(Francfort) Olaf Scholz a fait savoir mercredi ne pas envisager à ce stade d’aller à Kyiv comme le lui demande le président Volodymyr Zelensky, jugeant au passage « irritante » la décision de ce dernier de ne pas recevoir le chef de l’État allemand.

À la question posée par la radio publique RBB de savoir s’il se rendrait sur place, le chancelier s’est contenté de réitérer qu’il était en contact régulier avec le chef de l’État ukrainien et qu’il était par ailleurs allé à Kyiv peu avant le déclenchement de l’invasion russe le 24 février, suggérant qu’une visite n’était pas à l’ordre du jour.  

« Il n’y a pas presque aucun autre chef d’État ou de gouvernement qui a des contacts aussi intensifs avec moi », a insisté le chef de l’exécutif allemand.

Plus tôt, un conseiller du président Zelensky Oleksiï Arestovitch avait déclaré à la chaîne publique ZDF que les responsables ukrainiens attendaient toujours « le chancelier pour qu’il puisse prendre immédiatement des décisions pratiques, y compris la livraison d’armes », a déclaré sur la chaine publique allemande ZDF.  

M. Zelensky a récemment reçu la présidente de la Commission européenne ou encore le premier ministre britannique.

Mais cette invitation pressante intervient sur fond de crispations entre l’Allemagne et l’Ukraine, après le refus mardi du président Zelensky de recevoir le président allemand Frank-Walter Steinmeier qui souhaitait se rendre à Kyiv avec des délégations de Pologne et des pays baltes.  

Un « affront inutile » selon der Spiegel, qui est mal passé en Allemagne. M. Scholz a jugé la décision « pour le moins irritante ». « Il aurait été bon de le recevoir », a-t-il estimé sur les ondes de RBB.

Le chef d’État allemand, dont le rôle est largement protocolaire, est critiqué pour sa diplomatie de rapprochement avec la Russie lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères d’Angela Merkel. Il a toutefois récemment fait son mea culpa, reconnaissant avoir commis des « erreurs » à l’époque.

« Entraînés dans la guerre »

L’Ukraine juge l’Allemagne globalement trop timorée dans son soutien. Le conseiller a cependant noté les progrès de Berlin qui avait « commencé par le refus » pour en arriver à « la discussion de la fourniture d’armes lourdes. »

Le pays livre déjà des armes défensives à l’Ukraine, mais Olaf Scholz est depuis plusieurs jours sous pression, au sein même de sa majorité, pour donner son feu vert à l’envoi de matériel offensif, notamment des blindés.

Les ministres des Affaires étrangères et de l’Économie, poids lourds écologistes du gouvernement, ont appelé le chancelier à trancher en faveur de ces livraisons, tandis que la ministre sociale-démocrate de la Défense répète à l’envi que les réserves de la Bundeswehr sont épuisées.

« Il n’y en a qu’un qui doit montrer le chemin : c’est le chancelier Olaf Scholz », a déclaré dans un entretien au quotidien Die Welt Marie-Agnes Strack-Zimmermann, cheffe de la commission défense au Bundestag et membre des Libéraux, alliés de M. Scholz au gouvernement.  

Mais la livraison de matériel militaire lourd se heurte toujours à des résistances au sein du SPD. Le député Joe Weingarten a pointé le danger de se laisser « progressivement entraîner dans la guerre ».  

D’autres estiment qu’une telle décision pourrait être prise seulement en cas de nouvelle escalade russe, notamment l’emploi éventuel d’armes chimiques.  

L’Ukraine voit les choses autrement. Le temps presse, car « pour chaque minute où un char ne vient pas, ce sont nos enfants qui meurent, qu’on viole, qu’on tue », a assené M. Arestovitch.

Les autorités allemandes « ont vu les images terribles » du conflit, qui rappellent selon lui la destruction de Berlin en 1945 : ce que fait l’armée russe en Ukraine « n’est pas différent ».