(Paris) L’éditeur Fayard a annoncé lundi la publication le 2 juin de son édition critique de « Mein Kampf », exposé de l’idéologie raciste et antisémite d’Adolf Hitler, et le versement des bénéfices à la Fondation Auschwitz-Birkenau.

C’est l’aboutissement d’un projet d’une dizaine d’années pour cette maison d’édition, qui a décidé d’intituler le livre Historiciser le mal, une édition critique de Mein Kampf.

La diffusion se fera selon des modalités rarement vues, à savoir uniquement chez les détaillants qui prendront l’initiative de le commander, indique Fayard dans un courrier aux libraires envoyé lundi, et obtenu par l’AFP.

« Pour commercialiser cet ouvrage, nous avons choisi de ne pas procéder à une mise à l’office (NDLR : diffusion à l’initiative de l’éditeur via les réseaux de distribution du livre) comme c’est l’usage, mais de proposer “Historiciser le mal” à la commande chez vous, chers libraires », explique dans ce courrier la présidente-directrice générale, Sophie de Closets.

Le prix très élevé, 100 euros, devrait limiter le nombre de lecteurs.

Rédigé par Hitler entre 1924 et 1925, alors que le chef du parti nazi purge une peine de prison après l’échec d’un putsch, Mein Kampf est un long manifeste d’un homme politique qui, de marginal, se hissera au pouvoir par les urnes en 1933, avant d’engager son pays dans une guerre mondiale et une entreprise de génocide des Juifs d’Europe.

Adolf Hitler y revient sur son parcours et expose sa vision en lançant de violentes imprécations contre ceux qu’il désigne comme les ennemis de l’Allemagne, à commencer par les Juifs.

Mille pages

Fayard a confié ce texte réputé difficile à un traducteur renommé, Olivier Mannoni, qui a travaillé sur des auteurs comme Sigmund Freud, Stefan Zweig ou Franz Kafka.

Le volume atteindra 1000 pages, dont un tiers pour le texte original, et deux tiers pour l’appareil critique.

« Notre comité d’historiens, dirigé par Florent Brayard, a traduit, adapté, prolongé les 3000 notes de l’édition allemande et rédigé une introduction générale et 27 introductions de chapitres », a détaillé Fayard.

La première édition française de Mein Kampf, sous le titre « Mon combat », approchant 700 pages, remonte à 1934, aux Nouvelles Éditions latines, qui le commercialisent toujours.

Outre cette édition,  publiée par ce que Mme de Closets qualifie de « maison d’extrême droite » (qui en a vendu près de 5000 exemplaires l’an dernier seulement), l’éditrice relève qu’il est très facile de le trouver sur l’internet.

Fayard lui-même avait publié en 1938 une édition approuvée par le régime nazi, sous le titre Ma doctrine, et deux fois plus courte, expurgée entre autres des nombreux passages antifrançais.

Cette fois-ci, « il n’est pas question, bien évidemment, que cette publication puisse être lucrative : ainsi, la Fondation Auschwitz-Birkenau, chargée de la conservation du site du camp de concentration et d’extermination, percevra des droits au premier exemplaire vendu et la totalité des bénéfices qui pourraient être issus de la vente », précise la maison d’édition.

Dans un courrier à la ministre de la Culture Roselyne Bachelot dont elle a envoyé une copie à l’AFP, Éliane Calmann-Levy, une descendante des fondateurs des éditions du même nom, a appelé le gouvernement à s’assurer de la » transparence comptable « par un » accès aux comptes détaillés de Fayard « .

Une édition critique en allemand de Mein Kampf, en deux tomes de près de 2000 pages, a été publiée par un centre de recherches en histoire de Munich, l’IfZ, en janvier 2016, date à laquelle l’ouvrage est passé dans le domaine public.

En janvier 2021, les éditions Bellona à Varsovie publiaient une édition critique en polonais, de 1000 pages.