(Moscou) Moscou se prépare à de nouvelles manifestations de Russes qui veulent obtenir la libération du chef de l’opposition emprisonné Alexeï Navalny, qui doit comparaître mardi.

Son arrestation a déclenché de vastes manifestations dans tout le pays, au cours des deux dernières fins de semaine, qui ont donné lieu à des milliers d’arrestations, dans la plus grande vague de mécontentement en Russie depuis des années.

Des dizaines de milliers de personnes ont envahi les rues dans plusieurs villes du pays, dimanche, scandant des slogans contre le président Vladimir Poutine et exigeant la libération d’Alexeï Navalny, emprisonné le mois dernier, qui risque des années de prison. Plus de 5400 manifestants ont été arrêtés par les autorités, selon un groupe de défense des droits de la personne.

L’épouse de Navalny détenue plusieurs heures

L’une de ces personnes arrêtées pendant plusieurs heures : l’épouse de M. Navalny, Yulia, qui a été condamnée lundi à payer une amende de 20 000 roubles (340 dollars canadiens) pour avoir participé à un rassemblement non autorisé.

Alors que les médias d’État ont minimisé l’ampleur des manifestations et ont affirmé qu’elles montraient l’échec de l’opposition, l’équipe de M. Navalny a déclaré que la participation démontrait « un soutien national écrasant » au critique le plus acharné du Kremlin. Ses alliés ont appelé les manifestants à se rendre mardi au palais de justice de Moscou, où il doit comparaître.

Des manifestations de masse ont englouti des dizaines de villes russes pour le deuxième week-end consécutif malgré les efforts des autorités pour étouffer les troubles déclenchés par l’emprisonnement de l’opposant.

Le Kremlin semble secoué cette fois

M. Navalny, âgé de 44 ans, avait été arrêté le 17 janvier à son retour d’Allemagne, où il a passé cinq mois à se remettre d’un empoisonnement aux agents neurotoxiques, un geste qu’il attribue au Kremlin. Les autorités russes rejettent l’accusation.

Il risque une peine de prison pour des violations présumées de ses conditions de probation à la suite d’une condamnation pour blanchiment d’argent en 2014, qui est largement considérée comme politiquement motivée.

Le mois dernier, l’administration pénitentiaire russe a déposé une requête visant à remplacer sa condamnation avec sursis de trois ans et demi par une condamnation à purger. Le bureau du procureur général a soutenu la motion lundi, alléguant que M. Navalny s’était livré à un « comportement illégal » pendant sa période de probation.

Les rassemblements qui ont suivi l’arrestation d’Alexeï Navalny semblent avoir secoué le Kremlin. Pour tenter de réprimer les manifestations, les autorités ont emprisonné les adjoints et des militants de M. Navalny à travers le pays, notamment pour violation des restrictions relatives à la pandémie.

Au moins 51 manifestants ont été battus par la police pendant leur détention, a déclaré OVD-Info, un groupe d’aide juridique qui surveille les arrestations lors des manifestations. Des vidéos des manifestations ont montré des policiers antiémeute frappant des gens avec des matraques et les jetant au sol. Les médias ont rapporté que certains policiers avaient utilisé des pistolets paralysants sur les manifestants.

Toujours selon OVD-Info, 5646 protestataires ont au total été arrêtés, un record, d’après cette source, dans l’histoire récente de la Russie.

Parmi eux, plus de 1850 ont été interpellés à Moscou où les manifestants et les policiers ont joué toute la journée au chat et à la souris, la majeure partie du centre-ville ayant été bouclée, métro compris.

Plus de 1300 arrestations ont également été recensées dans la deuxième plus grande agglomération, Saint-Pétersbourg.

« Répression accélérée »

« C’est une accélération des répressions politiques », a commenté auprès de l’AFP Léonid Drabkine, le coordinateur d’OVD-Info.

Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a quant à lui jugé la réponse policière justifiée et dénoncé la participation d’« un assez grand nombre de voyous et de provocateurs plus ou moins agressifs » à l’égard des forces de l’ordre.

Ennemi juré du pouvoir, Alexeï Navalny a été emprisonné à son retour en Russie le 17 janvier, après une convalescence de plusieurs mois en Allemagne pour un empoisonnement dont il impute la responsabilité au président Vladimir Poutine.

Motif de l’arrestation, la violation, selon les autorités, des conditions d’une peine de prison de trois ans et demi avec sursis prononcée en 2014 et qui pourrait être commuée en sentence ferme.

M. Navalny doit comparaître mardi et risque près de deux ans et demi de détention, car il a déjà effectué, assigné à résidence, une partie de la peine.

Ses partisans sont appelés à se rassembler devant le tribunal, une porte-parole de la justice russe, citée par des médias, ayant fait savoir qu’il est prévu que M. Navalny soit présent physiquement à l’audience.

Cet opposant de 44 ans est la cible de multiples procédures judiciaires. Vendredi, il doit comparaître pour avoir « diffamé » un ancien combattant. Il est aussi mis en cause dans une enquête pour escroquerie, ce qui le rend passible de dix ans de prison.

Collaborateurs arrêtés

Parallèlement, plusieurs de ses alliés et collaborateurs ont été assignés à résidence, incarcérés ou poursuivis en justice ces dernières semaines. Certains risquent la prison pour la violation des « normes sanitaires » mises en place face à la propagation du coronavirus en organisant des manifestations.

Dans la capitale russe, les autorités ayant bouclé dimanche le centre-ville, des milliers de protestataires avaient dû se réunir plus au nord pour tenter de rejoindre la prison où M. Navalny est détenu.

La police a répliqué en interpellant à tour de bras et en usant de la force sans ménagement.

Les condamnations occidentales ont été unanimes. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a regretté des « tactiques brutales » et le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a « déploré les interpellations massives ».

M. Borrell souhaite rencontrer Alexeï Navalny à l’occasion de sa visite prévue à Moscou du 4 au 6 février, a annoncé lundi le porte-parole du diplomate.

Le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a quant à lui laissé entendre que de nouvelles sanctions de l’UE contre Moscou pourraient être envisageables, estimant que l’Allemagne devait abandonner le projet de gazoduc Nord Stream 2 la reliant à la Russie.

La porte-parole du gouvernement allemand a pour sa part défendu lundi la réalisation de ce projet controversé, indiquant que Berlin n’avait pas modifié « sa position de base » sur le sujet.

Avec Agence France-Presse