(La Haye) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé jeudi la mise en place d’un « tribunal spécial » pour enquêter sur l’invasion russe, en s’adressant à une conférence internationale sur les crimes de guerre en Ukraine organisée à La Haye.

« Les institutions judiciaires actuelles ne peuvent traduire en justice tous les coupables. En conséquence, il faut un tribunal spécial pour juger les crimes de l’agression russe contre l’Ukraine », a déclaré M. Zelensky dans une vidéo diffusée à la conférence.  

Des responsables politiques, diplomatiques et judiciaires venus du monde entier étaient rassemblés jeudi à La Haye, siège de la justice internationale, pour une conférence sur les crimes commis en Ukraine depuis le 24 février.

Organisé par la Cour pénale internationale (CPI) la Commission européenne et les Pays-Bas, l’évènement visait à assurer que les crimes commis depuis l’invasion russe « ne restent pas impunis ».

Le procureur de la CPI Karim Khan a ouvert début mars une enquête sur de possibles crimes de guerre commis en Ukraine, après avoir reçu le feu vert de 43 états.

Mais cette cour, qui poursuit depuis vingt ans les auteurs des pires atrocités dans le monde, ne peut pas poursuivre le crime d’agression si le pays n’a pas ratifié le Statut de Rome, ce qui est le cas de la Russie et de l’Ukraine.

La question d’un tribunal spécial est donc « un point très valable », a déclaré Wopke Hoekstra, ministre néerlandais des Affaires étrangères, devant les journalistes à l’issue de la conférence.

« Je peux donc imaginer que nous envisageons de créer un tel tribunal. Les Pays-Bas examineront cela ouvertement », a-t-il poursuivi, concédant toutefois que cela « ne sera probablement pas facile ».

M. Hoekstra, Karim Khan et Didier Reynders, commissaire européen de la justice, ont rappelé la nécessité de « travailler ensemble » pour que justice soit rendue.

La conférence a conduit plusieurs pays à verser davantage d’argent à la CPI pour son enquête et à envoyer des experts en Ukraine, a précisé M. Hoekstra.

« Il est de notre responsabilité de tenir les auteurs responsables, de rendre justice et de soutenir le nombre croissant de victimes », a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken dans un communiqué.

Quelque 14 États européens enquêtent sur les crimes en Ukraine et une équipe commune d’enquête européenne a été mise en place.

« Scènes venues de l’enfer »

« Nous devons trouver un moyen de nous assurer que la loi fonctionne plus efficacement » pour « éviter les scènes venues de l’enfer que nous avons vues », a affirmé Karim Khan.

« Il y aura une déclaration en temps voulu signée par 45 États, dans laquelle ils ont promis de montrer de la persévérance pour aller de l’avant », a-t-il poursuivi.

Au moins 20 personnes ont été tuées jeudi par des frappes russes sur une ville du centre de l’Ukraine.

« Ce genre d’information, nous l’avons tous les jours, du matin au soir », a déclaré Iryna Venediktova, également présente à la conférence.

« Nous voyons de plus en plus de faits de crimes de guerre, plus de 23 000 désormais », a-t-elle ajouté.

La Russie nie systématiquement toutes les exactions dont ses troupes sont accusées : bombardements de civils, exécutions sommaires, viols. Et elle accuse en retour l’Ukraine de crimes de guerre.  

Deux soldats russes ont été condamnés en mai à 11 ans et demi de prison par un tribunal ukrainien pour avoir bombardé des zones civiles, tandis qu’un autre a été emprisonné à perpétuité au début du mois pour le meurtre d’un civil.

Il n’existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit. L’ONU a recensé près de 5000 morts confirmés, dont plus de 300 enfants, mais reconnaît que leur nombre véritable est sans doute largement supérieur.