Alors que tous les yeux sont tournés depuis plusieurs jours sur une colonne de véhicules militaires russes de 60 km embourbés sur une route au nord de Kyiv, une autre colonne s’est formée au nord-est de la capitale ukrainienne, a averti le Pentagone mardi après-midi.

« Je voulais attirer votre attention sur le fait qu’ils [les Russes] commencent à tenter d’avancer vers Kyiv depuis le nord-est », a dit un haut responsable du ministère de la Défense des États-Unis à des journalistes. « Nous estimons qu’ils sont à environ 60 km de la ville. »

Ce porte-parole n’a toutefois pas donné de précisions sur les axes de mouvement du convoi ni sur le nombre de véhicules en faisant partie.

Le 28 février, quatre jours après le début de l’invasion russe, le déploiement d’une colonne de véhicules russes faisant 64 kilomètres de long entre les abords de l’aéroport d’Hostomel et la ville de Prybirsk, plus au nord, faisait peser une menace sérieuse sur la capitale ukrainienne.


IMAGE ARCHIVES MAXAR TECHNOLOGIES

Convoi de véhicules militaires russes en Ukraine, le 28 février dernier

Or, la défense ukrainienne en a freiné l’élan grâce à des actes de sabotage, dont la démolition de ponts. Cela, couplé à des problèmes d’approvisionnement, notamment en essence, des véhicules russes et à une géographie hostile, a freiné, du moins temporairement, la progression des Russes.

« La formation de cette colonne est une erreur logistique et stratégique », croit Benjamin Zyla, professeur adjoint à l’École de développement international et mondialisation de l’Université d’Ottawa. « La longueur du convoi le rendait vulnérable à des attaques ukrainiennes, notamment par des drones. »

Un seul côté de la médaille

De nombreuses vidéos, mises en ligne sur les réseaux sociaux, montrent effectivement nombre de véhicules – tanks, lance-missiles, camions – détruits, abandonnés, incendiés ou renversés sur les routes.

PHOTO IRINA RYBAKOVA, VIA REUTERS

Véhicule militaire russe détruit, dans la région de Sumy, en Ukraine

L’effet est impressionnant. Mais il faut considérer le fait que ces images ne montrent qu’un seul côté de la médaille, avertit Justin Massie, professeur de science politique à l’UQAM et codirecteur du Réseau d’analyse stratégique, organisme d’experts et de chercheurs en matière de défis stratégiques et de défense.

Il est vrai, dit-il, que les Ukrainiens ont embourbé la colonne de véhicules russes, notamment en dynamitant des ponts.

« Mais les Ukrainiens utilisent énormément les médias et pas les Russes, ajoute-t-il. Les Russes, eux, n’ont pas le droit d’avoir en leur possession leurs téléphones cellulaires, qui peuvent être géolocalisés par les renseignements américains. »

Alors, notre perspective de la guerre, comme Occidentaux, est pro-ukrainienne de par l’information reçue.

Justin Massie, professeur de science politique à l’UQAM

Du nord-ouest vers l’ouest

Or, l’armée russe se regroupe visiblement ailleurs, loin des regards.

« Il y a un encerclement de plus en plus grand de Kyiv depuis l’est et l’ouest par les forces russes, croit Justin Massie. Il est possible qu’une partie du convoi [de 64 km] fasse partie de cette tentative de se déplacer du nord-ouest vers l’ouest pour éventuellement encercler l’objectif. »

Sean Maloney, professeur d’histoire au Collège militaire royal du Canada, à Kingston, voit les choses du même œil.

« Les médias ont longuement gardé les yeux sur ce convoi parce qu’ils pouvaient le voir et ils en ont fait grand cas, dit-il. Il est vrai que les Ukrainiens avaient tout un plan pour ralentir l’ennemi. Mais je pense que la situation se résorbe depuis 24 à 48 heures. »

On voit maintenant les Russes se diriger vers l’ouest. Les choses se développent ailleurs.

Sean Maloney, professeur d’histoire au Collège militaire royal du Canada

À Irpine, sur le flanc ouest de Kyiv justement, les combats se poursuivaient mardi, selon le site L’Internaute.

« Près de la capitale ukrainienne, Kyiv, les forces russes sont toujours rassemblées, et l’assaut serait imminent selon l’état-major ukrainien », lisait-on dans le résumé du 13e jour (8 mars) des combats. « De lourdes frappes ont touché les faubourgs ouest de Kyiv, à Irpine, le week-end dernier. »

Le haut gradé américain qui, mardi, a informé les médias de la création d’une nouvelle colonne russe a estimé que l’embourbement des véhicules russes au sol s’était traduit par une accentuation des attaques aériennes. « Ils ont augmenté les bombardements de la ville par un mélange de missiles, de roquettes, de tirs d’artillerie et de frappes aériennes », a-t-il déclaré.

Avec l’Agence France-Presse et L’Internaute