(Kiten) La piscine est emplie de feuilles mortes, l’air est glacial, mais dans ce club de vacances avec vue sur la mer Noire, les enfants arrivés d’Ukraine avec leurs mères ont vite retrouvé leurs repères grâce à un gérant très engagé.  

Beaucoup venaient l’été dans la petite station bulgare balnéaire de Kiten (est), destination prisée des touristes ukrainiens. Alors quand la guerre a éclaté le 24 février, le choix était évident.

« C’était le seul endroit à l’étranger que nous savions prêt à nous accueillir, nous héberger et nous aider », explique Yuliya Moltchanova, productrice de musique de 43 ans originaire de Kharkiv (nord). Comme « une deuxième maison ».

Pour sa fille de 12 ans, Nastya, déjà venue à cinq reprises, ces lieux familiers ont apporté un peu de réconfort après cinq jours cachés sous terre pour échapper aux bombardements russes.    

PHOTO NIKOLAY DOYCHINOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Yuliya Molchanova, et sa fille Nastia ont trouvé refuge à la petite station balnéaire de Kiten, en Bulgarie.

« Nous n’avons rien pu emporter. Maintenant, nous avons tout », sourit Mme Moltchanova, emmitouflée dans un pull rose qu’on lui a donné. Dans un poème qu’elle tient absolument à partager, elle remercie l’hospitalité bulgare, « ses cieux paisibles, le pain et l’eau » offerts.

Un petit bout d’Ukraine

Dix ans que le propriétaire de l’hôtel, Kostadin Milev, tisse des liens avec ces familles ukrainiennes. Dans la cour, des bancs sont aux couleurs jaune et bleu, sur le sol s’affiche le slogan « Slava Ukraïni » (« Gloire à l’Ukraine ») dessiné à la craie.

Avec l’aide de son voyagiste habituel, il a mis en place un système de bus qui fait l’aller-retour quotidien pour aller chercher en Ukraine, enfants, mères, grand-mères ou tantes.

Au total, 400 personnes ont jusqu’à présent été accueillies dans cet hôtel de Kiten, dans la région touristique de Bourgas, où de nombreux autres lieux servent aussi de refuge.

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L’hôtel d’ordinaire fermé en hiver finance pour l’instant cet accueil hors saison sur ses propres deniers et grâce à des dons de denrées alimentaires et de vêtements.

En vacances ou pour un emploi saisonnier, près de 470 000 Ukrainiens ont visité la Bulgarie en 2021, particulièrement nombreux sur le littoral de la mer Noire où ils se classent parmi les premières nationalités.

« C’est dur et triste » de revenir dans de telles conditions, soupire la chorégraphe Oksana Kuchova, qui a accompagné des enfants dans cet hôtel à plusieurs reprises lors de lumineux séjours estivaux, quand tout allait bien.

Désormais elle se retrouve là avec son garçon de 7 ans et sa fille de deux ans, occupée à jouer avec une poussette colorée. Au début, celle-ci refusait de quitter sa chambre et se recroquevillait à chaque bruit d’avion.

« En sécurité »

« Notre maison a été bombardée et malheureusement, nous n’avons aucun endroit où aller après, nous sommes dans l’inconnu », confie Oksana.

Mais pour l’heure, « Dieu merci, nous sommes en sécurité », ajoute-t-elle, saluant « la solidarité » qui soude ces Ukrainiennes en détresse.

« Que les gamins n’entendent plus les sirènes et oublient la guerre, c’est le plus important », abonde Galina Yaloza, 65 ans, qui a fui avec ses quatre petits-enfants, dont deux bébés.

Outre leur propre progéniture, d’autres ont pris sous leur aile des enfants de proches.

Pendant que les plus grands assistent à des cours en ligne, des têtes blondes se défoulent dans une salle de jeu improvisée, d’autres écoutent sagement des contes lus à haute voix.

L’hôtel d’ordinaire fermé en hiver finance pour l’instant cet accueil hors saison sur ses propres deniers et grâce à des dons de denrées alimentaires et de vêtements, mais son jeune gérant compte sur des aides futures de l’État pour pouvoir s’en sortir.

Car il se prépare à héberger un millier de réfugiés dans les différents bâtiments de son complexe, et l’arrivée de la facture d’électricité risque d’être « brutale », s’inquiète M. Milev.  

Depuis le début de l’offensive russe, plus de 94 500 citoyens ukrainiens sont entrés en Bulgarie via la Roumanie voisine, dont 50 000 sont encore sur place.

Or le gouvernement a tardé à mettre en place des centres d’accueil et la plupart ont dû se tourner vers des initiatives privées.

Sur un des bureaux de l’hôtel, la paperasse s’entasse – sans espoir de retour rapide dans leur pays, les résidents actuels veulent tous déposer une demande d’asile pour pouvoir travailler et envoyer leurs enfants à l’école, le plus vite possible.