Comme dans toute élection, les législatives en France, dont le premier tour a lieu ce dimanche, comptent leur part de candidats atypiques, et cette ancienne pop star en fait partie

C’est l’histoire d’un chanteur romantique devenu complotiste. D’une pop star à l’étoile pâlissante. D’un Roch Voisine qui aurait tourné au vinaigre.

Il y a 30 ans, Francis Lalanne était un habitué des palmarès français. Ses cheveux longs et ses chansons romantiques faisaient rêver les jeunes filles sages. Sa passion et son émotivité mettaient du piquant dans les émissions de variétés.

Aujourd’hui, l’homme a toujours les cheveux longs. Mais il ne remplit plus les salles et ne fait plus rêver grand monde. Devenu un has been de la musique, il cherche à se recycler dans la politique. Sans grand succès toutefois.

Depuis 15 ans, l’ancien chanteur a participé à une demi-douzaine d’élections, des municipales aux européennes. Ses résultats sont généralement pitoyables. Mais il s’entête. Et c’est pourquoi il se présente de nouveau ce dimanche au premier tour des législatives, comme candidat indépendant en Charente (Sud-Ouest).

Sa pensée politique ? Disons « hors système », pour faire court.

À la fois humaniste et anarchiste, Francis Lalanne est une sorte d’électron libre qui dit « profiter de [sa] notoriété pour servir une cause ». Laquelle ? Ce n’est pas clair.

Il se dit persécuté par la « pensée unique ». Il milite en vrac pour le pouvoir citoyen, la désobéissance civile, la fin de la Cinquième République et la disparition pure et simple d’Emmanuel Macron.

En 2019, il se greffe à la révolution des gilets jaunes, qui se seraient d’ailleurs bien passés de lui (« Il a plus souvent desservi la cause qu’il ne l’a servie », confie Fabrice Grimal, ancien acteur du mouvement).

En 2021, il revient à la charge avec les antivax, aux côtés de l’ancien lieutenant de Marine Le Pen Florian Philippot, et compare le vaccin anti-COVID-19 à un « crime contre l’humanité ».

Photo BERTRAND GUAY, archives Agence France-Presse

Francis Lalanne, lors d’une manifestation contre les mesures sanitaires, en juillet 2021

En mars 2022, dans une entrevue à France Soir, il affirme très sérieusement que la Russie est en train de « libérer » l’Ukraine.

Ses prises de position controversées font évidemment le régal des médias, au travers desquels il continue tant bien que mal à exister. Ses interventions sont bonnes pour les cotes d’écoute. Mais avec lui, tout est toujours susceptible de déraper, car ses convictions n’ont d’égal que son intensité. Francis pète un plomb à la radio. Francis fait un esclandre en direct. Francis assomme un caméraman.

« Il défonce des portes ouvertes »

Ses sorties sont-elles calculées ? Motivées par un déficit de notoriété ? Possible. Mais on sent chez lui une vraie colère, celle du sauveur incompris, du chevalier blanc qui lutte contre les moulins à vent. Ses postures intellectuelles font l’objet de moqueries, tout le monde le voit comme une blague, sauf lui-même, incapable de second degré devant son propre ridicule.

« Le problème, c’est qu’il défonce des portes ouvertes », observe Olivier Ihl, professeur de politique à l’Université de Grenoble.

Et pourtant, on hésite à le juger trop sévèrement. Car sa résilience et son idéalisme tout d’un bloc forcent le respect, à défaut de l’admiration.

C’est du moins le point de vue de Thomas Guénolé. « La France est un pays où on a le sarcasme très facile, lance le politologue. Et ce n’est pas facile pour les gens qui essaient de faire quelque chose qui n’est pas dans la case où on les a mis. C’est la mentalité du chacun à sa place. À mon avis, sa sincérité devrait toucher au lieu d’être sujet de moquerie. »

Ce que je vois surtout, c’est qu’il est très difficile pour quelqu’un qui n’a pas été socialisé au sérail de la politique de faire son entrée dans ce monde fermé.

Olivier Ihl, professeur de politique à l’Université de Grenoble

Francis Lalanne a-t-il des chances de l’emporter ? « Aucune », tranche M. Ihl.

Mais ne tenez pas Lalanne pour mort. On attend déjà son retour sur le cheval d’une autre noble cause. Il reste à voir laquelle.

D’autres candidats atypiques

Laurent Baffie

Le Dany Turcotte français est candidat à Paris pour le Parti animaliste. Sa mascotte : un canard.

Amaury de Bourbon-Parme

Ce descendant direct de Louis XIV est candidat pour le parti d’extrême droite d’Éric Zemmour. Royal, mais pas riche : il aurait fait un appel aux dons pour financer sa campagne.

Patriotix

Ce descendant direct de Vercingétorix… Mais non, ce n’est pas son vrai nom ! Garagiste de profession, Hervé Prat dit combattre les « politichiens » au nom des valeurs de la Gaule.

Rachel Keke

Cette ancienne femme de chambre s’est fait connaître pour sa lutte pour les droits des travailleurs dans un hôtel parisien.

Jonathan Hareng

Ça ne s’invente pas : il se présente pour le Parti animaliste.

Germain Gaiffe

Il a purgé 24 ans de prison pour le meurtre d’un homme d’affaires en 1997. La presse l’avait alors surnommé le « dépeceur de Montauban » à cause de sa technique pour faire disparaître le corps. N’ayant jamais été condamné à une peine d’inéligibilité, il peut techniquement se porter candidat.

En savoir plus
  • 6293
    Nombre de candidats se présentant aux élections législatives dans les 577 circonscriptions
    18 ans
    Âge du plus jeune candidat se présentant aux élections législatives. La doyenne est âgée de 82 ans.