(Londres) L’ex-ministre britannique des Finances Rishi Sunak a de nouveau été placé en tête par les députés conservateurs jeudi au deuxième tour du scrutin interne pour choisir le successeur du premier ministre Boris Johnson, devant la favorite des sondages Penny Mordaunt, sur fond d’attaques croissantes.

Rishi Sunak, 42 ans, a recueilli 101 voix, devant la secrétaire d’État au Commerce extérieur Penny Mordaunt (83 voix) et la ministre des Affaires étrangères Liz Truss, troisième avec 64 voix.

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Penny Mordaunt

L’attorney general-chargée de conseiller juridiquement le gouvernement -Suella Braverman (27 voix) a été éliminée, tandis que l’ex-secrétaire d’État à l’Egalité Kemi Badenoch et le président de la Commission des Affaires étrangères Tom Tugendhat restent en course, avec respectivement 49 et 32 voix.

D’autres tours de vote sont prévus, la semaine prochaine, pour désigner les deux finalistes avant la trêve parlementaire du 21 juillet. Ils seront départagés au cours d’un vote par correspondance réservé aux seuls adhérents du parti, dont le résultat doit être proclamé le 5 septembre. Ils étaient 160 000 à avoir pris part à ce scrutin en 2019.

Une semaine après l’annonce de la démission de Boris Johnson, emporté par des départs en cascade au sein d’un gouvernement lassé par les scandales, Mme Mordaunt, une ancienne ministre de la Défense de 49 ans, battrait tous ses rivaux dans un duel final, selon un sondage YouGov.

Anti-woke

Si à la droite du parti, les critiques se concentraient jusqu’à présent sur Rishi Sunak, certains dénonçant un « socialiste » responsable de la chute de Boris Johnson, c’est vers Penny Mordaunt que les coups sont désormais portés.

Dans une campagne au vitriol, certains Tories jugent dorénavant qu’elle a des positions trop « woke », en ayant déclaré que « les femmes trans sont des femmes », quand elle était secrétaire d’État à l’Egalité.

Depuis qu’elle est candidate, Penny Mordaunt a pourtant complètement modifié son discours, tentant même une plaisanterie transphobe pendant sa réunion de lancement mercredi.

« Je crois que c’est Margaret Thatcher qui avait dit que tout le monde avait besoin d’un Willie (Whitelaw, le numéro 2 de l’ancienne première ministre). Une femme comme moi n’en a pas », a-t-elle affirmé, sous les éclats de rire. En anglais, « willy » signifie aussi pénis.

Éliminée jeudi, Suella Braverman a reproché à son adversaire de ne pas avoir « défendu les femmes » et ne pas avoir « reflété l’opinion d’une grande partie de notre parti qui souhaite que les femmes soient authentiquement représentées ». Selon Sky News, elle a fait savoir qu’elle soutiendrait Liz Truss.

David Frost, l’ancien négociateur du Brexit, a quant à lui remis en question les qualités professionnelles de Penny Mordaunt quand elle travaillait pour lui, émettant sur la chaîne Talk TV de « sérieuses réserves » sur sa capacité à diriger le pays.

Certains conservateurs la voient malgré tout comme la meilleure option pour tourner la page de l’ère Johnson et son lot de scandales. Mais seuls 11 % des Britanniques sont capables de la nommer en voyant son visage, selon une étude Savanta ComRes. Certains la confondent même avec la chanteuse Adele, mais sa notoriété grandit, à en croire un autre sondage YouGov.

Truss se lance

Autre candidate sérieuse, la cheffe de la diplomatie Liz Truss a lancé jeudi sa campagne, soutenue par le camp Johnson. « Je vais faire campagne telle une conservatrice et je gouvernerai telle une conservatrice », a clamé la ministre de 46 ans qui n’a pourtant pas enregistré jeudi à l’occasion du nouveau tour de vote le rebond décisif espéré par report de voix.

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Liz Truss

De son côté, l’ancien ministre de la Santé Jeremy Hunt, éliminé mercredi, a décidé de soutenir Rishi Sunak, « l’une des personnes les plus correctes, droites et intègres » en politique.  

Celui-ci s’est dit « extrêmement reconnaissant » du soutien de ses collègues qui l’ont placé en tête dans les deux tours.

Rishi Sunak cultive une image lisse, mais a été critiqué en raison de sa fortune et du statut fiscal de sa richissime épouse. Ses détracteurs l’accusent par ailleurs de ne pas en avoir fait assez pour soulager les ménages étranglés par la crise du coût de la vie alors que l’inflation, de 9,1 % en mai, bat des records.

« Je ne juge pas les gens sur leur compte en banque, je les juge sur leur personne », a rétorqué l’intéressé sur la BBC.

Parmi les cinq candidats toujours en lice figurent trois femmes, une prétendante noire et une personne d’origine indienne. Cette diversité historique, dans un pays qui n’a jamais connu de chef de gouvernement non blanc, est un non-sujet dans la campagne, épargnée pour l’instant par les polémiques racistes ou sexistes.

Trois débats télévisés sont prévus pour dans les prochains jours, le premier vendredi soir.