(Moscou) Les parlementaires russes se sont succédé mardi pour féliciter Vladimir Poutine d’avoir reconnu l’indépendance des territoires séparatistes de l’est de l’Ukraine, avant de ratifier cette reconnaissance à l’unanimité, affichant une loyauté sans faille pour le maître du Kremlin.  

Rivalisant de verve patriotique, députés et sénateurs des deux Chambres du Parlement ont défendu à tour de rôle la décision du président russe, dénoncée par les Occidentaux comme une « violation de la souveraineté de l’Ukraine ».  

Comme la Crimée en 2014

Pas un seul élu ne s’est prononcé contre les accords de coopération proposés par Vladimir Poutine, qui fournissent à Moscou la base juridique pour instaurer une présence militaire dans les « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk, sous contrôle des séparatistes prorusses depuis 2014.  

Les élus ont présenté la décision du Kremlin comme une grande victoire, dans une séquence rappelant l’annexion par la Russie de la péninsule de Crimée en 2014.  

« Remercions le président pour son courage, pour sa prise de position responsable », a déclaré le président de la Douma, Viatcheslav Volodine, en ouvrant la session de la chambre basse.  

La veille au soir, Poutine, qui dirige la Russie comme président ou premier ministre depuis plus de vingt ans, avait annoncé cette reconnaissance à l’issue d’un long discours aux accents menaçants.  

Il a notamment souligné que l’Ukraine avait été « entièrement créée par la Russie », remettant en cause le droit des Ukrainiens à leur propre État. Il a ensuite ordonné l’envoi de soldats russes dans ces territoires, avec pour mission officielle d’y « maintenir la paix ».

« Moscou ne craint aucune sanction »

Alors que les pays occidentaux annonçaient de nouvelles sanctions contre Moscou, les parlementaires ont estimé que la Russie était injustement punie.

« Moscou ne craint aucune sanction », a assuré le vice-ministre des Affaires étrangères Andrei Roudenko aux parlementaires.

Et tandis que plongeaient le rouble et les indices boursiers russes, Viatcheslav Volodine a appelé les Russes à « croire en leur monnaie nationale ».

Il a semblé, brièvement, qu’un député — sur 400 au total à la Douma — ne s’était pas prononcé en faveur des accords proposés par le président russe. Mais l’anomalie a été passagère : le député communiste Oleg Smoline a reconnu après coup n’avoir pas appuyé assez vite sur le bouton pour enregistrer son vote favorable.  

Participaient aux sessions certains des orateurs les plus anti-occidentaux du pays, des vétérans qui siègent au Parlement depuis des années voire des décennies : s’ils appartiennent à une opposition qui critique parfois Poutine sur sa politique intérieure, ils ne remettent pas en cause sa politique étrangère.

« L’OTAN nous prend à la gorge », a notamment déclaré le dirigeant communiste Guennadi Ziouganov, 77 ans.  

Parmi ceux qui ont pris la parole figurait aussi le député nationaliste Andreï Lougovoï : la Russie « crache sur l’opinion de l’Occident », a-t-il déclaré.  

La police britannique accuse M. Lougovoï d’avoir fomenté l’empoisonnement de l’ex-agent russe Alexander Litvinenko à Londres en 2006, mais n’a jamais réussi à obtenir son extradition.  

Une fois approuvés par la Chambre basse, les textes ont été transférés pour ratification aux élus de la Chambre haute, dont la présidente, Valentina Matvienko, a semblé avoir les larmes aux yeux.

« Je vous assure que nous sommes prêts pour les sanctions » occidentales, a-t-elle affirmé après le vote.

La veille, elle avait été la seule femme à participer à la réunion extraordinaire du conseil de sécurité du Kremlin. Lors de cette session retransmise par la télévision, les plus hauts responsables du pays avaient eux aussi plaidé passionnément pour une reconnaissance des régions séparatistes.

Le maître du Kremlin était assis face à eux, les appelant à tour de rôle à présenter leur point de vue.

Quand vint son tour, Matvienko, 72 ans et née en Ukraine, a laissé entendre que des membres de l’extrême droite ukrainienne prendraient le pouvoir dans ces territoires de l’est de l’Ukraine si la Russie ne reconnaissait pas leur indépendance.  

« Qu’a fait la Russie à l’Ukraine depuis trente ans (pour mériter cela) ? » a-t-elle conclu.