(Kyiv) La Russie a été qualifiée samedi de « pyromane » par le Canada au G20, au moment où elle est accusée sur le terrain d’avoir déployé des lanceurs pour tirer des missiles depuis la centrale nucléaire de Zaporijjia, dans le sud de l’Ukraine, et de chercher à relancer son offensive meurtrière dans l’est.

Signe de la volonté du Kremlin de poursuivre la guerre quoi qu’il en coûte — l’armée russe a perdu selon les experts occidentaux 15 à 20 000 hommes en quatre mois — ses représentants se sont rendus sur une base militaire au sud de Téhéran à deux reprises dernièrement pour se faire présenter des drones de combat iraniens, a affirmé samedi le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, images satellites à l’appui.

La Russie a aussi lancé en juin une campagne de recrutement de volontaires qui s’est intensifiée en juillet, chacune de ses 85 régions devant réunir au moins 400 hommes, soit plus de 30 000 soldats, selon l’Institut américain d’étude de la guerre (ISW).

PHOTO MINISTÈRE UKRAINIEN DES SITUATIONS D’URGENCE VIA AGENCE FRANCE-PRESSE

Un pompier surveille les opérations de retrait de débris des décombres d’un bâtiment endommagé de Nikopol.

Le coût de la guerre est aussi économique, au premier chef pour la Russie, prise à la gorge par les sanctions, mais aussi pour le reste du monde, ont fait valoir les pays occidentaux au G20 de Bali, qui s’est cependant achevé samedi sans communiqué conjoint, faute de consensus sur ce point.

La participation de la Russie était « absurde » et « équivalait à inviter un pyromane à une réunion de pompiers », a fustigé la ministre canadienne des Finances Chrystia Freeland.

Les accusations sont du même ordre en Ukraine, où l’opérateur national de l’énergie nucléaire a accusé l’armée russe d’avoir installé des lanceurs de missiles sur le site même de la centrale nucléaire de Zaporijjia (sud), dans une zone qui est sous son contrôle depuis mars.

« La situation est extrêmement tendue et la tension s’accroît de jour en jour. Les occupants y amènent […] y compris des systèmes de missiles avec lesquels ils ont déjà frappé de l’autre côté » du fleuve Dniepr « et sur le territoire de Nikopol », à 80 kilomètres au sud-ouest de Zaporijjia, a affirmé Petro Kotin, président d’Energoatom, sur Telegram.

Selon lui, environ 500 militaires russes se trouvent sur le site de cette centrale ukrainienne, la plus grande d’Europe.

Une large condamnation

De nombreux autres pays du G20 ont également condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie lors de la réunion, selon une déclaration de la présidence indonésienne rendue publique dimanche.

Cette réunion du G20 s’est achevée sans communiqué conjoint en raison de divergences entre les pays concernant l’offensive russe en Ukraine. En lieu et place de ce communiqué, l’Indonésie, qui tente de concilier sa neutralité dans le conflit et le fait qu’elle est l’hôte du G20 cette année, a publié une déclaration en son propre nom, dans laquelle elle fait état de ces divergences.

« De nombreux membres sont convenus que la reprise de l’économie mondiale a ralenti et est confrontée à un revers majeur en raison de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, qui a été fermement condamnée, et ils ont appelé à la fin de la guerre », indique cette déclaration.

« Un membre a exprimé l’opinion selon laquelle les sanctions aggravent les difficultés actuelles », ajoute le texte, apparemment en référence à la Russie.

La déclaration fait également état de l’absence de consensus concernant la crise alimentaire mondiale, exacerbée par l’invasion de l’Ukraine.

« La majorité des membres sont convenus qu’il existe une aggravation alarmante de l’insécurité alimentaire et énergétique », et « de nombreux membres se déclarent prêts à agir promptement », indique-t-elle.

La Russie avait envoyé un vice-ministre à la réunion de Bali, son ministre des Finances participant de façon virtuelle.

