(Moscou) La Turquie a interdit vendredi aux ressortissants de trois pays du Proche-Orient de prendre l’avion pour la Biélorussie depuis son sol, sous la pression croissante de l’Europe qui accuse Minsk d’acheminer des migrants à ses portes.

Les ressortissants de l’Irak, de la Syrie et du Yémen ne seront plus autorisés à prendre l’avion pour la Biélorussie à partir des aéroports turcs « jusqu’à nouvel ordre », a annoncé la Direction générale de l’aviation turque dans un communiqué.

La principale compagnie aérienne de la Biélorussie, Belavia, a indiqué qu’elle se conformerait à cette restriction.

Cette mesure intervient alors que plusieurs milliers de migrants voulant se rendre en Europe, originaires principalement du Proche-Orient, sont bloqués dans des conditions difficiles à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne.

L’Union européenne accuse Minsk d’orchestrer cet afflux migratoire, en délivrant notamment des visas, pour se venger de sanctions occidentales imposées au régime d’Alexandre Loukachenko l’an dernier après la brutale répression d’opposants.

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Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko

Bruxelles s’efforce depuis plusieurs jours d’endiguer ces arrivées en Biélorussie en contactant des pays, notamment du Proche-Orient, pour les convaincre d’empêcher les personnes d’embarquer sur des vols à destination de Minsk.

La Turquie est le premier pays à prendre une telle mesure. Istanbul, la plus grande ville turque, a deux aéroports internationaux qui font d’elle une plaque tournante majeure du trafic aérien entre le Proche-Orient et l’Europe.

Ankara a toutefois affirmé jeudi n’avoir « rien à voir » avec la crise migratoire.

Nouvelles sanctions

Cette crise en Europe centrale suscite l’inquiétude croissante de la communauté internationale et a fait l’objet jeudi d’une réunion d’urgence au Conseil de sécurité des Nations unies.

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Une migrante reçoit des soins dans un camp le long de la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, le 11 novembre dans la région de Grosno.

À l’issue de cette réunion, plusieurs pays, dont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont accusé Minsk de vouloir « déstabiliser les pays voisins » et « détourner l’attention de ses propres violations croissantes des droits de l’homme ».

Les relations entre les pays occidentaux et la Biélorussie sont fortement tendues. L’an dernier, l’UE et les États-Unis avaient infligé une série de sanctions à Minsk après la répression d’un mouvement de contestation déclenché par la réélection controversée de M. Loukachenko, au pouvoir depuis 1994.

Jeudi, Berlin a appelé à renforcer les mesures punitives contre la Biélorussie, évoquant notamment le ciblage de l’industrie de la potasse, cruciale pour l’économie de ce pays.

Bruxelles a indiqué que de nouvelles sanctions étaient attendues la semaine prochaine.

Mais fort de l’appui de Moscou, M. Loukachenko a menacé de riposter en fermant les vannes d’un important gazoduc alimentant l’Europe en gaz russe et transitant par la Biélorussie, au moment où le continent fait déjà face à des pénuries.

Le Kremlin a toutefois promis vendredi que ses livraisons de gaz à l’Europe se poursuivraient normalement, malgré la mise en garde de M. Loukachenko.

Frontière scellée

Sur le terrain, les migrants sont pris en étau entre les autorités biélorusses qui, selon Varsovie, les contraignent à avancer en tirant parfois des coups de feu en l’air, et les gardes-frontières polonais qui les refoulent sans ménagement.

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Plus de 2000 personnes, dont des femmes et des enfants, sont ainsi coincées depuis plusieurs jours dans un camp de fortune du côté biélorusse de la démarcation par un froid glacial, allumant des feux pour se réchauffer.

Jeudi, une aide humanitaire d’urgence, notamment des vêtements chauds et des couvertures, a pu être acheminée à certains migrants, selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).

Selon le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, 10 migrants sont morts dans cette zone ces dernières semaines.

Une ONG polonaise a déclaré vendredi que trois migrants d’Irak et de Syrie avaient été hospitalisés après avoir été battus et volés près d’une ville frontalière.

Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a accusé le régime de M. Loukachenko de « terrorisme d’État » et estimé jeudi que son pays était la cible d’une « guerre d’un genre nouveau », avec des civils utilisés comme « munitions ».

Face à l’afflux de personnes à sa frontière, la Pologne, pays membre de l’UE et de l’espace Schengen, y a déployé quelque 15 000 militaires et érigé une clôture surmontée de fil de fer barbelé.