(Kiev) Plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, ont annoncé samedi vouloir livrer des armes et des équipements militaires à l’Ukraine, dont la capitale Kiev est plus que jamais la cible principale des forces de Moscou.

Poursuivant une guerre de l’information, le Kremlin a de son côté accusé l’Ukraine d’avoir refusé une trêve et des négociations vendredi. La Russie s’était en fait dite prête à des négociations à condition que les Ukrainiens déposent les armes, ce que le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans plusieurs vidéos filmées depuis le centre de Kiev, a exclu.

Au troisième jour de l’offensive lancée par le président russe Vladimir Poutine, au moins 198 civils ukrainiens, dont trois enfants, ont été tués et 1115 personnes blessées en Ukraine, selon le ministre ukrainien de la Santé, Viktor Liachko.

« Notre armée contrôle Kiev et les villes clés autour de la capitale », a assuré Volodymyr Zelensky sur les réseaux sociaux, affirmant avoir « cassé le plan » de Moscou. Il a appelé la population à prendre les armes et juré de rester à Kiev.

La mairie de Kiev a annoncé samedi un couvre-feu jusqu’à lundi 8 h.

« Le couvre-feu à Kiev commencera samedi à 17 h (10 h, HE) jusqu’à lundi à 8 h », a déclaré la mairie dans un communiqué, ajoutant que toutes les personnes se trouvant dans la rue pendant cette période-là « seront considérées comme des membres des groupes de saboteurs ennemis ».

Washington — qui accuse Moscou de vouloir prendre le contrôle de Kiev pour « décapiter le gouvernement » ukrainien et y installer un pouvoir qui lui soit favorable — a annoncé samedi l’envoi d’une nouvelle aide militaire à l’Ukraine, d’un montant de 350 millions de dollars.

De leur côté, les Pays-Bas ont annoncé livrer « dès que possible » 200 missiles antiaériens Stinger à l’Ukraine, la République tchèque a dit envoyer « dans les heures qui viennent » des armes pour une valeur de 7,6 millions d’euros, et la Belgique a affirmé fournir à Kiev 2000 mitrailleuses et 3800 tonnes de mazout.

« Armes et équipements » sont en route de la part des alliés de l’Ukraine, a déclaré M. Zelensky, après un appel avec son homologue français Emmanuel Macron.

« La guerre est revenue en Europe » et elle « durera », a averti M. Macron samedi matin à Paris.

Affrontements à Kiev

Dans Kiev, ville-fantôme désertée par ses habitants, des combats opposent les forces russes et ukrainiennes ont lieu sur l’avenue de la Victoire, une des artères principales de la capitale.

Toute personne dans la rue entre 17 h et 8 h sera traitée en ennemie, a annoncé le maire de Kiev, Vitali Klitschko.

Des soldats ukrainiens en patrouille ont assuré à l’AFP que les forces russes étaient en position de tir à quelques kilomètres de là. Sous un ciel bleu, la carcasse d’un camion militaire pulvérisé par un missile fumait encore au milieu des débris, tandis que des détonations étaient entendues au loin.

PHOTO GLEB GARANICH, REUTERS

Des gens se mettent à l’abri alors qu’une sirène de raid aérien retentit, près d’un immeuble endommagé par les récents bombardements à Kiev, le 26 février.

Le métro de Kiev est à l’arrêt et sert désormais d’abri antiaérien à la population, a annoncé M. Klitschko, sur Telegram.

Un immeuble résidentiel d’une trentaine d’étages a été frappé de plein fouet samedi matin par un missile qui a fait des dégâts importants, sans que les autorités ne fassent état de victimes dans l’immédiat.

La nuit de vendredi à samedi a été « difficile », selon le maire. Des « unités de sabotage » de Moscou se trouvent dans la ville, mais pas encore des unités régulières de l’armée russe, a-t-il dit.

PHOTO GENYA SAVILOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un immeuble résidentiel a été touché par un missile russe, le 26 février.

L’armée ukrainienne a dit avoir détruit une colonne de cinq véhicules militaires, dont un char, sur l’avenue de la Victoire à Kiev. Dans la nuit, les autorités ont fait état d’une attaque russe contre une centrale électrique du quartier de Troieshchyna, au nord-est de Kiev.

Jusqu’à présent, le ministère russe de la Défense n’a pas évoqué d’offensive sur Kiev, faisant état uniquement de tirs de missiles de croisière sur des infrastructures militaires, d’avancées dans l’Est — où l’armée appuie les séparatistes des territoires de Donetsk et Lougansk — et dans le Sud ukrainien, où les forces russes sont entrées jeudi depuis la péninsule de Crimée, annexée par Moscou en 2014.

Exode

Des unités russes ont été identifiées à Borodianki (à 70 km au nord-ouest de Kiev) à Butcha, dans la banlieue nord-ouest de la capitale, et à Vychgorod, dans sa banlieue nord, a indiqué sur Facebook l’armée ukrainienne.

