(Moscou) Un tribunal de Moscou a condamné mardi à 15 jours de détention Ilia Iachine, l’une des dernières figures de l’opposition russe à n’être pas en exil ou en prison, qui craint désormais des poursuites plus sévères.

Depuis le début de l’offensive en Ukraine, le 24 février, les autorités russes mènent une répression féroce contre les rares critiques du conflit, poussant nombre d’entre eux à l’exil, d’autres étant emprisonnés ou poursuivis en justice.  

Visage bien connu de l’opposition à Vladimir Poutine, Ilia Iachine, 38 ans, avait choisi de rester, condamnant publiquement l’intervention en Ukraine. Il a été interpellé lundi soir par trois policiers dans un parc de Moscou où il se promenait avec une amie.

Quelques heures plus tard, mardi, il a été condamné à 15 jours de prison pour « désobéissance à la police » par le tribunal Khamovnitcheski de Moscou, accusation qu’il a jugée montée de toutes pièces.

Dans leur rapport, les policiers ont affirmé qu’il les avait insultés et avait empoigné leurs uniformes lors de l’incident.

« Je ne suis pas assez fou pour provoquer une bagarre avec trois policiers », a rétorqué Ilia Iachine à l’audience, selon une transcription publiée sur son compte Telegram. Il a précisé qu’aucune image de l’interpellation, notamment celles des caméras-piéton des policiers, n’avait été diffusée au procès.

« Les vraies raisons de mon arrestation sont politiques, évidemment. Je suis un opposant, un député (municipal) indépendant, un critique du président Poutine et un adversaire de la guerre en Ukraine », a poursuivi Ilia Iachine.

Engrenage judiciaire

Lors de l’audience, il a également évoqué la possibilité d’être désormais pris dans un engrenage qui pourrait aboutir à une longue peine de prison.  

« J’estime que mon arrestation est le prologue d’une future affaire pénale », a-t-il affirmé, rappelant que la procédure le visant rassemblait vivement à celle lancée contre son « camarade » Vladimir Kara-Mourza, lui aussi un des derniers opposants restés en Russie.

Mi-avril, Vladimir Kara-Mourza a été interpellé à Moscou et condamné à 15 jours de prison pour « désobéissance à la police ». Il a ensuite été poursuivi pour « diffusion de fausses informations » sur l’armée russe, une nouvelle infraction passible de 15 ans de détention. Il est derrière les barreaux et attend son procès.

M. Iachine milite activement dans l’opposition libérale en Russie depuis les années 2000 et avait pris part au grand mouvement de mobilisation contre Vladimir Poutine de 2011-2012.  

C’est un allié du militant anticorruption Alexeï Navalny, opposant numéro un à Vladimir Poutine, qui purge aujourd’hui une peine de neuf ans de prison dans une colonie à régime sévère au nord de Moscou.

Ilia Iachine était également un ami proche de Boris Nemtsov, opposant et ancien vice-premier ministre assassiné en 2015 près de Kremlin. Ensemble, ils avaient milité, dès 2014, contre l’annexion de la Crimée par Moscou et dénoncé le conflit dans l’Est de l’Ukraine.  

Depuis 2017, Ilia Iachine est député municipal dans un district de Moscou et a participé à toutes les grandes vagues de manifestations de l’opposition.

Mardi, au tribunal, il a résumé devant la cour ses revendications : « 1. L’affaire contre moi est fabriquée, je suis innocent. 2. La guerre en Ukraine doit être arrêtée immédiatement. 3. Poutine doit partir. 4. La Russie doit être libre. »

La répression de tous les mouvements anti-Kremlin, des organisations de défense des droits humains et des médias indépendants en Russie s’est encore accrue depuis l’attaque contre l’Ukraine le 24 février.

Les autorités russes se sont notamment dotées d’un arsenal juridique pour permettre d’infliger des peines allant jusqu’à 15 ans de prison à ceux qui dénoncent l’offensive contre l’Ukraine.