(Paris) Effets secondaires indésirables, efficacité discutée : victime d’une mauvaise réputation, le vaccin AstraZeneca contre la COVID-19 est boudé par les populations en France et en Allemagne, obligeant les autorités à multiplier les messages rassurants pour éviter de laisser périmer les stocks.

« Si c’est ce vaccin qui m’est proposé, je le prendrai bien évidemment » : jeudi, le président français Emmanuel Macron s’était personnellement impliqué, louant un vaccin « secure » selon les critères des autorités sanitaires.

Le remède était jusque-là déconseillé pour les plus de 65 ans en France, mais le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé lundi soir sur la chaîne France 2 que son utilisation serait étendue aux personnes âgées de 50 à 75 ans présentant des comorbidités. Les 75 ans et plus continueront à être vaccinés avec les vaccins Pfizer-BioNTech ou Moderna.

Même son de cloche chez la chancelière allemande Angela Merkel, qui vantait le 25 février dernier un « vaccin dans lequel on peut avoir confiance » et appelait les Allemands à ne pas faire de tri entre les différents laboratoires pour se faire vacciner.

Le 8 février, Olivier Véran avait montré l’exemple en se faisant lui-même injecter une dose du vaccin devant les caméras.

Cette unanimité en faveur du vaccin suédo-britannique traduit une forme d’urgence des deux côtés du Rhin, où les deux pays ont du mal à écouler leurs quantités de vaccins « AZ » reçues.

En France, seules 270 000 doses (sur 1,6 million disponibles) ont été administrées, un ratio similaire à celui de l’Allemagne qui a utilisé 240 000 doses (sur 1,45 million).

Il faut dire que le vaccin « AZ » n’a pas très bonne presse, d’abord au sujet d’une moindre efficacité supposée chez les plus de 65 ans et contre certains variants.

« AstraZeneca bashing »

Les critiques ne s’arrêtent pas là. Des effets secondaires indésirables ont été signalés dans plusieurs hôpitaux en France, auprès de personnels soignants vaccinés « AZ », essentiellement des symptômes grippaux.

Le phénomène a été suffisamment sérieux pour que certains hôpitaux, comme celui de Saint-Lô en Normandie (nord-ouest), suspendent leur vaccination. Le fonctionnement de l’établissement était affecté par un trop grand nombre de personnes en arrêt maladie après l’injection.

À l’heure actuelle, certains pays comme les États-Unis n’ont pas encore validé le vaccin AstraZeneca.

Alors, pour éviter « l’AstraZeneca bashing », comme l’a déploré le président du syndicat des médecins généralistes français Jacques Battistoni, les autorités se lancent dans une campagne de réhabilitation.

« Pour des raisons profondément injustes […] il est considéré comme un peu moins efficace ou carrément moins efficace que les vaccins à ARN comme le vaccin Pfizer ou le vaccin Moderna », explique Alain Fischer, le M. Vaccin du gouvernement français, assurant que des études récentes révèlent au contraire une plus grande efficacité.

En Écosse, une étude a ainsi montré que quatre semaines après l’administration d’une première dose, le risque d’hospitalisation était réduit de 85 % avec le vaccin Pfizer/BioNTech et de 94 % avec celui d’AstraZeneca/Oxford, par rapport aux personnes n’ayant pas reçu le vaccin.

Une autre étude, menée en conditions réelles au Royaume-Uni chez les plus de 70 ans par l’organisme Public Health England et publiée lundi, montre que les vaccins Pfizer et AstraZeneca sont « hautement efficaces » après une première dose, particulièrement sur les hospitalisations.

Les vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna sont basés sur la technologie de l’ARN messager, alors que celui d’« AZ » est à vecteur viral, mais a l’avantage d’être moins cher et plus facile à stocker.

En Allemagne, plusieurs responsables s’alarment du potentiel gâchis de vaccins inutilisés.  

Le chef du gouvernement de Bavière (sud), Markus Soeder, a demandé « qu’aucune dose d’AstraZeneca ne soit laissée de côté ou jetée ». « Avant que cela n’arrive : vaccinez tous ceux qui le souhaitent. Chaque jour compte », a-t-il réclamé dans le journal Bild.

« Nous devrions assouplir nos strictes régulations et vacciner les gens, même s’ils ne sont pas parmi les personnes prioritaires », a abondé le président de la région du Bade-Wurtemberg (sud-ouest), Winfried Kretschmann.

La chancelière allemande doit se réunir mercredi avec les responsables de chaque région pour débattre des prochaines étapes de la lutte contre la pandémie.