(Londres) Les vaccins contre le coronavirus ne contiennent pas de porc et ne rendent pas stérile : au Royaume-Uni, des célébrités démontent des rumeurs pour convaincre certaines minorités ethniques, plus réticentes que le reste de la population, de se faire vacciner contre la COVID-19.  

Cette méfiance jette une ombre sur le succès de la campagne de vaccination britannique. Or l’enjeu de ces campagnes est de taille : ces minorités sont plus endeuillées que la moyenne par la pandémie.

Lors d’une récente réunion, Nikita Kanani, l’un des responsables du service public de santé (NHS), a évoqué « des communautés entières traumatisées, par des » expériences inappropriées « menées sur leurs représentants dans le passé.

Le gouvernement travaille avec des responsables religieux et communautaires, et a mis en place des centres de vaccination dans des mosquées ou des temples hindous.  

Les musulmans et les juifs ont été rassurés sur le fait que les vaccins ne contiennent pas de porc ou de cellules souches fœtales. Des imams ont souligné que recevoir une dose de vaccin n’enfreindra pas le jeûne du ramadan, qui commence à la mi-avril.  

Une campagne télévisée s’appuie sur des célébrités noires et sud-asiatiques.

 « Il n’y a pas de puce ou de pisteur dans le vaccin pour regarder où vous allez », y déclare le comédien et présentateur de télévision Romesh Ranganathan, en référence à une des rumeurs véhiculées. « Votre téléphone portable est bien plus efficace pour ça ».

Il est aussi souligné que le vaccin Pfizer-BioNTech a été développé par un couple musulman germano-turc.

Cobayes

Environ 86 % des 66 millions de Britanniques sont blancs. Un tiers de la population britannique a déjà reçu une dose et l’acceptation de la vaccination est d’environ 90 %. Mais la méfiance de certaines catégories pourrait laisser des poches de résistance exposées.

Début décembre, le taux d’infection au sein de la communauté juive hassidique dans le quartier de Stamford Hill, à Londres, était de 64 %, l’un des taux les plus élevés enregistrés au monde, selon une étude de la London School of Hygiene and Tropical Medicine.  

Davantage de contaminations dans des communautés isolées signifie davantage de risques de mutations du virus, potentiellement résistantes, a prévenu John Edmunds, épidémiologiste et conseiller du gouvernement, dimanche sur la BBC.

Les chiffres d’OpenSAFELY, une base de données gérée par la London School of Hygiene and Tropical Medicine et l’Université d’Oxford, ont montré que le taux de vaccination début février dans les communautés bangladaises et pakistanaises n’était que de 59 %.  

Parmi les personnes d’origine africaine, il était inférieur à 49 %.  

Au Royaume-Uni, la plus grande communauté africaine noire est originaire du Nigeria, où la colère persiste après le décès en 1996 de 11 enfants qui avaient reçu un vaccin expérimental contre la méningite développé par Pfizer.  

 » Nous devons être honnêtes et admettre qu’il y a eu des raisons qui expliquent la méfiance de la communauté noire envers les systèmes de santé «, a déclaré le professeur de médecine Toyin Falusi Nwafor aux fidèles nigérians de l’église Jesus House du nord de Londres, lors d’une intervention sur YouTube.  

Ce médecin basé aux États-Unis a rappelé l’étude de Tuskegee : des scientifiques du gouvernement avaient surveillé des hommes afro-américains atteints de syphilis pendant 40 ans sans les soigner.  

 « Déçus par l’État » 

Au Royaume-Uni, les minorités ethniques sont surreprésentées dans les emplois peu rémunérés et les logements surpeuplés, et ont plus de problèmes de santé tels que le diabète, des éléments qui les rendent plus vulnérables à la COVID-19.  

Les hommes noirs britanniques sont près de trois fois plus susceptibles de mourir du virus que les hommes blancs, selon des données du bureau national des statistiques.  

Le taux de mortalité parmi les personnes d’origine bangladaise est deux fois plus élevé.

Certaines minorités reprochent aux médecins blancs de ne pas prendre leurs inquiétudes au sérieux, 60 % des Noirs estimant que leur santé n’est pas protégée de la même façon que celle des autres, selon un rapport parlementaire datant de novembre.  

Le gouvernement » pourrait reconnaître le caractère rationnel de certaines de ces inquiétudes « , suggère Agnes Arnold-Forster, historienne de la santé à l’Université de Bristol, interrogée par l’AFP. » Si l’État vous a déçu à maintes reprises, il n’est pas très surprenant que vous n’ayez pas une grande confiance dans les initiatives soutenues par l’État « .