(Hayange) En Moselle jeudi, Marine Le Pen a marqué sa volonté d’obtenir des députés dimanche au-delà de ses zones de force du nord et du sud de la France.

« En passant par la Lorraine, avec Marine Le Pen » chante à tue-tête un retraité devant la mairie d’Hayange où s’invectivent deux militants, un RN et un Nupes, partis qui se retrouvent en duel au second tour dans la 8e circonscription du département.

Au pied des marches, quelques dizaines de militants attendent la cheffe de file du RN.

Rachel Besnier, 58 ans, adulte handicapée, a 15 ans de carte, et votera RN pour « la sécurité de nos villes » et « un logement ». « Quand l’Ukrainien il vient, il a un logement, une situation, un boulot. Ma fille elle a un salaire, un enfant et elle vit chez moi dans un petit F3. Vous trouvez ça logique ? », demande-t-elle.

Mais Marine Le Pen, qui a déjà peiné à se faire entendre dans la campagne des législatives, dominée par le duel entre l’alliance de gauche Nupes et la majorité sortante Ensemble !, arrive après la fin du marché et rate sa déambulation.

« Il faut envoyer le maximum de députés dimanche », lance-t-elle à la nuée de partisans qui l’entourent.

« Sinon à l’Assemblée nationale, on ne parlera plus des problèmes quotidiens des Français, le problème de l’immigration clandestine » de « l’islamisation » ou de la « défense de la République », prévient la finaliste de la présidentielle.

« Jonction »

La Moselle est une « terre de conquête » pour le RN davantage implanté dans le nord et le sud du pays, explique un des candidats, par ailleurs directeur de la communication du RN, Alexandre Loubet.

Au premier tour des législatives, le RN s’est qualifié dans 206 circonscriptions, au lieu de 120 en 2017, et est arrivé en tête dans 108 d’entre elles.

« Plus un territoire aujourd’hui n’est opaque à la progression de l’enracinement du RN », s’est félicité le président par intérim du mouvement, Jordan Bardella.

Le parti lepéniste rêve notamment d’un « grand chelem » dans les 18 départements où il s’est qualifié dans toutes les circonscriptions, comme l’Aisne, les Ardennes, l’Eure, le Lot-et-Garonne, la Haute-Marne, la Meuse, la Nièvre, le Tarn-et-Garonne ou l’Yonne.

Autant de territoires qui ne sont « pas enfermés » dans « le RN du nord ou le RN du sud », souligne M. Bardella.

Le RN commence ainsi « à faire sa jonction entre son succès national et les territoires », avance le politologue Olivier Rouquan. « Désormais dans l’arc reliant le littoral méditerranéen, l’Est intérieur et le Nord, il y a un électorat figé qui vote systématiquement pour le RN. Ça crée un enracinement ».

« Changement radical »

Actuellement, sur les six députés sortants RN, quatre viennent des Hauts-de-France (Marine Le Pen, Sébastien Chenu, Bruno Bilde et Ludovic Pajot) et deux de l’Occitanie (Catherine Pujol, suppléante de Louis Aliot, et Nicolas Meizonnet, ex-suppléant de Gilbert Collard).

Mais le RN ne compte plus aucun député en Provence-Alpes-Côte d’Azur — une région qu’il a pourtant manqué de gagner en 2021 — depuis Marion Maréchal, qui fut députée FN du Vaucluse de 2012 à 2017.

En quête d’élus, Jordan Bardella y fait campagne pour le second tour : dans le Gard et le Vaucluse mercredi, avant les Bouches-du-Rhône et les Alpes-Maritimes jeudi.

« Fâchés pas fachos, c’est une belle phrase de Mélenchon », admet Marie Mologniello, enseignante, après un égoportrait avec Marine Le Pen, mais elle préfère le RN car elle veut « un changement radical ».

En Moselle, le RN s’est qualifié dans 7 circonscriptions sur 9, et est en tête dans 5 d’entre elles.

Trois cadres du RN, issus du « noyau dur » de la campagne présidentielle, y briguent un siège : le porte-parole Laurent Jacobelli, dans la 8e, Alexandre Loubet, dans la 7e, et le trésorier Kevin Pfeffer, dans la 6e, qui ont réuni respectivement 35,18 %, 33,80 % et 30,58 % des voix au premier tour.

Marine Le Pen a souhaité lors d’une conférence de presse qu’ils puissent « profiter de l’élan » de la présidentielle.

En cas de duels Nupes-Ensemble !, elle a invité de nouveau ses électeurs à aller « à la pêche », fustigeant chez Jean-Luc Mélenchon « le gourou du chaos », et jugeant « électoraliste » le déplacement d’Emmanuel Macron en Ukraine, sur fond de « magouilles politiciennes » et de « renvois d’ascenseur ».