La semaine dernière, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait claqué la porte d’une réunion avec ses homologues du G20 à Bali après une pluie de condamnations de l’invasion de l’Ukraine.

« Nous sommes en vie »

Vendredi soir, l’armée de l’air ukrainienne avait indiqué que des missiles russes Kh-101 avaient été tirés vers 22 h de la mer Caspienne sur Dnipro, dont quatre ont été détruits.

Le centre de commandement de la région sud a indiqué samedi que la situation était « tendue, mais sous contrôle ».

PHOTO EVGENIY MALOLETKA, ASSOCIATED PRESS

Un militaire observe un cratère et une école touchée par un missile russe.

« L’ennemi continue de mener des offensives […], mais, faute de succès sur le terrain, il intensifie les frappes de missiles et aériennes », a-t-il affirmé sur Facebook.

Plus au nord, près de Kharkiv, la deuxième ville du pays, la ville de Tchouguiv a été touchée vendredi soir par des missiles russes qui ont fait trois morts, a annoncé Oleg Sinegoubov, le gouverneur de la région.

Dans l’est, vendredi soir, Kramatorsk, la principale ville du bassin du Donbass encore sous contrôle ukrainien, dans la région de Donetsk, avait également subi plusieurs bombardements.

PHOTO MIGUEL MEDINA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un employé nettoie la place centrale de Kramatorsk, où un cratère s’est formé après une frappe russe.

« Nous sommes en vie, c’est une bonne journée », a dit à l’AFP Olga Dekanenko, une femme de 67 ans, en déambulant, appuyée sur sa canne, dans les ruines de sa maison de Konstantinovka, une bourgade de la ligne de front frappée par l’artillerie russe.

Elle n’a même pas souvenir de ce qui s’est passé à l’aube. Sa petite chambre ravagée donne sur le jardin où est tombée la roquette, elle s’est retrouvée au pied de son lit, sous des couvertures, des oreillers, des pierres.

PHOTO REUTERS

Vue aérienne sur la Maison des Officiers de Vinnytsia, touchée jeudi par une frappe russe

Moscou assure faire des progrès dans le Donbass

L’Ukraine et ses alliés occidentaux restent par ailleurs sous le choc des frappes de missiles de croisière qui ont dévasté jeudi le centre de Vinnytsia, à des centaines de kilomètres à l’ouest du front.

Le bilan de cette attaque a été relevé samedi à 24 morts. « Malheureusement, une femme est morte à l’hôpital aujourd’hui, elle était brûlée à 85 % », a annoncé le gouverneur de la région de Vinnytsia, Serguiï Borzov, précisant que 68 personnes continuaient de recevoir des soins, dont quatre enfants.

Face aux condamnations internationales, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir visé à Vinnytsia une réunion du « commandement des forces aériennes ukrainiennes avec des représentants de fournisseurs étrangers d’armements ».

Un haut responsable américain de la Défense a cependant dit, sous couvert d’anonymat, n’avoir « pas d’indication sur la présence d’une cible militaire à proximité ».

La Russie n’a jamais reconnu de bavure ou de crime de ses forces armées en Ukraine et assure systématiquement ne frapper que des cibles militaires.

Dans le Donbass, les forces séparatistes et l’armée russe ont affirmé continuer à progresser et être en train de prendre le contrôle complet de la ville de Siversk, attaquée après la prise de Lyssytchansk, plus à l’est, au début du mois.

Le ministère russe de la Défense a affirmé samedi que le ministre, Sergueï Choïgou, s’était rendu auprès des soldats impliqués dans l’offensive en Ukraine, sans préciser la date de cette visite, la deuxième après une première en juin, ni si elle avait eu lieu en Ukraine ou en Russie.

Il a « donné les instructions nécessaires pour accroître encore » la pression militaire, a ajouté le ministère.

Alors que les répercussions de cette guerre suscitent de vives inquiétudes quant à la sécurité alimentaire d’une partie de la planète, le président américain Joe Biden a annoncé samedi une aide d’un milliard de dollars pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.