(Paris) À quatre jours du second tour, les deux candidats à l’élection présidentielle en France se sont affrontés mercredi soir dans un débat d’idées assez vif, marqué par des échanges parfois virulents, mais courtois dans l’ensemble.

C’était la seconde fois en cinq ans que les deux candidats s’affrontaient dans cet exercice télévisé, considéré comme un temps fort de la campagne présidentielle en France. Mais contrairement à 2017, alors que Macron l’avait nettement emporté sur une rivale agressive et visiblement mal préparée, la cheffe du Rassemblement national a fait moins mauvaise figure.

Résolument calme, Marine Le Pen a fait preuve d’une meilleure maîtrise des dossiers, même si on la sentait moins à la hauteur et plus approximative que son adversaire sur certains sujets.

Emmanuel Macron s’est montré de son côté plus agile intellectuellement, mais parfois désinvolte dans sa posture physique et à la limite de la condescendance dans ses répliques, une attitude qui pourrait renforcer son image de président arrogant.

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Emmanuel Macron, président sortant de la République française

Il est clair, toutefois, que deux visions de la France s’opposaient à l’écran.

D’un côté, la candidate du souverainisme, de la sécurité, des frontières, du « quotidien » et de la France « malheureuse ». De l’autre, le candidat de l’Union européenne, de la mondialisation, de l’écologie, de la France qui réussit.

Attaques mutuelles

Après avoir échangé une rapide poignée de main et un bref sourire à leur arrivée sur le plateau, le président centriste et la candidate d’extrême droite ont rapidement lancé les premières hostilités, Mme Le Pen attaquant le bilan d’Emmanuel Macron, qu’elle juge mauvais, ce dernier accusant sa rivale de proposer un programme qui n’a « ni queue ni tête ». Des critiques qui donneront le ton à un débat de près de trois heures.

Le président sortant a mis son adversaire sur la défensive à plusieurs reprises, l’accusant tôt dans la soirée de « dépendre du pouvoir russe » et « de monsieur Poutine », allusion à un prêt de 9 millions d’euros contracté en 2017 par le parti d’extrême droite de Mme Le Pen auprès d’une banque russe.

« C’est faux et c’est assez malhonnête », a rétorqué sa rivale, en affirmant qu’aucune banque française ne lui avait accordé de prêt à l’époque et qu’elle n’avait « d’autre dépendance que de rembourser son prêt ».

« Je suis une femme absolument et totalement libre », a-t-elle martelé.

Europe, retraites, pouvoir d’achat, environnement, climat, sécurité, voile : d’autres sujets ont défilé, les accusations aussi.

Emmanuel Macron a reproché à Marine Le Pen de ne pas être claire sur ses visées eurosceptiques. « Votre projet consiste à sortir de l’UE. Vous mentez sur la marchandise », a-t-il dit.

Sur le pouvoir d’achat, préoccupation numéro un des Français selon les sondages, les deux candidats se sont accrochés sur leurs propositions respectives d’incitations à augmenter les salaires et primes.

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Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national

Ils se sont aussi opposés sur les méthodes pour protéger le pouvoir d’achat, notamment sur l’énergie, Emmanuel Macron défendant le « bouclier tarifaire » (plafonnement) déjà mis en place et son projet de « chèque alimentaire », Marine Le Pen prônant une baisse de TVA.

Autres divergences

Les deux adversaires ont par ailleurs étalé leurs divergences sur l’écologie, Mme Le Pen accusant M. Macron d’être « climatohypocrite », tandis qu’elle était traitée de « climatosceptique ».

Au cours d’un échange plus musclé, Marine Le Pen a ironisé sur le fait que son adversaire voulait mettre des éoliennes en mer « partout, sur toutes les côtes, sauf en face du Touquet », la station balnéaire du Pas-de-Calais où le couple Macron possède une résidence secondaire. « Madame Le Pen… Vous rigolez ? », a réagi Emmanuel Macron d’un air outragé.

Sur la sécurité, Mme Le Pen a parlé d’« une vraie barbarie », notamment en raison de « l’immigration anarchique et massive », ce à quoi Emmanuel Macron a répliqué que les Français ne voulaient pas « des postures ».

Le ton est monté lors d’un échange sur le voile, que Mme Le Pen souhaite « interdire dans l’espace public ». Ce serait « une trahison de l’esprit français et de ce qu’est la République », a répliqué M. Macron.

Les échanges ont été pugnaces, denses, mais on n’aura rien appris de neuf au final sur le programme de l’un et l’autre. Les sondages diront jeudi si le débat fera bouger les intentions de vote, notamment dans l’électorat de gauche, qui hésite encore entre Macron et le vote blanc.

Mais il est probable que la plupart des électeurs ont déjà fait leur choix, que cet exercice n’aura fait que confirmer.

La suite dimanche, dans les bureaux de scrutin.

En savoir plus
  • 56,5 %
    Intentions de vote pour Emmanuel Macron au second tour
    source : Sondage Ipsos/France info
    43,5 %
    Intentions de vote pour Marine Le Pen
    source : Sondage Ipsos/France info