(Moscou) Un tribunal de Moscou a entamé mardi le procès d’un élu municipal accusé de « diffusion d’informations mensongères » pour avoir critiqué l’offensive en Ukraine, de graves accusations qui pourraient l’envoyer 10 ans en prison.

L’élu, Alexeï Gorinov, en détention provisoire, est apparu à l’audience avec une feuille sur laquelle était écrit « Non à la guerre », a constaté un journaliste de l’AFP.

Plusieurs dizaines de personnes étaient présentes pour le soutenir au tribunal Mechtchanski de Moscou, où il est jugé, et l’ont applaudi à la fin de l’audience.

M. Gorinov, âgé de 60 ans, a été arrêté le 26 avril par la police à Moscou. Son procès avait débuté le 1er juin, mais avait été immédiatement ajourné.

Il est poursuivi pour « diffusion d’informations mensongères » sur l’armée russe, une infraction introduite début mars afin de faire taire les critiques de l’offensive en Ukraine.

Dans son cas, Alexeï Gorinov est accusé d’avoir agi « en groupe » avec « des motifs haineux » et « en usant de sa  position officielle » avec une autre députée municipale, Elena Kotenotchkina, qui a fui la Russie.  Il risque 10 ans d’emprisonnement.

Juriste de formation, Alexeï Gorinov avait dénoncé le 15 mars l’ » agression « de Moscou contre l’Ukraine, pendant une réunion de travail filmée.

Lors de cette prise de parole, diffusée sur YouTube, il avait remis en cause, vu le contexte, l’organisation dans sa circonscription d’évènements de divertissement, notamment d’un concours de dessins pour enfants.

« Des enfants deviennent des orphelins et les petits-enfants et arrière petits-enfants des participants à la Seconde Guerre mondiale sont jetés dans l’enfer des combats en Ukraine », avait-il déclaré, évoquant la mort chaque jour d’enfants ukrainiens.

« Tous les efforts de la société civile doivent servir à mettre fin à la guerre et à entraîner le retrait des forces russes du territoire ukrainien », avait-il poursuivi.

« Tout ce que j’ai dit […], c’est mon opinion et ma conviction personnelles », a insisté mardi Alexeï Gorinov au début de son procès : « Si quelque chose ne me semble pas juste, je le dis, c’est tout » .  

Il a aussi dit s’opposer au qualificatif de « haine politique » dont il est accusé. Il est apparu en forme, en chemise bleue, faisant des plaisanteries sur sa vie en prison.

Mardi, les témoins de l’accusation ont été entendus à huis clos à la demande du Parquet, affirmant que ces derniers avaient subi des « pressions psychologiques » de l’entourage de l’accusé.  Le procès doit reprendre le 7 juillet.

Son avocate, Ekaterina Tertoukhina, a dénoncé une enquête « très rapide » et un manque de preuves. « Je n’ai rien vu prouvant une culpabilité », a-t-elle déclaré à la presse après l’audience.

L’ONG Amnistie internationale a appelé à sa libération immédiate, dénonçant « un procès à haute visibilité » visant à envoyer un « message dissuasif » .

Depuis le 24 février, des dizaines de personnes ayant critiqué publiquement le conflit ont été poursuivies en Russie. La plupart ont été condamnées à des amendes, mais d’autres risquent de lourdes peines de prison.