(Budapest) La Hongrie de Viktor Orban a accentué mardi son offensive contre la communauté LGBT, à travers un paquet législatif qui inscrit le « genre » dans la Constitution et interdit de facto l’adoption aux couples de même sexe.

« C’est un jour sombre pour les LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres) et un jour sombre pour les droits humains », a réagi dans un communiqué David Vig, directeur de l’ONG Amnistie internationale dans le pays.

Le Parlement a adopté à la mi-journée un ensemble de textes qui durcissent la législation, sous l’impulsion d’un premier ministre souverainiste régulièrement accusé de bafouer les valeurs européennes.  

« La mère est une femme, le père est un homme », décrète ainsi un amendement à la charte fondamentale approuvé grâce au soutien massif des députés de la majorité.

Ce texte définit le sexe comme étant uniquement celui de la naissance, et ajoute : « L’éducation est assurée conformément aux valeurs fondées sur l’identité constitutionnelle et la culture chrétienne » du pays.

Dans son argumentaire, le gouvernement justifie cet amendement par la nécessité de « protéger l’enfant contre les possibles interférences idéologiques ou biologiques » du monde occidental moderne.  

Adoption réservée aux couples mariés

Le Parlement a en outre voté une loi autorisant les seuls couples mariés à adopter des enfants, ce qui exclut en pratique les homosexuels qui n’ont pas le droit de s’unir légalement en Hongrie.

Katalin Novak, secrétaire d’État à la Famille, a profité du vote de ces mesures pour diffuser sur les réseaux sociaux une vidéo appelant les femmes à ne pas essayer de rivaliser avec les hommes, que ce soit en termes de position dans la société ou de salaire.

Son message a aussitôt été condamné par les associations féministes.

Virage social à 180 degrés

Avant le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie était l’un des pays les plus progressistes de l’Europe postcommuniste : l’homosexualité y avait été dépénalisée dès le début des années 1960 et l’union civile entre conjoints de même sexe reconnue dès 1996.

Mais le chef de gouvernement, chantre de « l’illibéralisme », a petit à petit changé la donne, au motif de défendre les « valeurs chrétiennes » traditionnelles.

Dès son arrivée, il a fait réécrire la Constitution afin d’y inclure une clause définissant « l’institution du mariage comme l’union entre un homme et une femme ».

La pression s’est intensifiée en 2018, quand il a promis une « nouvelle ère » culturelle.

La Hongrie, membre de l’Union européenne depuis 2004, a alors retiré l’accréditation officielle des études de genre, un champ de recherche interdisciplinaire sur les rapports sociaux entre les sexes.

Appel à l’UE

Puis en mai 2020, Budapest a interdit l’inscription du changement de sexe à l’état civil, malgré de nombreuses protestations internationales.

Dans cette croisade ciblant les LGBT, Viktor Orban a été récemment affaibli par l’affaire Jozsef Szajer. Ce proche, eurodéputé de longue date, avait été surpris fin novembre dans une soirée libertine gaie, suscitant un tollé de l’opposition et de la presse indépendante contre l’hypocrisie du pouvoir hongrois.

Mardi, l’association Transgender Europe a appelé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à se saisir du sujet.

En rupture avec l’Union européenne

Par le passé, la Hongrie a été condamnée à plusieurs reprises par la justice européenne pour le non-respect de ses engagements.  

Parallèlement, le Parlement européen a accusé en 2018 Budapest de « violation grave » des valeurs de l’UE et a activé une procédure dans le cadre de l’article 7 du traité de l’UE, qui peut en théorie déboucher sur des sanctions.

Un mécanisme inédit liant le versement de fonds européens au respect de l’État de droit vient aussi d’être entériné malgré les protestations de Viktor Orban, qui a l’intention de déposer un recours.

Mardi une réforme du code électoral a par ailleurs été adoptée, l’opposition dénonçant une nouvelle manœuvre du premier ministre hongrois pour assurer sa victoire aux législatives de 2002.