L’Union fait la force. C’est du moins ce qu’espèrent les partis de l’opposition hongroise, qui ont décidé de faire front commun pour chasser Viktor Orbán du pouvoir. 

Voilà plus de 10 ans qu’Orbán règne sans partage sur le pays avec son puissant parti, le Fidesz. Il a été réélu pour le troisième mandat d’affilée en 2018 avec les deux tiers des sièges au Parlement, en exploitant entre autres les querelles et les divisions de ses adversaires.

Ces derniers sont à court d’options et veulent maintenant faire bloc commun, en organisant une « primaire de l’opposition » qui doit désigner le candidat ou la candidate qui affrontera Orbán aux élections du printemps 2022.

PHOTO ATTILA KISBENEDEK, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Viktor Orbán, premier ministre de Hongrie

Cette stratégie avait été adoptée l’an dernier pour les municipales. Avec un certain bonheur. L’alliance anti-Fidesz avait notamment remporté la mairie de Budapest et une dizaine d’autres grandes villes hongroises.

Encouragée par ce succès, elle tente maintenant de répéter l’exercice sur le plan national, une grande première en forme de dernier espoir.

« Aucun de ces partis n’a un réservoir de voix suffisant pour essayer de lutter contre le Fidesz. C’est absolument impossible. D’où l’idée de s’unir », résume Catherine Horel, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique et spécialiste de l’Europe centrale.

Six formations sont sur la ligne de départ pour le premier tour, qui se termine mardi : des socialistes, des écolos, des libéraux et même des nationalistes aux racines néonazies, le parti Jobbik, qui dit s’être « recentré », mais dont la réputation reste sulfureuse.

Il s’agira de désigner non seulement le rival ou la rivale d’Orbán au poste de premier ministre, mais aussi les candidats uniques qui affronteront le Fidesz dans les 106 circonscriptions du pays, à la tête de listes électorales communes.

Travail de collaboration possible ?

Catherine Horel voit dans ce projet de regroupement stratégique une forme de « maturité » politique qui pourrait en effet porter ses fruits.

Mais elle se demande combien de temps résistera cette unité, étant donné l’éclectisme de la distribution et les antagonismes historiques entre ces partis. Au-delà de l’objectif suprême (faire dégager Orbán) et d’un programme commun qui met l’accent sur la corruption et le rétablissement de l’État de droit, un monde sépare certaines de ces familles politiques.

« Il y aura forcément des candidats Jobbik, explique l’historienne. La question qu’on peut se poser, c’est : est-ce qu’il y a des gens qui auront envie de voter Jobbik, même avec une plateforme anti-Orbán ? À mon avis, il va y avoir du sport ! »

Selon Daniel Mikecz, du groupe de réflexion hongrois Republikon, la question ne se pose pas. L’expert se dit convaincu que le désir de déloger Orbán transcendera les convictions politiques.

Les enjeux, ce ne sont pas tant les programmes de chacun que le régime lui-même. Pour les électeurs de l’opposition, c’est quasiment un référendum contre Orbán. L’important, c’est de s’unir derrière le candidat qui peut battre le régime Orbán, peu importe qui ce sera.

Daniel Mikecz, du groupe de réflexion hongrois Republikon

Selon lui, le résultat de la primaire pourrait se jouer entre l’eurodéputée Klára Dobrev (Coalition démocratique) et le maire écologiste de Budapest, Gergely Karácsony. Rien n’exclut toutefois que le chef du Jobbik, Péter Jakab, accède au second tour, prévu du 4 au 6 octobre. Contrairement aux partis de centre et de gauche, plus urbains, le Jobbik a l’avantage d’être présent dans les campagnes, où se trouve une grosse proportion de l’électorat de Viktor Orbán.

Avec ou sans Péter Jakab, Daniel Mikecz se dit convaincu que ce sera l’« élection la plus difficile » pour Orbán. Les sondages donnent actuellement l’opposition et le Fidesz au coude-à-coude, en vue du scrutin printanier.

Usure du pouvoir

Premier ministre de la Hongrie de 1998 à 2002, puis sans discontinuer depuis 2010, Viktor Orbán est reconnu pour son autoritarisme et sa mainmise sur les postes clés de la politique, des médias, de l’université ou de la culture, par le truchement d’une fidèle oligarchie.

Bête noire de l’Union européenne, il est régulièrement contesté par Bruxelles pour ses positions contre l’immigration, la communauté LGBTQ+ et sa pratique de la « démocratie illibérale ». Mais son discours nationaliste et populiste continue de rallier une grande partie de l’électorat hongrois.

Catherine Horel constate cependant que l’usure commence à se faire sentir et que son étoile pâlit.

« Il y a une certaine lassitude de voir toujours la même tête au pouvoir. Ça peut jouer. L’an dernier, les élections municipales l’ont ébranlé. Il a réagi de façon épidermique, et ç’a été mal perçu. Du même coup, on s’est dit : “Ah ! s’il n’est pas capable d’aller au-delà de la réaction hostile, c’est qu’il a senti le vent du boulet…” »

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Nombre de partis de l’opposition hongroise prenant part à une primaire pour désigner le candidat qui affrontera Viktor Orbán aux élections du printemps 2022