(Paris) L’un a conclu son témoignage par « l’amour vaincra », une autre n’a pu s’empêcher de lancer un « fuck you » aux accusés. Au procès du 13-Novembre, sept rescapés irlandais et britanniques de la tuerie du Bataclan se sont succédé vendredi à la barre.

Souffrant toujours de douleurs chroniques après avoir eu « le pied complètement détruit » par une rafale de kalachnikov au Bataclan et se déplaçant avec une canne, David, un Irlandais à la barbe rousse, accompagné à la barre par sa compagne Katie, explique d’une voix très douce qu’ils étaient « heureux » en arrivant à Paris, pour le concert du groupe californien Eagles of Death Metal.

« Mais cette nuit-là, nous avons vu le pire de ce que peut faire un être humain ». Serrés l’un contre l’autre à la barre, David et Katie ne se lâchent pas la main. Une interprète traduit leurs paroles pour la cour.

Ce 13 novembre 2015, le couple réalise soudain que les bruits secs entendus dans la salle de concert sont des tirs d’armes automatiques. « On s’est dit qu’on s’aimait, on s’est dit qu’on allait mourir », témoigne David en se tournant vers Katie.  

Il tente alors de la protéger des tirs en faisant barrière avec son corps. Une balle lui fracasse le pied. « Les rafales se sont transformées en coup par coup. Il semblait que les terroristes exécutaient les personnes une à une. Je sentais l’odeur de la poudre et j’entendais les gémissements », raconte-t-il avec calme.  

Trois mots tatoués

Autres survivants de la tuerie, Annie et Max racontent à leur tour leur nuit d’angoisse, alors que leurs six enfants étaient restés en Angleterre, gardés par leur aînée de 22 ans. A la fin de son récit, Annie se tourne vers le box :

J’aimerais dire un dernier mot aux accusés. J’aimerais leur dire : Fuck You.».

Annie, survivante du Bataclan

Sa traductrice ne traduit pas les derniers mots, mais des rires discrets résonnent dans la salle.

Un peu plus tard, son mari Max confiera s’être fait tatouer trois mots en français sur la poitrine : « liberté, égalité, fraternité ».

« Le pire et le meilleur »

« Nous avons vu le pire et le meilleur de l’humanité ce jour-là, les personnes qui nous ont aidés, les secours, les médecins… Les terroristes n’ont pas gagné ce jour-là », affirme David qui conclut par les mots « l’amour vaincra », mais qui « n’arrive pas à enlever de (son) esprit les images de corps » des victimes jonchant le sol du Bataclan.

« Je ne voulais pas être ici, mais je me dois d’être ici, pour ceux qui ne sont plus là parce que des lâches leur ont tiré dans le dos. Je suis bouleversée, apeurée », dit Katie dans un souffle.

Un rescapé britannique, Marc, se souvient d’avoir croisé le regard d’un assaillant. « J’ai vu ses yeux, il n’y avait rien, pas d’humanité. C’était Foued Mohamed-Aggad, je l’ai reconnu après sur des photos dans la presse ».

Marc se souvient d’un autre regard, celui de sa voisine. « Elle avait les yeux bleus, plein de peur, de crainte, de douleur. Tout d’un coup, elle est devenue blanche. Je pense qu’elle est morte à ce moment-là. Tout ce que j’ai pu voir, c’est ses yeux », dit-il, incapable de retenir ses sanglots.

« Un souvenir qui me hante »

Tony, rescapé britannique du Bataclan, se souvient encore du corps d’une femme, couchée sur le ventre, recouvert d’un drap blanc. « Je n’oublierai jamais cette image. Je me demande souvent qui elle pouvait être. C’est un souvenir qui me hante ». Il pleure.

Dernier Britannique à témoigner, Michael vient dire : « les terroristes qui nous ont attaqués cette nuit-là n’adoraient que la mort et la violence ». « Ils ont essayé de semer la division la haine, mais ils n’ont réussi qu’à unir des gens de toutes religions, avec un rejet de tout ce que l’État islamique représente ».

« Les personnes qui ont préparé et perpétré cette attaque visaient la France, mais ils ont attaqué quelque chose de beaucoup plus grand qu’un simple pays : notre culture et notre humanité communes », insiste-t-il.

Ces témoignages déchirants ont été perturbés par l’énervement de plusieurs accusés, obligeant le président a suspendre brièvement l’audience.