(Orikhiv) Le bruit des bombardements gronde dans plusieurs directions et de la fumée noire s’élève depuis l’horizon, mais Janna Protsenko continue de pédaler sur son vélo, pour rejoindre ceux qui n’ont pas pu fuir les combats entre armées ukrainienne et russe.

Travailleuse sociale, Janna a décidé de continuer ce qu’elle fait malgré les combats qui se rapprochent, désireuse d’aider ses concitoyens parmi les plus fragiles, qu’elle va voir chez eux.

« Comment pourrais-je les laisser ? », justifie cette femme de 56 ans, se tenant près d’un hôpital frappé par un obus la semaine dernière.

« Nous travaillons, nous n’avons pas le temps de nous cacher », lance-t-elle, alors que des ouvriers tentent de réparer les fenêtres soufflées et le trou béant visible dans la façade en briques.

Janna travaille dans la ville d’Orikhiv, dans le sud-est de l’Ukraine, toujours aux mains des forces de Kyiv, mais dangereusement proche de la ligne de front.

Au moins trois personnes y ont été tuées dans des frappes au cours des dix derniers jours, selon les autorités. Les combats dans cette région sont avant tout des duels d’artillerie, de missiles ou d’autres projectiles tirés à des kilomètres et tuant sans distinction.

Des maisons dévastées par les obus se tiennent ainsi à côté d’autres édifices intacts, dans une ville entourée de champs, où un incendie débuté par une explosion brûle depuis des jours. Le feu a touché plusieurs longs bâtiments en brique contenant des tonnes de graines de tournesol récoltées récemment.

« Je ne survivrai pas »

Avec la fumée noire de l’incendie au-dessus d’elle, Janna Protsenko continue de pédaler jusqu’à une petite maison, devant laquelle pousse une rangée de tulipes.

La propriétaire des lieux, Nina Provontsova, 65 ans, se déplace lentement avec ses deux béquilles en bois pour s’affaler sur un banc juste à l’extérieur.

« Je ne survivrai pas sans aide. J’ai besoin d’aide chaque jour », explique-t-elle, énumérant une liste de problèmes médicaux aux jambes et ailleurs.

« Parfois, je l’appelle quand j’ai besoin de quelque chose, de me laver les jambes. Je ne peux pas le faire toute seule. Je ne peux pas me baisser », poursuit Nina.

Janna note une liste de produits que Nina Provontsova lui dicte pour achat, et elle ira également chercher sa pension de retraite.  

Bien que cette femme ait deux filles, elles sont à Kyiv et luttent pour trouver du travail et s’occuper d’elles-mêmes alors que la guerre a perturbé tous les aspects de la vie quotidienne.  

La guerre, d’ailleurs, n’est jamais loin, et donne l’impression de se rapprocher de plus en plus.

La maison d’en face, à quinze mètres à peine, a été touchée par une frappe et semble abandonnée.

« C’est un obus après l’autre. Lorsqu’il a frappé les voisins, je suis presque tombée du lit à cause de l’impact », témoigne Nina Provontsova.

Si elle est évacuée, ce qu’elle sera peut-être forcée de faire, elle devra laisser derrière elle tout l’équipement spécial qui l’aide à se déplacer dans sa salle de bain et dans son lit.

« Je ne veux aller nulle part », assure-t-elle.

Janna Protsenko, après avoir écouté les mains croisées, ajoute : « Vous demandiez pourquoi je ne pars pas ? Voilà pourquoi ».