« Injustice fiscale, colère sociale » : des milliers de « gilets jaunes » manifestaient samedi pour leur dixième journée d'action, une mobilisation en léger recul et sans heurts majeurs, quelques jours après le lancement par Emmanuel Macron d'un « débat national » censé canaliser cette colère inédite.

Le ministère de l'Intérieur a recensé 27 000 manifestants en France à 14 h, dont 7000 à Paris, contre 32 000 samedi dernier, dont 8000 à Paris. Ce décompte, le seul disponible pour ce mouvement des « gilets jaunes », est chaque semaine contesté par les manifestants.

À Paris, pour la première fois depuis le début du mouvement social il y a deux mois, la manifestation s'est déroulée de manière classique, suivant un parcours préétabli et sans débordements.  

« Je gagne 4000 euros par mois, j'ai trois voitures et deux motos, tout va bien pour moi. Mais je suis mobilisé depuis le début car je ne peux plus supporter de voir les jeunes autour de moi qui ne peuvent pas vivre correctement », dit Éric, 58 ans, électrotechnicien de Nemours.

Le cortège parti dans le calme vers 12 h des Invalides,  le point de rendez-vous principal annoncé sur les réseaux sociaux, est revenu à son point de départ quatre heures plus tard, après 14 kilomètres de marche dans une ambiance globalement bon enfant.

Les forces de l'ordre ont actionné pour la première fois canon à eau et jets de lacrymogènes vers 16 h 30 autour des Invalides, pour faire reculer des manifestants jetant bouteilles et pavés. La tension est ensuite retombée.

Dans la capitale, à Rennes, Bordeaux, Montpellier, Angers, Nantes ou Tours, la colère était toujours intacte face à la violence policière, dénoncée ses derniers jours, à l'injustice sociale ou à la « surdité du gouvernement ».

« France mutilée »

« Castaner le boucher, France mutilée », a crié la foule à Toulouse (5000 manifestants), visant le ministre de l'Intérieur qui a défendu vendredi l'utilisation par les forces de l'ordre du lanceur de balles de défense controversé LBD.

« Soyons responsables, ne payons pas la dette #Banque nationale » pouvait-on lire sur une pancarte à Lyon, « Bienvenue en lacrymocratie » à Tours.  

À Bordeaux, 4000 personnes, selon la préfecture, ont défilé dans le centre de la ville avant que des heurts entre des jeunes très organisés et les forces de l'ordre ne se produisent en fin de manifestation.  

À Grenoble, 1500 personnes défilaient dans le calme. Ils étaient 2000 à Belfort, 900 à Saint-Étienne.

Beaucoup réclament un « référendum d'initiative citoyenne », « plus de démocratie ». Dans la foule, à Rennes, le dos d'un manifestant prévient : « Injustice fiscale, colère sociale ».

À 17 h, 30 interpellations avaient eu lieu à Paris, « essentiellement pour port d'arme prohibé », selon la préfecture de police. Ces arrestations ont donné lieu à 17 placements en garde à vue, selon le parquet de Paris. Les précédents samedis avaient très vite été émaillés de violents heurts dans la capitale.  

D'autres rassemblements étaient également annoncés à travers le pays.

L'exécutif a mis en place un dispositif d'ampleur comparable au week-end précédent, soit environ 80 000 policiers et gendarmes en France, dont 5000 à Paris.

Cet acte 10 clôture une semaine marquée par une vive polémique sur l'usage du lanceur de balle de défense (LBD) par les forces de l'ordre et les blessures graves subies par de nombreux manifestants.

Christophe Castaner, qui a encore défendu vendredi son usage lors des opérations de maintien de l'ordre, s'est également dit « sidéré » par les accusations de violences policières, malgré certaines vidéos qui montrent un usage du LBD sans menace immédiate sur le tireur.  

Face à la controverse, les policiers de l'Ain porteurs de LBD lors de la manifestation de Bourg-en-Bresse vont être équipés samedi de « caméras-piétons ».

Au-delà des rassemblements prévus samedi, la mobilisation doit se poursuivre dimanche dans plusieurs villes.

Des femmes « gilets jaunes » appellent à une manifestation à Paris, inspiré par l'événement pacifique qu'elles avaient déjà organisé le 6 janvier.  

Dimanche verra également l'arrivée d'un « gilet jaune » moins connu dans la capitale : José Manrubia. Parti d'Arles (Bouches-du-Rhône) le 16 décembre, cet artiste plasticien rallie Paris à pied après 34 jours de marche.

Pour lui, malgré le débat lancé par Emmanuel Macron, pas question de désarmer sans l'instauration du référendum d'initiative citoyenne (RIC), « revendication principale de 90 % des ronds-points », selon lui. Pouvoir d'achat, fiscalité,  démocratie et environnement : avec ces thèmes, le président espère, lui, répondre à tous les mécontentements.