(Arles) L’Union européenne s’est montrée plutôt optimiste vendredi quant à l’adhésion à terme de l’Ukraine, mais les 27 États membres ne dégagent pour l’instant de consensus ni sur l’échéance, ni sur la méthode d’un processus par essence complexe.

« Nous voulons l’Ukraine à l’intérieur [de l’Union européenne] aussi vite que possible », a déclaré vendredi Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne, dans le sud de la France, à Arles, où se rencontraient depuis jeudi les ministres des Affaires européennes des 27.

Il est « important de rassurer [les Ukrainiens] : nous les voyons dans le futur à l’intérieur de l’UE, à la table européenne », a-t-il ajouté. Mais avant cela, il faut se concentrer sur « le plus important : aider l’Ukraine dans son combat contre l’ennemi et leur offrir toute l’assistance possible ».

Mardi, le chef de l’État ukrainien réclamait dans une séquence dramatique l’intégration « sans délai » de son pays à l’UE. En t-shirt kaki, dans une pièce sombre, un drapeau ukrainien dans le dos.

« Nous nous battons pour devenir un membre à part entière de l’Europe. J’estime, qu’aujourd’hui, nous montrons au monde entier que nous sommes méritants », expliquait Volodymyr Zelensky. « Donc, prouvez que vous êtes avec nous, prouvez-vous que vous ne nous abandonnez pas et que vous êtes vraiment des Européens ».

« Nous prendrons nos responsabilités », lui avait répondu le président du Conseil européen Charles Michel.

Mais aucune procédure d’intégration accélérée n’existe pas en tant que telle. Être admis au sein de l’UE nécessite de rapprocher la législation du pays candidat du droit européen, un processus long, en plus de discussions sur une multitude d’autres sujets.

« Plusieurs années »

Dix années de négociations ont été nécessaires à la Roumanie et onze à la Bulgarie à partir du dépôt de leur candidature en 1995 pour entrer dans l’Union. L’Albanie, qui s’est déclarée en 2009 ou la Turquie, candidate depuis 1987, n’ont toujours pas franchi l’obstacle.

L’Ukraine, en guerre depuis l’invasion russe, est en outre incapable de respecter des critères fondamentaux pour l’UE comme la stabilité politique et une économie de marché viable.

L’intégration de l’Ukraine relève « d’un signal, d’une perspective qui de toute façon prendra plusieurs années », a estimé le secrétaire d’État français aux Affaires européennes Clément Beaune.

« Nous ne sommes pas encore au bout de cette discussion. Tout le monde [les ministres présents à Arles] a dit qu’il fallait envisager différentes options. Il y a des nuances dans les sensibilités, les expressions ».

Or, les adhésions ne sont décidées qu’à l’unanimité. Et depuis le discours du président Zelensky, la Géorgie, victime d’une intervention armée russe en 2008, a elle aussi déposé jeudi sa candidature, rejointe quelques heures plus tard par la Moldavie.

« Pas à l’ordre du jour »

Bucarest « sera une voix forte et claire » en faveur de l’intégration de l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie « aussi vite que possible », a déclaré Daniela Gitman, une adjointe au ministre des Affaires étrangères roumain.

« Nous devons donner de l’espoir aux [Ukrainiens], afin qu’ils sachent pourquoi ils se battent », a affirmé pour sa part Gasper Dovzan, secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères slovène.

Huit pays – République tchèque, Lettonie, Lituanie, Estonie, Bulgarie, Pologne, Slovaquie et Slovénie – ont ainsi appelé, dans une lettre ouverte, à ouvrir les discussions sur une adhésion de l’Ukraine. Ils sont soutenus par quatre autres États dont la Croatie, la Suède et la Hongrie, a expliqué une source diplomatique à l’AFP.

Mais un tiers des États-membres, dont la Belgique, les Pays-Bas, l’Italie ou l’Espagne, sont selon elle plus « réservés », craignant notamment qu’un trop grand agrandissement de l’UE lui fasse perdre son efficacité.

Cette candidature « n’est aujourd’hui pas à l’ordre du jour », a ainsi balayé Vincenzo Amendola, le sous-secrétaire italien aux Affaires européennes. Ce qui l’est, c’est « défendre le peuple ukrainien de l’agression russe », a-t-il poursuivi.

« On ne peut pas accepter d’adhésion quand on est en guerre. Si dans 15 jours on a un général russe à Kyiv, que fait-on ? », s’interroge la source diplomatique. Mais plusieurs autres options existent, notamment un « accord de partenariat renforcé », alors que l’Ukraine a conclu un accord d’association avec l’UE en 2014, poursuit-elle.

Des questions qui seront abordées à un sommet des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union qui se tiendra le 10 et le 11 mars à Versailles, près de Paris.