(Moscou) « La fête de la démocratie est terminée », a proclamé jeudi un responsable du Parlement russe, parmi de nombreuses voix de personnalités loyales au Kremlin raillant une Amérique en bout de course, alors que l’opposition vantait au contraire le revers infligé à Donald Trump.

La Russie s’est réveillée le matin du Noël orthodoxe avec des images diffusées en boucle par les chaînes de télévision publiques, titrées « Assaut du Capitole » ou « Chaos à Washington ».

Musiques anxiogènes

Ces images étaient accompagnées de musiques anxiogènes, montrant la foule en train de pénétrer dans le Capitole sous les tirs de gaz lacrymogène de membres des forces de l’ordre armes à la main.

Le Congrès américain a confirmé jeudi Joe Biden en tant que prochain président des États-Unis, mais plusieurs responsables russes estiment que les évènements mettent en lumière les échecs de la démocratie américaine.

Le système électoral des États-Unis est archaïque, il ne répond pas aux normes démocratiques modernes […] et les médias américains sont devenus un instrument de lutte politique.

La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova

« C’est en grande partie la raison de la division de la société observée actuellement aux États-Unis », a-t-elle ajouté, citée par les agences de presse russes.

PHOTO MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES RUSSE, VIA ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

La porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova

Moscou s’est longtemps offusqué des critiques américaines sur l’état de la démocratie russe sous le président Vladimir Poutine, accusant Washington d’hypocrisie et de condescendance.

Plus un « phare de la démocratie »

Des responsables russes ont au contraire affirmé que les États-Unis avaient perdu toute légitimité à dispenser des enseignements démocratiques à d’autres pays.

« La partie perdante a des raisons plus que suffisantes d’accuser les gagnants de falsifications, » a assuré sur Facebook Konstantin Kosatchev, le président de la commission des Affaires étrangères de la chambre haute du Parlement russe, « il est évident que la démocratie américaine boite des deux pieds ».

« L’Amérique […] n’a donc plus aucun droit de donner le cap. Et encore moins de l’imposer aux autres », a-t-il ajouté.

Il n’y a pas eu jeudi de réaction du Kremlin, mais de nombreux parlementaires soutenant le gouvernement ont commenté les évènements.  

Pour le président de la commission des Affaires étrangères de la chambre basse, Léonid Sloutsky, « les États-Unis ne peuvent certainement plus imposer de normes électorales à d’autres pays et prétendre être le “phare de la démocratie” dans le monde ».

L’opposition pas d’accord

L’opposition au Kremlin n’est pas de cet avis.

« Les poutinistes triomphent en voyant les conflits aux États-Unis et font l’éloge de la “stabilité” » russe, observait jeudi sur Twitter l’opposant Alexeï Navalny, qui se trouve à Berlin où il récupère de ce que les médecins allemands ont identifié comme une tentative d’empoisonnement à l’arme chimique après qu’il est tombé dans le coma dans un avion au-dessus de la Sibérie.

Pour la Russie, il est bien sûr inconcevable que l’actuel président des États-Unis… tente de rester au pouvoir, mais n’y parvienne pas. C’est ça, le pouvoir de la démocratie.

L'opposante au Kremlin Lioubov Sobol, sur Twitter

Cette alliée de M. Navalny fait l’objet de poursuites en Russie.

Le président Vladimir Poutine, au pouvoir depuis plus de 20 ans, a fait adopter en 2020 des amendements constitutionnels lui permettant le cas échéant de rester au Kremlin jusqu’en 2036

Anton Gorelkine, un député du comité des télécoms de la chambre basse, a de son côté félicité Twitter et Facebook pour la suspension des comptes de Donald Trump.

« Les réseaux sociaux doivent fonctionner en conformité avec règles strictes dans le cadre de la loi. Parce que la liberté absolue d’information devient une arme entre les mains des extrémistes », a-t-il déclaré sur sa chaîne Telegram.  

Les pays occidentaux critiquent régulièrement la Russie pour ses mesures visant à renforcer le contrôle des réseaux sociaux, très utilisés par l’opposition et en particulier par l’opposant n° 1 au Kremlin, Alexeï Navalny.  

Washington a notamment accusé Moscou d’« intensifier la répression de sa société civile » au moment du récent vote d’une nouvelle loi durcissant les mesures contre les ONG et les médias considérés comme des « agents de l’étranger ».

Le Kremlin a aussi été accusé d’avoir activement contribué aux divisions aux États-Unis. Washington a pris de multiples sanctions contre la Russie, notamment du fait de piratages informatiques et d’accusations d’ingérence dans la présidentielle de 2016.

Les relations entre Moscou et Washington se sont considérablement dégradées ces dernières années, avec plusieurs vagues de sanctions américaines contre la Russie, des conflits au sujet des traités de non-prolifération d’armes de destruction massive et des accusations d’attaques informatiques russes d’envergure.