(Moscou) La Russie a annoncé vendredi avoir convoqué l’ambassadeur des États-Unis pour lui présenter des « preuves irréfutables » de violations commises par les géants du numérique américains avant les élections législatives russes de septembre.

Ces derniers mois, les autorités russes ont renforcé leurs pressions pour contrôler leur segment de l’internet, accusant notamment Google, Facebook et Apple d’encourager des mouvements d’opposition au Kremlin.

Opposés sur de nombreux dossiers internationaux et grands rivaux géopolitiques, Washington et Moscou s’accusent par ailleurs régulièrement d’ingérences mutuelles.

Dans un communiqué, la diplomatie russe a indiqué que l’ambassadeur convoqué, John Sullivan, s’était entretenu avec le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.

« Il a été souligné au cours de la discussion que la partie russe dispose de preuves irréfutables d’une violation de la loi russe par les géants du numérique américains dans le contexte de la préparation et de la tenue des élections pour la Douma », la Chambre basse du Parlement, a affirmé le ministère.

Il a ajouté avoir signifié aux États-Unis le « caractère absolument inadmissible d’une ingérence dans les affaires intérieures de notre pays », mais n’a pas précisé en détail de quelle violation il était question.

Interrogée à Washington, une porte-parole de la diplomatie américaine, Jalina Porter, n’a pas confirmé s’il s’agissait d’une « convocation », se bornant à évoquer une « rencontre » portant sur « une série de questions bilatérales » conformément à la « volonté » du président Joe Biden « d’avoir des relations stables et prévisibles avec la Russie ».

En revanche, les Américains n’ont pas mentionné les accusations en question, ce qui a suscité une réaction irritée de la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

« Il n’y a qu’une seule raison » à cette convocation, « une ingérence dans les élections russes, nous espérons que cela sera présenté de cette manière aux diplomates américains à Washington », a-t-elle affirmé sur son compte Telegram.

Google et Apple dans le viseur

Cette convocation intervient alors que le gendarme russe des télécoms, Roskomnadzor, a adressé la semaine dernière un deuxième avertissement à Apple et Google face à leur refus de supprimer l’application de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny.

Des législatives se tiendront du 17 au 19 septembre en Russie sans la participation des alliés de M. Navalny, exclus du scrutin ou contraints à l’exil depuis l’interdiction de leurs organisations, déclarées en juin « extrémistes ».

Alexeï Navalny, condamné en février à deux ans et demi de prison dans une affaire qu’il dénonce comme politique, a appelé ses soutiens à utiliser son application pour trouver et voter pour les candidats les plus à même de battre ceux du Kremlin.

Après l’entrée en fonction en janvier du président américain Joe Biden, qui a appelé à de multiples reprises à la libération d’Alexeï Navalny, les relations diplomatiques entre Moscou et Washington se sont encore dégradées.  

Washington reproche notamment à la Russie des cyberattaques en série et des ingérences électorales aux États-Unis.

En retour, Moscou accuse souvent les États-Unis et l’Occident de s’immiscer dans ses affaires intérieures et de faire pression contre les correspondants des médias d’État russes.

Vendredi, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a ainsi parlé d’une « guerre presque déclarée » contre les journalistes russes travaillant en Occident.

Dans ce contexte tendu, la Russie a classé en mai les États-Unis dans sa liste nouvellement créée de pays « non amicaux », ce qui interdit à l’ambassade américaine à Moscou d’employer des salariés russes, compliquant grandement son fonctionnement.

Signe timide d’un apaisement, les ambassadeurs des deux pays ont récemment repris leurs postes respectifs, après plusieurs mois d’absence pour des « consultations ». Un retour considéré comme l’un des seuls résultats positifs de la rencontre en juin entre M. Biden et son homologue russe Vladimir Poutine.