(La Haye) Deux ex-chefs espions serbes ont été condamnés à mercredi par la justice internationale, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre lors des conflits en ex-Yougoslavie au début des années 90, après avoir été acquittés en 2013.

Jovica Stanisic, 70 ans, ancien chef de la sécurité intérieure de la Serbie et figure clé du régime de Slobodan Milosevic, et son adjoint Franko Simatovic, 71 ans, ont été condamnés à une peine de 12 ans de prison chacun, a déclaré dans un communiqué le tribunal de l’ONU basé à La Haye.  

SAISIE D’ÉCRAN D’UNE PHOTO ADMISE EN PREUVE AU PROCÈS

Cette photo prise durant la Guerre des Balkans montre Jovica Stanisic (2e à partir de la gauche) entre le politicien serbe de Bosnie Momcilo Krajisnik (à g.) et Radovan Karadzic, le chef politique des Serbes de Bosnie, qui a été condamné à la prison à vie dans une décision antérieure. Franko Simatovic, l’autre condamné, est à droite.

« La Chambre de première instance juge M. Stanisic et M. Simatovic coupables d’avoir aidé et encouragé les forces serbes qui ont commis des crimes lors de la prise de la ville bosniaque de Bosanski Samac en avril 1992 », a déclaré le juge Burton Hall.

Les deux hommes ont aidé à organiser et à déployer les forces serbes, ce qui a eu un effet substantiel sur la commission des crimes », a indiqué le tribunal.  

Pas assez de preuves de liens avec les escadrons de la mort

Mais les juges ont affirmé qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes pour étayer les affirmations des procureurs selon lesquelles les deux ex-chefs serbes pouvaient être tenus pour responsables d’une « campagne de terreur » plus large menée par les escadrons de la mort qui ont sévi en Bosnie et en Croatie dans les années 1990.

Il s’agit d’une des dernières affaires liées aux guerres dans l’ex-Yougoslavie — dont le bilan humain est estimé à 130 000 morts — traitée par la justice internationale, après la condamnation à perpétuité de l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie Ratko Mladic début juin.  

Selon l’accusation, M. Stanisic et M. Simatovic faisaient partie d’une entreprise criminelle commune incluant aussi Slobodan Milosevic, mort d’une crise cardiaque en 2006 avant l’achèvement de son procès, et le chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, condamné à la prison à vie.   

Le sort des principaux acteurs des guerres en ex-Yougoslavie

Rappel du sort des principaux protagonistes des conflits ayant déchiré l’ex-Yougoslavie dans les années 1990, après la condamnation mercredi de deux ex-chefs espions serbes par la justice internationale.

Condamnés

Ratko MLADIC, près de 80 ans, ancien chef militaire des Serbes de Bosnie.

Son âge exact fait débat : lui-même affirme être né le 12 mars 1943, mais le tribunal retient la date du 12 mars 1942.

Le 9 juin, la justice internationale a confirmé en appel la condamnation à perpétuité de l’ex-général pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre pendant la guerre de Bosnie de 1992 à 1995, qui a fait quelque 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés.

Le verdict, prononcé par cinq juges du MTPI est définitif.

Le « Boucher des Balkans » avait été arrêté en 2011 après seize années de cavale.

Radovan KARADZIC, 75 ans, a été condamné en 2019 en appel à la prison à vie pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. En première instance, l’ex-dirigeant des Serbes de Bosnie avait été condamné en 2016 à 40 ans de prison.

Le 12 mai 2021, la justice internationale a décidé son transfert, du centre de détention de l’ONU à La Haye vers le Royaume-Uni pour y purger sa peine, à une date non communiquée.

Il a été jugé responsable de persécutions, meurtres, viols, traitements inhumains ou transferts forcés, notamment lors du siège de près de quatre ans de Sarajevo (plus de 10 000 morts).

Arrêté en 2008 après 13 ans de clandestinité, il est le plus haut responsable condamné par les tribunaux pour l’ex-Yougoslavie.

Biljana PLAVSIC, 90 ans, vice-présidente puis présidente de la République des Serbes de Bosnie. Seule femme jugée devant le TPIY, qui l’a condamnée en 2003 à onze ans de prison pour crimes de guerre. Libérée en octobre 2009.

Vojislav SESELJ, 66 ans, dirigeant ultranationaliste serbe. Acquitté en mars 2016 par le TPIY des accusations de nettoyage ethnique, il a été condamné à dix ans de prison en appel, en avril 2018, pour crimes contre l’humanité. Il a été laissé libre, ayant déjà passé près de 12 ans en détention préventive, et a depuis siégé au Parlement serbe.

Acquitté

Ante GOTOVINA, 65 ans, ancien général croate. Condamné en première instance à 24 ans de prison par le TPIY pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, il a été acquitté en appel en 2012.

Décédés

Slobodan MILOSEVIC, président de la Serbie de 1990 à 2000. Décédé en 2006 à 64 ans dans le centre de détention du TPIY, où il était jugé pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Franjo TUDJMAN, président de la Croatie de 1990 à sa mort en 1999. Ce nationaliste a mené son pays à l’indépendance en 1991, qui a été suivie par un conflit déclenché par les Serbes de Croatie qui a fait environ 20 000 morts, majoritairement croates. Il aurait été inculpé de crimes de guerre s’il était resté en vie.

Zeljko RAZNATOVIC, alias ARKAN. Chef du groupe paramilitaire serbe des « Tigres », inculpé en 1997 de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour des faits commis en 1995 en Bosnie. L’acte d’accusation n’a été révélé qu’après sa mort. Abattu en janvier 2000 à Belgrade, un assassinat non élucidé.

Slobodan PRALJAK. Lors du dernier jugement du TPIY, le 29 novembre 2017, ce Croate de Bosnie, 72 ans, s’est suicidé en avalant du cyanure en pleine audience. Les juges venaient de confirmer sa condamnation à 20 ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis contre des musulmans bosniaques.

Procédure en cours

Hashim THACI, 53 ans : ex-premier ministre et ex-président du Kosovo (2016-2020), il fut le chef politique de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), qui a combattu les forces serbes durant le conflit de 1998-1999. Il a mené son pays à l’indépendance en 2008.

Le 24 juin 2020, les procureurs du Tribunal spécial pour le Kosovo (KSC) ont annoncé sa mise en accusation pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre, y compris meurtre, disparition forcée de personnes, persécution et torture ».

Après cette inculpation, Hashim Thaçi a démissionné, le 5 novembre 2020. Transféré au centre de détention du tribunal spécial à La Haye, il a plaidé non coupable lors de sa première comparution, le 9 novembre.