(Nations unies) Initialement envisagée mardi, la mise au vote au Conseil de sécurité de l’ONU d’un projet de résolution franco-mexicain sur l’aide humanitaire en Ukraine envahie par la Russie s’est heurtée cette semaine à des complications, venues paradoxalement des États-Unis et d’alliés européens de Paris.

Selon des diplomates, un scrutin n’est plus imminent et pourrait même n’intervenir que la semaine prochaine.

La question de « couloirs humanitaires », soulevée jeudi par les négociateurs russes et ukrainiens, pourrait modifier la réflexion du Conseil de sécurité (quant à leur mise en place et leur éventuelle protection), même s’il est probable que la Russie mettra son veto à toute implication de l’ONU pouvant gêner ses plans. Les Nations unies sont absentes des pourparlers russo-ukrainiens.

Le projet franco-mexicain pour le Conseil de sécurité, visant à « garantir un accès humanitaire sans entrave », avait été annoncé dimanche par la présidence française. Il avait été suivi d’une réunion d’urgence lundi à l’initiative d’Emmanuel Macron.

Cette « précipitation », ainsi qualifiée par un diplomate demandant l’anonymat, n’a pas été du goût des États-Unis, ont confié plusieurs sources à l’AFP. Un projet américain de résolution condamnant l’invasion russe, co-rédigé avec l’Albanie, s’était heurté le 25 février à un veto de la Russie.

Washington, soutenu par Londres, a trouvé que le « timing » n’était pas bon et voulait attendre le vote d’une résolution – exigeant l’arrêt de l’offensive russe – à l’Assemblée générale de l’ONU. Intervenu mercredi, celui-ci s’est traduit par 141 votes pour et 5 contre.

Plus grave, de vives critiques ont été portées par des membres du Conseil de sécurité à l’égard du projet franco-mexicain jugé « faible » et ne comportant, semble-t-il, pas de dénonciation de la Russie. Après plusieurs révisions, le texte a été « durci », selon des diplomates, refusant tout détail.

« Nous travaillons activement avec d’autres membres du Conseil pour nous assurer que nous pouvons tous soutenir une résolution ferme qui exige des mesures pour faire face à l’importante crise humanitaire déclenchée par l’agression non provoquée et injustifiée de la Russie en Ukraine », a indiqué à l’AFP une porte-parole de la mission américaine à l’ONU.

« Urgence »

A la question de savoir si un vote était reporté à la semaine prochaine, la mission diplomatique du Mexique à l’ONU a affirmé continuer à travailler sur un projet commun avec la France, les deux pays évaluant « l’évolution rapide de la situation sur le terrain ».

« Il y a urgence à obtenir une cessation immédiate des hostilités et à respecter le droit international humanitaire, pour protéger les populations civiles, permettre l’accès humanitaire », a renchéri la mission diplomatique française, sans aucune indication sur un calendrier.

Modéré ou fort, le projet risque dans tous les cas un nouveau veto russe.

Pour certains membres du Conseil, même avec un veto, une mise au vote permettrait d’insister à nouveau sur l’isolement de Moscou. Le texte pourrait recueillir davantage que les 11 votes favorables sur 15, obtenus le 25 février, veut croire un diplomate.

« Il ne faut cependant pas non plus s’obstiner en chassant un vote favorable de l’Inde jusqu’à la fin des temps », ajoute-t-il. Depuis une semaine, New Delhi, sous forte pression des États-Unis, a choisi l’abstention à chaque vote organisé à l’ONU.

À l’origine, la France avait indiqué espérer un vote dès mardi.

Depuis une semaine, la crise humanitaire s’est considérablement aggravée avec, selon l’ONU, la prévision d’avoir dans les semaines à venir plus de 10 millions de personnes ayant quitté leur foyer en Ukraine, dont 4 millions de réfugiés qui franchiraient les frontières, en plus du million déjà sorti du pays.

Si des « couloirs humanitaires » sont mis en place pour permettre aux civils de quitter les zones de combat, cette estimation pourrait encore être revue à la hausse.

« Nous avons appris à être patients avec les délibérations du Conseil de sécurité », a commenté jeudi le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, en réponse à une question portant sur l’urgence d’une décision de cette instance sur le volet humanitaire du conflit.