesse. Tout était de sa faute. Même la mort de Diana.

Pas de doute : Camilla Parker Bowles en a bavé avant de devenir reine consort. Mais alors qu’elle s’apprête à régner aux côtés de Charles III, on a voulu voir si cette haine était toujours aussi vibrante. On s’est donc rendu au Café Diana, dans le quartier Bayswater à Londres, où l’on voue un véritable culte à Lady Di.

Ils disent café, mais on pourrait presque dire un temple. L’endroit est tapissé de photos de la princesse, laminées ou encadrées. Diana avec ses fils. Diana avec mère Teresa. Diana avec des enfants malades. Diana sortant d’une voiture. Diana sous toutes ses coutures. Sur les murs, c’est Diana mur à mur.

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

Au Café Diana, des photos de la « princesse du peuple » ornent chaque recoin.

L’établissement, tenu par des Irakiens, n’a rien de chic. C’est une sorte de greasy spoon où l’on peut commander du fattouch et du shashkouka, autant que du bacon avec des œufs.

Lady Di y avait apparemment ses habitudes. On la voyait parfois avec Harry et William, souvent seule, pour un cappucino ou un English breakfast. C’est dire à quel point la princesse n’était pas une « royale » comme les autres.

Et c’est aussi comprendre pourquoi les admirateurs de Diana viennent en pèlerinage des quatre coins du monde pour voir cet étrange restaurant thématique, qui n’a de glamour que le nom.

« Des gens, tous les jours. Ils prennent des photos. Des fois, ils restent pour un café. Mais souvent, ils viennent seulement regarder », nous dit Abdul, le gérant, dans un anglais cassé.

« Ils s’aiment, que voulez-vous »

La vague anti-Camilla ne nous a pas submergés. Au contraire. Dimanche après-midi, la clientèle du Café Diana, locaux et touristes mélangés, semblait plutôt en faveur de la nouvelle reine consort, qui accompagnera le nouveau roi dans ses fonctions.

Pas qu’on soit inconditionnel, attention. Certains ont encore une petite crotte sur le cœur. Mais bien de l’eau a coulé sous les ponts. Et on se dit maintenant prêt à tourner la page, parce qu’au fond, « Camilla n’est pas une mauvaise personne ».

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

Georgia Morris et Debbie Thomas devant le Café Diana

« Ça m’a pris un moment pour l’accepter, explique Georgia Morris, une paire de béquilles sur les cuisses. Mais à la fin, elle a fini par me convaincre. »

On ne reviendra pas sur le soap royal qui a tenu le Royaume-Uni — pardon, le monde ! — en haleine au début des années 1990. Le « ménage à trois », les réflexions du prince Charles sur l’amour, l’infidélité, les paparazzi, la fin tragique de Lady Di.

Camilla a longtemps été vue comme la méchante de cette histoire, qui sera vraisemblablement racontée dans la prochaine saison de la série The Crown, annoncée pour le mois de novembre. La cicatrice n’est d’ailleurs pas refermée pour tout le monde. Il paraît que le prince Harry réglera quelques comptes avec sa belle-mère dans ses mémoires, une « bombe » à retardement qui devrait être publiée sous peu et que la famille royale redoute probablement.

Mais au Café Diana, on préfère insister sur le côté plus romantique de cette saga et de ses controverses.

« On aurait dû permettre à Charles d’épouser Camilla dès le début, observe Debbie Thomas. Parce qu’ils étaient vraiment faits l’un pour l’autre. »

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

Phil Gillespie (à gauche) et son ami Mikael Nilsen

« Ils sont vraiment amoureux, on ne peut pas leur en vouloir, ajoute Phil Gillespie, du ton de l’évidence, devant un immense English breakfast. Alors je pense qu’il est temps de passer à autre chose. Cette pauvre Camilla a assez souffert. »

Apprivoiser la fonction

La « pauvre Camilla » fera-t-elle une bonne reine consort ? Personne ici n’en doute.

« Elle a quand même eu le temps de se préparer », note encore Phil Gillespie.

Sera-t-elle appréciée ? Ça, c’est une autre histoire. « Ça pourrait prendre du temps, relativise Kenneth Aldous, 87 ans. De toute façon, il y aura toujours des gens qui ne l’aimeront pas. »

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

Kenneth Aldous, rencontré au Café Diana, à Londres

Dans tous les cas, il est certain que Camilla Parker Bowles, 75 ans, mère de deux enfants et épouse de Charles depuis 2005, aura beaucoup de pression et sa part de défis à relever, à commencer par celui de réapprivoiser la fonction.

« Il n’y a pas eu de reine consort depuis 70 ans [la dernière fut la reine mère, de 1936 à 1952]. Camilla devra rafraîchir et redéfinir ce rôle. Mais les attentes seront grandes et elle devra convaincre », explique Ellie Woodacre, spécialiste de la monarchie britannique à l’Université de Winchester, en Angleterre.

Selon l’universitaire, il est probable que Camilla se contentera d’être un soutien pour Charles, comme Philippe le fut pour Élisabeth, c’est-à-dire présente et effacée tout à la fois.

Depuis 10 ans, elle est parvenue à être visible sans voler la vedette à Charles ou à la nouvelle génération. Je suis convaincue qu’elle va continuer dans cette voie et qu’elle trouvera sa place, même si les responsabilités s’annoncent énormes.

Ellie Woodacre, spécialiste de la monarchie britannique à l’Université de Winchester

La nouvelle reine consort devrait ainsi se contenter d’un rôle cérémoniel et poursuivra logiquement ses activités caritatives (plus de 90 !), lesquelles ont largement contribué à rétablir son image auprès du grand public et de ses détracteurs. Selon ce qu’on sait, elle sera couronnée en même temps que Charles III, avec la tiare de platine et de diamant de la reine mère, créée pour le couronnement de George VI en 1937.

Parions qu’elle n’ira jamais manger au Café Diana…

PHOTO JEAN-CHRISTOPHE LAURENCE, LA PRESSE

La salle à manger du Café Diana