Les forces russes « continuent leur attaque pour bloquer Kiev depuis le Nord-Est [du pays], mais elles ont été arrêtées par les forces armées ukrainiennes », a-t-elle encore affirmé.

À travers le pays, des dizaines de militaires ukrainiens ont perdu la vie dans les combats, selon l’armée ukrainienne qui affirme aussi infliger de lourdes pertes à l’armée russe. Moscou ne donne aucune information quant à son bilan.

Sur la route entre Kramatorsk et Dnipro, deux villes de l’est de l’Ukraine, des journalistes de l’AFP ont constaté la présence de très nombreux convois militaires ukrainiens. Des points de contrôle ont été instaurés aux entrées et sorties de chaque grande ville de cette zone.

La Pologne affirme que 100 000 Ukrainiens ont franchi la frontière polonaise depuis jeudi. Neuf centres d’accueil ont été mis en place.

PHOTO WOJTEK RADWANSKI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Ukrainiens ont trouvé refuge dans une école primaire de Przemysl, dans l’est de la Pologne.

« Nous avons quitté notre maison très, très vite parce que nous avions peur d’un assaut massif », a raconté à l’AFP Dania, parmi les réfugiés.

Ils sont plus de 116 000 à avoir fui au total vers les pays voisins — comme la Hongrie, la Moldavie, la Slovaquie et la Roumanie —, un nombre « en augmentation », a tweeté samedi le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR).

Coup d’État

Vendredi, la Russie a bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution déplorant son « agression contre l’Ukraine » et réclamant le retrait immédiat de ses troupes. Le texte était soutenu par 11 des 15 pays y siégeant.

Vladimir Poutine paraît résolu à poursuivre son offensive, jusqu’à déloger du pouvoir à Kiev ceux qu’il qualifie de « drogués » et « néonazis ». Il a aussi appelé l’armée ukrainienne à prendre le pouvoir.

Selon Moscou, il s’agit d’une « opération militaire spéciale » pour le « maintien de la paix » afin de « démilitariser » et « dénazifier » un pays accusé d’un prétendu génocide des populations russophones de l’Est.

Le régulateur russe des médias a ainsi ordonné samedi aux médias nationaux de supprimer de leurs contenus toute référence à des civils tués par l’armée russe en Ukraine ainsi que les termes « d’invasion », « d’offensive » ou de « déclaration de guerre ».

M. Zelensky, dans une vidéo, a exhorté pour sa part les Russes en langue russe, à exiger la fin de la guerre.

L’OTAN, dont les dirigeants se sont retrouvés vendredi en visioconférence, a répété ne pas envoyer de troupes en Ukraine, tout en autorisant le déploiement de troupes supplémentaires en Europe, notamment dans les pays de l’Est.

Bateau russe intercepté en France

Un bateau de commerce battant pavillon russe, soupçonné d’appartenir à une entité visée par les sanctions prises par l’UE contre Moscou, a été intercepté dans la Manche par les autorités françaises, a indiqué samedi à l’AFP la préfecture maritime.

Ce bateau transportant des véhicules vers Saint-Petersbourg (Russie) était parti de Rouen et a été dérouté dans la nuit de vendredi à samedi vers Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), selon la préfecture.

Un patrouilleur de la douane, appuyé par une vedette de gendarmerie et un navire de la marine, a escorté le roulier Baltic Leader, a précisé Véronique Magnin, officier de communication régional pour la préfecture maritime.

Ce bateau de 127 mètres est « fortement soupçonné d’être lié à des intérêts russes visés par les sanctions », a précisé la même source, soulignant que cette mesure, signe de « fermeté », était « rare » dans cette zone.

« Le navire de commerce russe a été coopératif », a affirmé Mme Magnin.

La douane a mené des auditions et investigations à bord afin de confirmer ces liens.

Sanctions

Le président ukrainien a appelé samedi Berlin et Budapest à approuver l’exclusion de la Russie du système interbancaire SWIFT, une sanction considérée comme l’« arme nucléaire économique » et examinée par l’Union européenne (UE).

Il a reçu samedi le soutien du premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, qui a dénoncé à Berlin « l’égoïsme en béton » de certains pays occidentaux comme l’Allemagne, et réclamé que ceux-ci acceptent « des sanctions vraiment écrasantes » contre la Russie.

Le camp occidental se concentre sur le durcissement des sanctions contre la Russie après avoir restreint son accès aux marchés financiers et aux technologies.

Les Occidentaux ont franchi un nouveau palier vendredi en imposant, fait exceptionnel, des sanctions à Vladimir Poutine lui-même et à son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov.

Les autorités françaises ont de leur côté indiqué avoir intercepté dans la Manche un navire de commerce russe de 127 mètres qui avait quitté le port de Rouen (nord-ouest) en direction de Saint-Pétersbourg, et est soupçonné d’appartenir à une entreprise visée par les sanctions prises par l’UE.

Moscou a de son côté annoncé la fermeture de son espace aérien aux avions venant de Bulgarie, Pologne ou de République tchèque en représailles d’une mesure similaire prise par ces pays.