(Kyiv) Contre-offensive des forces ukrainiennes et bombardements russes nourris, le sud de l’Ukraine reste dans la nuit de lundi à mardi au cœur du conflit tandis que des experts onusiens sont attendus à la centrale nucléaire de Zaporijjia.  

La mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) doit inspecter la centrale, la plus grande d’Europe, occupée depuis début mars par les Russes et au centre de toutes les tensions.

La contre-attaque ukrainienne vise pour l’essentiel à reprendre Kherson, une ville – de 280 000 habitants avant le conflit – tombée aux mains des Russes dès le commencement de la guerre le 24 février, ont annoncé des responsables locaux.

« Les forces armées ukrainiennes ont lancé leur offensive dans plusieurs zones dans le sud. Nous demandons aux habitants de Kherson de suivre les consignes de sécurité », a écrit sur Telegram le chef de l’administration régionale Yaroslav Yanuchevytch.

« Aujourd’hui, il y a eu de puissantes attaques d’artillerie sur les positions ennemies […] sur l’ensemble du territoire de la région occupée de Kherson. C’est l’annonce de ce que nous attendions depuis le printemps : c’est le début de la fin de l’occupation de la région de Kherson », située aux portes de la Crimée annexée par Moscou en mars 2014, a annoncé à la télévision ukrainienne le député Serguiï Khlan.

Il a assuré que les militaires ukrainiens avaient « l’avantage » sur le front méridional après des frappes répétées ces dernières semaines sur des ponts et un barrage sur le fleuve Dniepr, destinées à perturber la logistique des troupes russes.

Le groupement militaire ukrainien « Kakhovka » a quant à lui dit observer la retraite d’une unité de combattants séparatistes prorusses de ses positions dans la région.

L’offensive a « échoué », selon Moscou

La Russie a pour sa part affirmé avoir repoussé des « tentatives d’offensive » ukrainiennes dans les régions de Kherson et de Mykolaïv, également dans le sud de l’Ukraine.

« Pendant la journée […], les troupes ukrainiennes ont fait une tentative d’offensive dans trois directions, dans les régions de Mykolaïv et de Kherson », a déclaré le ministère russe de la Défense, ajoutant qu’elle avait « lamentablement échoué » et que les Ukrainiens avaient « subi de lourdes pertes ».  

La porte-parole du commandement « Sud » de l’armée ukrainienne, Natalia Goumeniouk, avait auparavant dit que les forces de Kyiv attaquaient « dans de nombreuses directions » sur ce front afin de renvoyer les Russes sur la rive gauche du Dniepr.

Dans la nuit de lundi à mardi, ce commandement a précisé sur Facebook que la situation restait « tendue » dans sa zone d’action, soulignant que « l’ennemi a attaqué nos positions à cinq reprises, mais toutes ont été un échec ».

Il a par ailleurs évoqué un « bombardement massif en journée » de Mikolaïv par les Russes avec seize missiles anti-aériens S-300 qui ont provoqué des dégâts « importants » notamment sur des bâtiments d’habitation et des infrastructures de transport. Deux civils ont été tués et 24 blessés, selon cette source.

Deux missiles sont tombés dans la soirée dans la région de Bachtansky, endommageant des maisons, mais aucune victime n’a été signalée à ce stade, a-t-elle ajouté.

Toutes ces informations étaient invérifiables de sources indépendantes.

« L’Ukraine est en train de reprendre ce qui est à elle et reprendra tout au final – les régions de Kharkiv, Louhansk, Donetsk, Zaporijjia, Kherson, la Crimée, les eaux de la mer Noire et de la mer d’Azov […] », a martelé dans son message quotidien du soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Les bombardements russes n’ont par ailleurs pas cessé sur la ligne de front qui s’étend du nord au sud.

Les autorités locales ont notamment évoqué des frappes dans les régions de Kharkiv (nord-est), Dnipropetrovsk (centre), où elles ont fait un mort, et Mykolaïv.

« Ça secouait et tout le monde est sorti en courant », a raconté à l’AFP Olga, une habitante de 40 ans de Mykolaïv après la chute d’un missile et d’une roquette dans son quartier.

« Ça s’est passé en une seconde et, en une seconde, c’était le noir dans la maison », a témoigné un de ses voisins, Oleksandre Tchoula, 66 ans, dont la femme venait d’être tuée.

Une mission de l’AIEA en Ukraine

Le gouverneur de la région de Zaporijjia (sud) Oleksandre Staroukh a fait savoir mardi à l’aube que la Russie avait lancé une attaque avec des missiles contre la ville éponyme.

« D’après les premières informations, il n’y a aucune victime. Jusqu’à présent, aucun dégât important sur les infrastructures n’a été repéré », a-t-il indiqué.

C’est dans cette région que des experts de l’AIEA sont attendus.

L’organisme onusien a en effet annoncé envoyer une mission, conduite par son directeur général Rafael Grossi, à la centrale de Zaporijjia. Elle doit visiter « plus tard cette semaine » ces installations.

M. Grossi réclamait depuis plusieurs mois de pouvoir s’y rendre, avertissant du « risque réel de catastrophe nucléaire » après une série de bombardements dont les deux belligérants s’imputent mutuellement la responsabilité.

Les pays du G7 se sont dits lundi « profondément préoccupés » par les risques d’accident nucléaire à Zaporijjia, demandant qu’une totale liberté de mouvement soit accordée aux experts internationaux.

« La Russie doit assurer un accès sûr et sans entrave » à l’équipe de l’AIEA, a réclamé un responsable américain, pour lequel l’option « la plus sûre » serait une extinction « contrôlée » des réacteurs.

Accusée par Kyiv d’avoir positionné des pièces d’artillerie sur le site de la centrale, la Russie a jugé « nécessaire » cette inspection, par la voix du porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.

L’opérateur ukrainien Energoatom a néanmoins affirmé que les soldats russes « mettaient la pression sur le personnel de la centrale pour l’empêcher de révéler des preuves des crimes de l’occupant ».

« La souveraineté ukrainienne sur cette centrale ne doit pas être contestée », a souligné le président français Emmanuel Macron.

La mairie de Zaporijjia a dit distribuer depuis le 23 août des comprimés d’iode à la population dans un rayon de 50 km autour de la centrale, à prendre en cas d’alerte aux radiations.