(Sarajevo) L’émissaire américain pour les Balkans occidentaux Gabriel Escobar a écarté lundi la possibilité d’une nouvelle guerre en Bosnie, après avoir rencontré le chef politique serbe bosnien, Milorad Dodik, accusé de « menacer la paix » avec l’annonce récente de la formation d’une armée serbe.

Une dizaine d’années après le conflit intercommunautaire, qui a fait près de 100 000 morts en Bosnie de 1992 à 1995, les Serbes bosniens (orthodoxes) avaient été contraints par la communauté internationale à former une armée commune avec les Bosniaques (musulmans) et les Croates (catholiques).

Mais le membre serbe de la présidence collégiale bosnienne, Milorad Dodik, menace ces derniers mois d’abandonner les forces armées communes et de former une armée propre à sa communauté.

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Le membre serbe de Bosnie de la présidence tripartite de Bosnie, Milorad Dodik, lors d’une conférence de presse après des entretiens avec le sous-secrétaire d’État adjoint américain Gabriel Escobar dans la capitale Sarajevo, en Bosnie, le lundi 8 novembre 2021.

Connu pour ses propos séparatistes, il annonce aussi le retrait de l’accord donné par les Serbes à la formation, dans les années après la guerre, de plusieurs autres institutions centrales, dont la justice et le système de taxation indirecte.

« La chose la plus importante sur laquelle nous nous sommes mis d’accord avec tous les interlocuteurs rencontrés aujourd’hui est que nous sommes tous d’accord qu’il n’y aura pas de guerre. C’est le message le plus important », a déclaré à la presse Gabriel Escobar.

Il a rencontré peu avant Milorad Dodik et ses collègues bosniaque et croate à la présidence, respectivement Sefik Dzaferovic et Zeljko Komsic.

Trois jours après avoir accusé M. Dodik, dans une interview à la Radio Free Europe, d’avoir provoqué cette nouvelle crise pour « protéger son pouvoir et son argent », M. Escobar a fait savoir que le dirigeant serbe bosnien était prêt à faire des concessions.

Milorad Dodik « s’est montré ouvert à la discussion sur le retrait de toutes les lois qui affaibliraient les institutions centrales », a affirmé le diplomate américain.

Il a assuré que son pays, qui avait accueilli en 1995 les négociations de paix en Bosnie, était rangé derrière « l’intégrité territoriale » du pays balkanique.

« Grande menace existentielle »

Dans un rapport remis le 3 novembre au Conseil de sécurité de l’ONU, le Haut représentant international en Bosnie, Christian Schmidt, qui veille au respect de l’accord de paix de Dayton (États-Unis), a affirmé que la Bosnie était exposée « à la plus grande menace existentielle de l’après-guerre ».

Il a accusé Milorad Dodik et les dirigeants de l’entité serbe de Bosnie, la Republika Srpska, de « mettre en danger […] la paix et la stabilité du pays et de la région », et a appelé la communauté internationale à réagir.

De son côté, Milorad Dodik a dit à la presse, après avoir rencontré le diplomate américain, qu’il était prêt à discuter, par exemple de « la réduction des capacités » des forces armées communes, qui comptent 10 000 soldats et personnels civils, mais qu’il n’entendait « pas hésiter à poursuivre (les) activités » annoncées.

« Bien sûr, nous irons jusqu’au bout avec ça. Personne ne doit en douter […] Nous ne voulons pas d’une Bosnie unitaire, faite à la façon dont la voient les Américains et les Occidentaux », a dit le dirigeant serbe bosnien.